Lu pour vous - 31.12.2015

Fathi Zouhir ou le parcours d'un militant exemplaire (Vidéo)

Fathi Zouhir ou le parcours d'un militant exemplaire

La valeur d’un militant ne peut pas être mesurée uniquement à l’aune de sa notoriété. En dehors du premier cercle de collaborateurs de Bourguiba, il y avait des centaines de militants inconnus du grand public soit parce qu’ils n’ont jamais cherché à se mettre en évidence, soit parce que Bourguiba avait, pour des raisons qui lui appartenaient, mis sous l’éteignoir.

Fethi Zouhir était de ceux-là. Il n’inspirait pas confiance au prince même si celui-ci lui reconnaissait des qualités. Avant de lire le livre que lui a consacré Fakher Rouissi(1) il y avait deux ou trois choses que je savais de lui : il a été ministre de la Santé en 1964, puis  directeur général du protocole en 1965 à une époque où on ne démissionnait pas, on était démis. Last but not least, il était le beau-frère de Salah Ben Youssef, ennemi juré de Bourguiba et le gendre de Raouf Bey, fils de Moncef Bey dont il avait épousé respectivement la fille et la petite-fille, la belle princesse Traki. Cela ne pardonne pas. Fethi Zouhir a eu beau être un militant de la première heure (il a été arrêté une première fois en 1941, puis en 1946 après sa participation au congrès de la nuit du destin et enfin en janvier 1952), le rapporteur du Conseil des Quarante créé par Lamine Bey en 1952 avec l'aval du Néo Destour, occupé le poste de chef de cabinet du président du Conseil dans le 1er gouvernement Ben Ammar en 1954 où il joua un rôle prépondérant dans les négociations sur l'autonomie interne, puis ministre dans le 2e gouvernement Ben Ammar, il n'aura droit au lendemain de l'Indépendance qu'à un petit siège à l’Assemblée constituante. Il contribua tout de même à la rédaction de la constitution en tant que membre du comité de rédaction . Il sera ensuite nommé ambassadeur successivement à Rabat, Rome et Moscou. On dit que Bourguiba appréciait ses rapports à la fois clairs et concis et les lisait à ses collaborateurs pour qu'ils en fassent leur profit. Il sera ensuite nommé ministre de la santé où il restera un an avant d'être nommé directeur du protocole, poste dont il démissionnera un mois plus tard. Mais quels que soient ses mérites, il restera aux yeux du «combattant suprême», le gendre de Ben Youssef

Pour comprendre l'attitude de Bourguiba, il faut se mettre dans le contexte de l'époque.  Ben Youssef et la famille Beylicale, c'était ce que Bourguiba abhorrait le plus : le premier parce qu'il s'est violemment opposé à lui en 1955 allant jusqu'à provoquer une guerre civile dans le pays, la seconde pour ses compromissions avec les autorités du protectorat. Circonstance aggravante : tout en restant loyal vis à vis de Bourguiba, Fathi Zouhir entretenait de très bonnes relations avec Salah Ben Youssef jusqu'à son assassinat en 1961 à Francfort. « Le Combattant suprême» ne pouvait que s'en formaliser. En tout cas, Zouhir, contrairement à d'autres, ne s'est pas cramponné au pouvoir. Il quittera définitivement la scène politique pour revenir au barreau qu'il ne quittera plus jusqu'à sa mort non sans y laisser son empreinte. Il aura à défendre des militants de gauche, comme Me Refai tout comme d'ancien résistants à l'exemple de Taïeb Zellag qui se ralliera à Salah Ben Youssef avant de rejoindre la révolution algérienne naîssante. Un véritable personnage de roman qui sera finalement arrêté et condamné à mort. Me Zouhir remuera ciel et terre pour le sauver allant jusqu'à faire appel aux amis de Bourguiba dans le mode arabe, à l'instar du Palestinien Mohamed Ali Tahar. Mais Bourguiba restera intraitable. Comme l'attestent les témoignages de ses collègues rapportés dans le livre, Fethi Zouhir jouissait du respect de toute la profession et fut élu batonnier à seux reprises.

Le livre se lit d'une seule traite. Plus qu'une simple biographie, c'est un livre d'histoire dont des pans inconnus nous sont révélés. Du mouvement national à l'édification du nouvel Etat en passant par le sport, en tant que joueur, simple dirigeant puis président du Club Africain, son parcours aura été exemplaire. Il n'a jamais cherché les honneurs et s'est efforcé de servir son pays avec le désintéressement et la modestie dont seuls sont capables les vrais militants.

H.B


العميد فتحي زهير الوساطة الضائعة في الخلاف البورﭭيبي اليوسفي (1 Fakher Rouissi, Le doyen Fethi Zouhir, la médiation avortée dans le différend Bourguiba-Ben Youssef Dar Tounes lilnechr 320  pages 20 DT

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1 Commentaire
Les Commentaires
Rouissi - 05-01-2016 15:45

Erratum je me suis trempé de la date du mariage de Salah Ben Youssef;il s'agit de 1947 et non 1950. 1950 est la date du mariage de Fathi Zouhir...mes excuses aux auditeurs

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