Hédi Larbi : Nous devons aider les amis de la Tunisie... à nous aider ! (Vidéo)
« Ceux qui, de par le monde, ont beaucoup cru aux promesses de la transition démocratique en Tunisie au lendemain de la révolution risquent de voir leurs espoirs déçus. Autant l’adoption de la constitution, la réussite des élections et l’entrée en fonction des nouvelles autorités ont suscité admiration et encouragements, autant l’instabilité politique, les débrayages sociaux et les tiraillements au sein de Nidaa Tounès sont facteurs de remises en cause. Nous ne faisons rien pour rassurer les amis de la Tunisie et les conforter dans leur soutien en notre faveur et les aider à nous aider ! ». Hédi Larbi, ancien ministre de l’Equipement dans le gouvernement Mehdi Jomaa et qui vient de passer quatre mois à Harvard en tant professeur visiteur, ne peut mieux résumer le désenchantement à l’égard de la Tunisie qui commence à gagner nombre de milieux politiques, économiques et universitaires en Amérique du Nord et dans le reste du monde. C’est ce qu’il développe dans une interview à Leaders, au moment où il s’apprête à revenir à Boston pour un second semestre à Harvard.
Cet ingénieur de l’Ecole des Mines de Paris, titulaire d’un MBA de Harvard et diplômé du Massachusetts Institute of Technology (MIT), qui a été pendant plus de 20 ans, directeur à la Banque mondiale, couvrant plus de 20 pays arabes et africains, garde un regard attentif sur ce qui se passe en Tunisie. Son analyse, lucide, est instructive.
Oui, personne ne comprend que les Tunisiens ne se remettent pas au travail, que le gouvernement ne soit pas fort et ne compte pas de grandes compétences chevronnées, que les ministres s’encombrent de la gestion au lieu de se concentrer sur l’élaboration des politiques publiques, le suivi de leur mise en œuvre et leur amélioration et que les grandes réformes tardent à s’engager.
« Jusque-là, la perception de la Tunisie était très bonne, explique-t-il. Nombreux qui sont fiers de ce qui a été accompli par notre pays et notre peuple. Ils ont appuyé nos demandes pour accroître l’aide internationale et solliciter un soutien plus important en faveur du renforcement sécuritaire et de la relance économique. Cette fenêtre exceptionnelle que nous gagnons à exploiter risque de se rétrécir et ça sera un grand dommage », met en garde Hédi Larbi.
Il considère que le gouvernement Jomaa était capable de bien réfléchir, de comprendre les enjeux stratégiques et économiques, d’agir en esprit d’équipe et solidaire, et de bénéficier du leadership du chef du gouvernement, en travaillant, hors de tout engagement partisans et sans arrière-pensée politique, ayant une mission précise et de courte durée. Il reconnaît que le nouveau contexte à prendre en charge est très complexe, avec en plus un système électoral et un régime constitutionnel qui ne facilitent pas les choses.
Hédi Larbi a indiqué à Leaders tout l’intérêt qu’il tire de son passage à Harvard, détaillant les différentes missions qu’il a assurées et celles qui lui sont confiées pour le premier semestre 2016. Il a par ailleurs révélé qu’il se propose de publier bientôt un ouvrage consacré aux politiques économiques publiques, avec un focus sur les aspects sociaux, en matière d’éducation, de santé et autres.