La Tunisie en panne!
Tel un grand navire dont la voilure se réduit et qui change d’orientation, s’immobilisant en pleine mer, la Tunisie offre l’image d’un pays en panne. Point d’orientation précise, alors que de nouveaux horizons sont largement ouverts. Point de souffle dynamique pour l’y conduire, même si des vents favorables se manifestent par moments. Point de projet mobilisateur pour motiver l’équipage. Point d’ambition à porter par tous. Comme si la révolution suffisait à elle seule pour tout accomplir. Comme si la nouvelle constitution et les nouveaux pouvoirs parvenaient à satisfaire toutes les attentes. Au gouvernail, le président élu essaie de tenir le cap. L’équipage pare au plus urgent. Mais l’élan général tarde à venir. Quitte à faire du surplace ! Mieux que d’échouer ou de chavirer. Les dangers sont menaçants, pas le moindre risque à prendre. Attendons!
Où est passée la pensée tunisienne ? Où est passée l’intelligentsia féconde d’idées, productrice de nouveaux paradigmes, innovante en modèles? La Tunisie millénaire a toujours été nourrie d’une grande pensée intellectuelle qui lui a donné un concept et forgé une identité. Le concept, celui d’un pays agricole et commerçant, riche de ses métissages, ouvert sur la mer, leader dans la région, fondé sur la constitution de Carthage et une cité démocratique. L’identité propre s’enrichira au fil des siècles pour ne retenir dans les valeurs que ce qui est universel, fait de tolérance et de modernité. Le temps fera son œuvre, mais ne parviendra jamais à gommer ces grands traits caractéristiques qui constituent son ADN.
La pensée réformiste a fondé l’Etat tunisien sous diverses dynasties et conduit vers l’indépendance, l’abolition de la monarchie, la proclamation de la République. Les néoréformateurs se sont mis à l’œuvre, avant même l’annonce officielle de l’indépendance, pour dessiner les contours de ce que sera la nouvelle Tunisie, fixer les choix économiques et sociaux prioritaires. Les motions des congrès de l’Ugtt (1954) et du Néo-Destour (1955) sont la plateforme conceptuelle des politiques d’enseignement, de santé, d’emploi, d’entreprise, de lutte contre la pauvreté et la précarité, d’alphabétisation, de régulation des naissances et autres grands chantiers salutaires. La Tunisie s’est ainsi dotée d’une vision. L’indépendance acquise, c’est cette «joie de vivre» qu’il fallait accomplir et Bourguiba a su y rallier le peuple.
Le 14 Janvier, le slogan «Dégage !» a fonctionné à plein régime, démontrant toute sa puissance avec une détermination irréductible : «Le Peuple veut ». Cette revendication profonde, cet exercice souverain de la volonté du peuple ont-ils abouti ? Les politiques se sont rués pour les accaparer, ils se sont battus bec et ongles pour occuper le fauteuil de Carthage, arracher des sièges au Parlement, des postes au gouvernement… Le catalogue de leurs mirobolantes promesses est sans fin. Leur palmarès est d’une affligeante déception.
Panne d’idées, panne d’inspiration, panne de croissance, panne d’imagination, panne tout court. La note d’orientation stratégique du plan de développement 2016-2020 en offre une désolante illustration. Enchaînement de chiffres et de projets, sans axes fondateurs ni priorités hiérarchisées, il occulte la grande vision d’ensemble, le modèle de société, l’âme du Tunisien, son devenir. Quels sont les sociologues, ethnologues, philosophes et autres penseurs qui ont contribué à son élaboration ? Difficile de citer une seule personne d’autorité intellectuelle reconnue.
Si tous pensent à la Tunisie, qui pense pour la Tunisie…d’aujourd’hui et de demain ? Les partis politiques en sont-ils capables ? Ils en font la démonstration à travers leurs pâles manifestes et programmes non révisés et mis à jour depuis les dernières élections de 2014. Les organisations syndicales, patronales et ouvrières ? Elles sont noyées dans leurs négociations salariales et obnubilées par leurs échéances internes? Reste la société civile en ultime recours. Le souffle qui fera bouger le navire Tunisie viendra essentiellement de cette forte énergie d’inspiration, d’orientation. Une grande poussée collective qui mettra fin à l’immobilisme, déploiera largement les voiles dans le bon sens et conduira la traversée vers les grands horizons promis.
Des crédits sont certes nécessaires, des aides indispensables et un soutien sécuritaire est impératif. Ce dont la Tunisie a en outre le plus besoin, ce sont des idées innovantes, un projet d’avenir, une ambition collective. De la pensée qui éclaire le chemin vers l’avenir. Face à l’impuissance des politiques, encore une fois c’est à la société civile de l’accomplir. Les autres suivront.
Ainsi voudra le Peuple pour dépanner l’Etat, la société, le pays.
Taoufik Habaieb
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"Panne d’idées, panne d’inspiration, panne de croissance, panne d’imagination, panne tout court. La note d’orientation stratégique du plan de développement 2016-2020 en offre une désolante illustration. Enchaînement de chiffres et de projets, sans axes fondateurs ni priorités hiérarchisées, il occulte la grande vision d’ensemble, le modèle de société, l’âme du Tunisien, son devenir. Quels sont les sociologues, ethnologues, philosophes et autres penseurs qui ont contribué à son élaboration ? Difficile de citer une seule personne d’autorité intellectuelle reconnue".C'est là un cri d'alarme sorti des entrailles mais que je ne partage pas.La note d'orientation est encore en cours de discussion.Oui, la société civile doit peser de tout son poids pour que certaines choses changent et au plus vite.Le pays ne sortira de l’ornière que par la conjonction des efforts de tous.Que perdrait-on à ressusciter le conseil économique et social dans une version allégée en y incorporant des gros calibres de l'économie et de la planification ( Mr Mohamed kamel Nabli, Mr Mansour Moalla, Mr Chedli Ayari...) et certains de nos penseurs ( Le philosophe Y Essedik...)?
La politique tunisienne est en panne parce que les élites du pays sont frileuses, amnésiques, désabusées et complètement à côté de la plaque.
je pense qu'à vouloir contenter tout le monde , on ne satisfait personne, ce qui est classique, et montre l'incapacité actuelle de nos politiques à orienter le pays vers une politique de croissance qui elle seule, créera des emplois. le reste est question d'éducation et de respect des lois