News - 18.01.2016

Ghannouchi : « L’UGTT, les Destouriens, les Islamistes et la Gauche sont incontournables »

ghannouchi

«L’UGTT, les Destouriens, les Islamistes et la Gauche constituent une force essentielle qu’il serait vain de sous-estimer, jouer les uns contre les autres ou marginaliser. Nous n’avons d’autres choix que la concorde du Tawafuk. » C’est ce qu’affirme le leader d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, dans une longue interview à notre confrère Ech-Chourouk. A quelques semaines de la tenue en mars prochain du Xème congrès extraordinaire très attendu de son parti, il annonce la « distinction entre le politique et le religieux » au sein d’Ennahdha. Précis et soucieux de choisir la terminologie retenue, il ne parle ni de séparation, ni de renonciation, mais de "distinction". Il indique en outre qu'une large place sera réservée dans les instances du parti à la jeunesse et à la femme, faisant ainsi écho des différentes doléances exprimées par la base et remontées jusqu'à l'éditorial du journal Al Fajr, organe du parti.

Livrant son analyse de la situation, le Chef d'Ennahdha souligne la nécessité de rapprocher les positions entre l’UGTT et l’UTICA et d"élargir la coalition faisant un appel du pied au Front populaire pour la rejoindre la coalition. Il met en exergue « le rôle des Destouriens dans le mouvement national et la construction de l’État » et reconnaît l’œuvre réformatrice engagée, estimant que nombre de valeurs sont en commun partage avec Ennahdha. Sans vouloir trop s'y étendre, il évoque également ses efforts de décrispation des relations entre l'UGTT et Carthage. Ghannouchi plaide en faveur d’une « démocratie consensuelle » la plus appropriée estime-t-il pour le contexte tunisien encore en cours de stabilisation. Extraits.

UGTT

«C’est une organisation nationale qui a tout son poids et qu’on ne saurait éloigner. La stabilité exige une entente avec elle, constituant un pilier fondamental de la politique tunisienne. Toute tentative de la marginaliser ne conduira qu’à la catastrophe. C’est ce que nous enseigne l’histoire »… « J’ai évoqué avec le Secrétaire général de l’UGTT les difficultés qui surgissent dans le pays et les trébuchements des négociations dans le secteur privé. Tout en exprimant mon estime à l’action menée pour défendre les intérêts des travailleurs, je n’ai pas manqué de faire part de mon étonnement de voir les négociations se bloquer surtout que l’écart entre les propositions est très réduit. J’ai exhorté Houcine Abbassi à franchir cette étape afin d’éviter tout élargissement des fissures entre deux grandes organisations nationales historiques ».

Front populaire

«C’est Al Jabha qui entretient des rapports tendus avec nous alors que nous ne cessons à chercher à nouer le dialogue avec eux. Lors de la composition du premier gouvernement Essid, puis tout récemment à l’occasion du remaniement, nous avons conseillé au chef du gouvernement de faire rallier le Front populaire à la coalition. Nous l’avons fait, parce que nous croyons qu’il est de l’intérêt du pays dans cette phase transitoire que tous doivent faire partie du gouvernement.

«J’estime qu’Al Jabha n’a pas encore découvert l’importance de la concorde et ne réalise pas que la politique de l’exclusion, y compris des Islamistes, pratiquée d’ailleurs en vain par Ben Ali, a suscité la révolution. L’exclusion n’est guère bénéfique. Le dialogue national a été un facteur d’entente. Pourquoi tout rapprochement devient-il aujourd’hui suspect et constitue un crime puni par le renvoi ou le gel de ceux qui franchissent cette ligne marquée du rouge. L’exclusion n’a pas d’avenir. Le Front est rigide, très attachés à l’esprit d’exclusion, accablant Ennahdha d’accusations de terrorisme. Il n’agit que dans ce sens, s’employant même à exercer sa pression sur la justice en essayant de l’influencer. Nous prenons pour exemple ce qui s’est passé avec Riadh Ben Fadhl et Al Qotb, pour une simple rencontre avec Ali Laraayedh, alors qu’il y accompagnait Naief Hawatma, hors de tout cadre partisan. »

Le prochain congrès d’Ennahdha

«Nous avons choisi le terme de distinction entre le religieux et le politique. C’est une forme de spécialisation qu’impose l’évolution. Ennahdha n’est plus un petit parti, gagnant en dimension et ampleur. La partie la plus importante dans ce parti est l’action politique. C’est ce qui prévaut dans toutes nos réunions. Le parti doit prendre en charge les aspects politiques, laissant les autres aspects à l’action au sein de la société civile. Les partis sont des projets de gouvernement. Le reste appartient à la société civile. »

"L’orientation générale du congrès porte sur l’évaluation, l’examen des rapports entre le politique, le sociétal et le culturel, dans le sens d’une spécialisation. Nous avons élaboré une série de projets de motions relatives à l’économie, la lutte contre le terrorisme et l’action culturelle. Ces documents sont mis en débats. Nous avons finalisé à présent les congrès de base et nous préparons à tenir les congrès régionaux ».