News - 17.08.2015

La rupture Nidaa/Ennahdha aura-t-elle lieu ?

lièvre

Ennahdha est-il devenu un parti où l’on parle à plusieurs voix, comme «un vulgaire parti laïque» où les uns tirent à hue, quand les autres tirent à dia,  où les états d’âme sont exprimés publiquement quand bien même ils seraient en contradiction avec la ligne officielle du parti ? C’est, en tout cas, la première impression qu’on a aujourd’hui avec les récentes critiques de l’étoile montante du mouvement, Abdellatif El Mekki à propos de la proposition de Béji Caïd Essebsi d’interdire le port du voile imposé aux fillettes dans certains jardins d’enfants, ou contre la loi sur la réconciliation nationale.

 

Ses propos, à cet égard, ne laissent pas d'étonner quand on sait que ce projet de loi a été approuvé en des termes on ne  peut plus clairs par Rached Ghannouchi : «Cette loi passera certainement à l'ARP, moyennant quelques modifications mineures», il l'a dit et répété plusieurs fois. Or ce qu'a dit l'ex ministre de la Santé à propos de l'initiative de Caïd Essebsi est en contradiction criante avec la position de Ghannouchi : « Le mouvement n'a pas encore arrêté sa position. Le texte été transmis aux experts techniques du parti pour l'examiner sous les angles économiques, financier et juridique avant de rédiger un rapport à cet effet qui sera transmis au bureau exécutif qui sera la dernière étape avant de prendre une décision». Il n'a pas exclu , la convocation du Conseil de la Choura «car c'est une affaire sérieuse». Et de se rappeler «qu'il existe une justice, un pôle financier, une loi sur la justice transitionnelle qui est en mesure de traiter cette affaire. Car le projet en question a arrêté un délai d'une année au moins pour apurer ce dossier, or cette durée est insuffisante compte tenu du volume des biens spoliés estimé par la Banque Mondiale entre 10 et 15 mille millions de dollars». «C'est pourquoi a-t-il expliqué, il faut éviter toute précipitation dans le traitement du dossier».

 

Plus qu'un hiatus, ces propos iconoclastes sonnent comme un désaveu de Rached Ghannouchi. Ce qui est pour le moins bizarre de la part de son homme-lige. Comment toutes ces considérations ont-elles pu échapper au leader d'Ennahdha ? Mekki envisage,  rien moins, que l'enterrement pur et simple du projet de loi contrairement au leader du parti. A moins qu'il ne s’agisse d’une nouvelle stratégie du parti. A bien y réfléchir, l'hypothèse est même plausible.  Le procédé utilisé est connu. Un dirigeant, bien en cour, c'est le cas de Mekki, joue le rôle de lièvre pour obliger le partenaire, en l'occurrence Nidaa Tounès, à revoir des positions qu'Ennahdha ne partage pas. Car Ennahdha a pris conscience du fait que l'orientation prise depuis quelque temps par le gouvernement contrôlé par Nidaa concernant le renvoi de certains cheikhs «modérés», les nominations dans la haute administration ainsi que les mesures probables contre le port du voile pour les enfants sont en train de lui aliéner une bonne partie de sa base sociale. Certes, Ennahdha n'a aucun intérêt à quitter la coalition pour des raisons qui tiennent au rapport de forces dans la sous-région, nettement en défaveur du courant islamiste. Mais dans le même temps, elle cherche, en haussant le ton, à rassurer ses militants qui n'en peuvent plus d'avaler les couleuvres, en lançant des avertissements à Nidaa Tounès pour qu'il n'aille pas trop loin.
Finalement que de contorsions intellectuelles pour donner le change et masquer des manœuvres purement politiciennes qui ne trompent personne. A qui ferait-on croire que les dirigeants d'Ennahdha peuvent impunément critiquer leur chef ?

                                                                                                                                                Hédi
                                                                                                                   

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