News - 15.09.2015

Mohamed Ibrahim Hsairi: L’antidote requis aux maux de la Tunisie (Vidéo)

Mohamed Ibrahim Hsairi: L’antidote requis aux maux de la Tunisie

Quels sont les trois dossiers qui risquent de miner la rentrée ? Quels enjeux représentent-ils ? Et quelles solutions appropriées proposer ? Dans sa dernière livraison (N°52) de septembre 2015, le magazine Leaders a sollicité les analyses de figures tunisiennes marquantes. Leurs avis variés offrent aux décisionnaires des éléments dont les décisionnaires peuvent faire leur profit. Ci-après l'analyse de Mohamed Ibrahim Hsairi.


 

Outre la poursuite, sans aucun répit, de la lutte contre le terrorisme qui demeure la priorité des priorités du pays tout entier, je crois qu’au vu des développements qui ont marqué les mois de juillet et d’août, le gouvernement sera appelé, dans les prochains jours, à faire face à nombre de dossiers brûlants, dont en particulier les trois suivants.

  1. Le dossier du différend qui oppose le ministre de l’Education au syndicat de l’enseignement de base  et qui risque d’entamer le démarrage de la nouvelle année scolaire
  2. Le dossier de la recrudescence, d’une part, des demandes, parfois aberrantes, des acteurs économiques, et, d’autre part, des revendications, parfois irraisonnables, des forces ouvrières et des salariés. Recrudescence qui peut s’expliquer par les difficultés économiques des uns et des autres, mais qui risque de générer des débordements en cas de persistance de la mentalité destructrice du «chacun-pour-soi»,
  3. Le dossier des conflits qui continuent à opposer les partis dans leur quête de positionnement ou de repositionnement sur l’échiquier politique. Jusqu’ici latents, ces conflits risquent de devenir ouverts, particulièrement si «le  gâteau» du pouvoir est mal partagé.


Les multiples enjeux qui sont inhérents à ces trois dossiers viennent s’ajouter aux nombreux problèmes que le gouvernement peine à résoudre. Ils risquent de le contraindre à continuer à focaliser son attention et à concentrer ses efforts sur la gestion du «conjoncturel» au lieu de se pencher sur le «structurel».
Ils l’empêcheront ainsi de s’atteler à l’indispensable mise au point puis à exécution des grandes réformes dont le pays a besoin pour sortir de sa difficile situation actuelle.  Il est donc impératif pour le gouvernement, afin d’éviter de continuer à faire du «surplace», qu’il sache  appréhender ces dossiers rapidement, avec tact et surtout dans le cadre d’une vision claire et globale des besoins impérieux de la cohésion nationale que nous nous devons, plus que jamais, de préserver pour pouvoir affronter les dangers qui nous guettent et les menaces qui planent sur notre pays.

Etant tributaire de l’amélioration tangible des conditions de vie de l’ensemble des Tunisiens, la préservation de la cohésion exigera, de mon point de vue, que le gouvernement déclare la guerre aux pratiques malsaines et aux comportements pervers qui ont prévalu durant les années qui ont suivi le 14 janvier 2011 et qui ont, malheureusement, contaminé la vie nationale par ce que j’appelle «les trois pollutions».
Il s’agit, en l’occurrence, de la pollution de notre environnement naturel, de la pollution de notre environnement économique, et de la pollution de notre environnement administratif. Pour venir à bout de la première forme de pollution, c’est-à-dire celle de l’environnement naturel, trois actions d’envergure sont à entreprendre de toute urgence.

Tout d’abord, une véritable campagne de propreté est à mener dans tout le pays (et non pas dans trois villes seulement, comme vient de l’annoncer le ministre de l’Environnement et du Développement durable). Cette campagne, qui doit durer le temps qu’il faudra, aura besoin d’associer les composantes de la société civile et les citoyens. La sortie spontanée des Tunisiens, au lendemain du 14 janvier 2011, pour assurer la sécurité de leurs rues et quartiers, et plus récemment leur participation au «mois de l’école», montrent qu’ils sont prêts à se mobiliser lorsqu’ils sont convaincus du bien-fondé de l’action à laquelle ils sont invités à participer.

Outre qu’elle aura pour objectif de débarrasser nos villes des ordures et des saletés qui ont transformé leurs rues et leurs places en de véritables dépotoirs, elle devra, par la même occasion, ôter les étals anarchiques et mettre un terme à l’occupation illégale des trottoirs et des espaces publics. Parallèlement, et c’est le plus important, il sera nécessaire d’accélérer le processus de l’organisation des élections municipales que certaines parties semblent vouloir, pour des raisons occultes, remettre à 2017 et peut-être au-delà.


