News - 22.01.2016

La Tunisie est-elle grosse d'une deuxième révolution ?

La Tunisie est-elle grosse d'une deuxième révolution ?

Une dizaine de jours après la mort par électrocution du jeune Ridha Yahiaoui le 17  à Kasserine, et les manifestations qui se sont ensuivies, la Tunisie doit faire face à sa plus grave crise depuis la révolution. Certains l’ont même comparée à celle du 14 janvier 2011. Effectivement, les similitudes sont  nombreuses (le même élément déclencheur : la mort d’un jeune chômeur et le même endroit : le siège du gouvernorat d'une ville distante d’une soixantaine de kilomètres de Sidi Bouzid), mais elles s’arrêtent là. Il n'y aura pas une deuxième révolution car le contexte n’est pas le même. 

En 2011, la Tunisie vivait sous la dictature. Aujourd’hui, c’est une démocratie, la première du monde arabe. Elle a adopté une nouvelle constitution, s'est dotée d'institutions constitutionnelles et organisé des élections libres à trois reprises en cinq ans. Reste la question de l’emploi, l'autre revendication majeure des manifestants des jeunes en 2011-2012, qui est aussi à l’origine des évènements que nous vivons. C’est en quelque sorte, le talon d’Achille de la jeune démocratie tunisienne. Les sept gouvernements qui se sont succédé depuis le 14 janvier n’ont pas réussi à la résoudre.  Bien au contraire, le taux de chômage a augmenté. En grande partie, en raison des tensions sociales, du climat d’insécurité aggravé depuis deux ans par la menace terroriste et des investisseurs tunisiens et étrangers qui rechignent à investir en Tunisie. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, l'économie est en berne. Pour la première fois, le pays est entré en récession et les caisses de l’Etat sont vides. Du coup les opportunités d’emploi ont baissé.

Pour briser ce cercle vicieux, il y a deux conditions : la sécurité et la stabilité. Malheureusement, ce sont deux facteurs exogènes sur lesquelles, le gouvernement actuel n’a pas de prise, même si son rendement  n’est pas satisfaisant aux yeux de beaucoup de Tunisiens. Là encore, il faudra nuancer. Ce gouvernement n’est pas suffisamment soutenu par les partis de la coalition et notamment par Nidaa Tounès, le parti majoritaire et il n’est pas rare que certains de ses cadres se montrent très critiques à son égard. Mais, En tout cas, le moment, Habib Essid refuse de démissionner : « Je n'a jamais songé à le faire» a-t-il déclaré ce jeudi. De retour de Paris, il réunira samedi le conseil des ministres avant de tenir une conférence de presse. Il est donc peu probable que les élections anticipées que réclame entre autres Moncef Marzouki aient lieu. De toute évidence, l'ex président provisoire lorgne Carthage et il piaffe d'impatience de s'y installer. Ce ne sera pas facile pour lui, d'autant plus que les Tunisiens ne gardent pas des souvenirs impérissables de sa gestion des affaires de l'Etat et qu'il ne bénéficiera probablement pas des voix d'Ennahdha. D'ailleurs, on doit s'attendre dans les prochains jours à des des propositions similaires de la part de politiciens qui tels des charognards veulent mettre à profit cette crise et l'émiettement de Nidaa Tounès pour se remettre en selle. En revanche, un gouvernement d'union nationale serait plus indiqué. Mais le Front Populaire est-il prêt à y prendre part ? Peut-être privilégierait-il comme Marzouki des élections anticipées où il espère rafler les voix de Nidaa, décidément objet de toutes les convoitises, et accéder au pouvoir. Ses cadres et en premier lieu son porte-parole, Hamma Hammami, ont appelé, ces derniers temps, les militants à se tenir prêts à assumer le pouvoir.

Et Ennahdha dans tout cela ? Elle soutient fermement le gouvernement et se comporte en véritable parti majoritaire, dénonçant les actes de violence tout en appuyant les revendications « légitimes» des manifestants. Parallèlement, elle s'attelle à la préparation de son congrès sans tombour, ni trompette, et attend avec sérénité la prochaine échéance électorale.

                                                                                                                                                                                                                            Mustapha