Prix Nobel de la paix : Lettre de Félicitations au Quatuor
Le prix Nobel de la paix 2015 a été décerné au Quartet du Dialogue National en Tunisie. C’est la première fois que ce prix est attribué à une institution tunisienne. Dans tous les coins du pays on est content. Nombreux sont ceux qui se félicitent comme si c’était leur récompense personnelle. D’autres plus modestes félicitent la Tunisie terre de miracles qui ne cesse d’accoucher d’exceptions dans divers domaines. Beaucoup croient maintenant qu’il est permis d’espérer et de rêver. Le tourisme va se réhabiliter, les investisseurs vont se bousculer pour mettre en action des projets grandioses en vue de sauver l’économie tunisienne en faillite. L’Europe et l’Amérique et pourquoi pas l’Australie et le japon vont à leur tour inviter les tunisiens et leur ouvrir les frontières pour les inciter à travailler chez eux. Euphorie, la même que celle qui nous a pris le lendemain de la révolution 2011. Et cette fois aussi, beaucoup seront déçus. Aucun miracle ne se passera. Nous ne récolterons que le fruit de notre travail. Mais les quatre personnalités qui représentent le Quartet pourraient faire beaucoup pour le bien de la Tunisie. Avant tout il importe de donner aux quatre personnalités du quartet ce qui leur appartient et ne pas l’usurper. Ils sont appelés ensuite à mettre en valeur leur travail et le faire connaitre au grand public tunisien et étranger. Enfin c’est à la société tunisienne de tirer les enseignements sur les raisons de la réussite.
Dire que le Prix Nobel de la paix 2015 est attribué à la Tunisie, ou bien à l’intelligence tunisienne ou mieux à la société civile tunisienne c’est bien. Mais ignorer tout ce que les quatre personnalités ont accompli pour la réussite du dialogue tunisien en 2013, c’est sous estimer leurs efforts et leur abnégation pour résoudre la crise politique tunisienne. C’est en un mot une forme d’usurpation de la réussite de ces responsables. En Tunisie nous avons pris l’habitude d’honorer les morts même s’ils n’ont pas fait autant pour accéder au rang de héros. On comble de décorations et d’hommages ceux qui nous ont quittés. Nos héros ne sont jamais parmi les vivants. On ne félicite pas les héros vivants. Quand est ce que ce cynisme va-t-il s’arrêter ? Abassi, Bouchemmaoui, Ben Moussa et Mahfoudh ont dirigé d’une main de maitre tout le processus du Quartet. Leur action a réussi et ont permis à la Tunisie de réussir la transition démocratique. C’est peut être l’action politique la plus importante depuis la révolution de 2011. La fin justifie les moyens. Qu’est ce qu’on attend pour les récompenser ? C’est vrai qu’ils représentent leurs organisations, mais du moment qu’ils ont réussi et ont été récompensé par le Comité Nobel, il serait aussi utile de leur donner ce qui leur appartient. Ces quatre personnalités sont des héros tunisiens qu’il faudrait applaudir et leur vouer tout le respect. Il ne faut pas attendre qu’ils nous quittent pour l’autre monde pour les hisser au rang de héros.
Un autre travail attend le quatuor. Il leur est demandé de valoriser ce Prix Nobel. L’idée est de les inviter à faire connaitre leur réussite à un large public. Si les travaux du Dialogue ont été consignés dans un journal, il ne sera pas difficile de rédiger une œuvre relatant tout le processus du dialogue, les difficultés rencontrées et les conclusions. Ce travail intellectuel est le meilleur cadeau que le quatuor pourrait offrir au peuple tunisien et à l’opinion internationale sur la réussite de l’expérience tunisienne. Et ceci non sans compter les dividendes de l’œuvre qui pourraient rapporter beaucoup plus d’argent que le Prix Nobel lui-même. Imaginez un bestseller traduit dans différentes langues qui sera lu dans tous les coins de la Terre. Les personnalités du Quatuor seront appelées à intervenir dans beaucoup d’institutions en Tunisie et à l’Etranger pour expliquer, partager et faire valoir la réussite tunisienne. Une préparation intellectuelle est exigée pour qu’ils mènent cette mission à merveille.
Enfin, pour la société civile tunisienne à laquelle une grande part d’honneur lui revient dans cette réussite mais qui en fait ne recevra rien. Tel le Château elle est tout et rien. Les femmes et les hommes de la société tunisienne et en premier lieu les militants de la société civile tunisienne sont honorés pour leur intelligence et leur abnégation. Ils continueront à servir notre beau pays et tireront les enseignements de cette réussite. Le Quartet fils de la société civile tunisienne n’était pas payé pour résoudre la plus profonde crise qui a frappé le pays et qui a failli l’entrainer vers la guerre civile. Je suis sur que c’est grâce à la qualité morale de ces quatre personnes que le pays a été sauvé. Le patriotisme, l’abnégation et le courage personnel étaient les armes secrètes de leur réussite. Notre pays a besoin de précepteurs capables d’éduquer notre jeunesse et non de percepteurs habiles dans l’exploitation de nos richesses.
Mohamed Nafti