S’agissant maintenant de la pollution de l’environnement économique, et face à la difficile conjoncture que notre pays traverse en ce moment, et qui risque de s’aggraver par les retombées de la crise sans précédent du secteur touristique, je crois que le temps est venu pour que notre économie prenne un véritable tournant en procédant aux réformes structurelles qui s’imposent et qui soient susceptibles d’assainir l’activité économique par une lutte résolue contre l’économie parallèle, les trafics illicites, la contrebande et le commerce parallèle…

A cet effet, le lancement d’un plan de redressement et de relance est d’une nécessité pressante afin, d’une part, de stimuler la croissance économique et booster l’investissement productif et, d’autre part, sauvegarder le pouvoir d’achat  et juguler le  chômage.

Par ailleurs, il est nécessaire de tout mettre en œuvre pour éviter que le différend qui oppose la présidence de la République à l’Instance vérité et  dignité ne dégénère, et que la tension provoquée par le projet de loi sur la réconciliation économique ne donne lieu à un affrontement qui portera préjudice à la cohésion nationale.

Certes, il faudra trouver une solution au problème des hommes d’affaires concernés par ce projet de loi, mais le règlement de ce dossier ne devra pas se faire aux dépens de l’Etat et de ses intérêts.

Sur un autre plan, il est nécessaire d’activer la promulgation du nouveau code de l’investissement qui traîne depuis des années sans aucune raison évidente. Il est espéré que cette promulgation permettra de rassurer les acteurs et les partenaires économiques et de les encourager à reprendre leurs investissements et à apporter leur concours à la relance de la croissance économique.

Venons-en maintenant à la pollution de l’environnement administratif.

Là, il faudra, tout d’abord, réhabiliter la valeur du travail qui n’a pas cessé de s’estomper ces dernières années.  Pour ce faire, il sera primordial de rétablir, au sein de l’administration même, le respect de la hiérarchie, et le respect des lois. Sans quoi, le gouvernement ne pourra pas mettre un terme au laxisme, à l’irresponsabilité, au désordre et à l’anarchie qui caractérisent la marche d’une grande partie de nos services administratifs.

De même, il sera nécessaire de contenir, sinon de stopper, la corruption qui ne cesse de se développer, de contaminer l’administration et d’altérer l’image de l’Etat tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

Aussi, faut-il appliquer la loi avec rigueur et fermeté.

D’autre part, le gouvernement aura besoin de prêter une attention particulière à l’amélioration des services publics (enseignement, santé, transport…) qui se sont lamentablement dégradés ces dernières années. En résumé, je dirai que pour que l’Etat, qui a été sensiblement fragilisé après le 14 janvier 2011, puisse recouvrer son autorité, son prestige et son crédit auprès des Tunisiens, le gouvernement doit faire preuve de capacité de résoudre les problèmes avec efficacité et dans l’équité. 

Sans toutes ces actions qui doivent être menées simultanément et avec détermination, il sera impossible de rétablir la confiance des Tunisiens en leur Etat, et de rendre à la société tunisienne son équilibre et sa quiétude. De même, il sera impossible de garantir l’adhésion totale et ferme de toutes les parties prenantes et des forces vives du pays à la nouvelle dynamique de la relance de la croissance économique.

En somme, je dirai qu’un début de concrétisation de l’aspiration des Tunisiens à la dignité, à la justice et à la liberté, aspiration qui a été à l’origine de la «révolution»,  constituera pour eux un signal fort qui leur redonnera espoir en l’avenir de la Tunisie. C’est peut-être là l’antidote requis pour que le pays puisse sortir du goulot d’étranglement, comme aimerait le dire le président de la République.

 

Mohamed Ibrahim Hsairi

Lire aussi:

 

Abdelmajid Fredj: La croissance, l’enseignement et la corruption

Sophie Bessis : La vision pour le pays et la stratégie pour la mettre en œuvre

 

Ahmed Ounaies: Fixer le cap, l’identité du parti Ennahdha et le règlement politique du conflit en Libye

Slaheddine Sellami: Sécurité, réformes et réconciliation économique

Abdelmajid Fredj: La croissance, l’enseignement et la corruption

Mustapha Elhaddad: Sécurité, régions et emploi

 

Radhi Meddeb: Ayons l’honnêteté du diagnostic et le courage de l’action

Habib Touhami: Emploi, chômage, pouvoir d‘achat, services publics, redressement économique, sécurité sociale

 



 

 

Vous aimez cet article ? partagez-le avec vos amis ! Abonnez-vous
commenter cet article
0 Commentaires
X

Fly-out sidebar

This is an optional, fully widgetized sidebar. Show your latest posts, comments, etc. As is the rest of the menu, the sidebar too is fully color customizable.