Mustapha Khammari: Comment dissiper le doute?
Que pouvons-nous dire et faire devant ce déferlement d'horreur qui submerge notre pays?
Je vois et j'entends autour de moi l'angoisse de tout un peuple, de nos jeunes exprimant leur incrédulité et leur désarroi face à la barbarie qui déverse la mort et la désolation là où doit s'exprimer la vie, fleurir l’espoir et où se montre notre Tunisie sous son meilleur visage, chaleureuse, accueillante, éclatante de soleil, d’amour et de joie de vivre. Là où Tunisiens et étrangers côte à côte sont venus se reposer et sont abattus par l'intolérance, l’ignorance et le terrorisme abject.
Nous, adultes responsables et citoyens, arrêtons-nous devant cette angoisse qui fait douter notre jeunesse parce qu’elle reçoit un message lugubre, macabre, inhumain, traduit en images d'apocalypse qu'on croirait sorties des écrans des films d'horreur transformés en un court laps de temps, en réalité crue, fatale, faite d’odeurs de sang, de cadavres bien réels d’êtres innocent, étendus sur le sable d’une plage paisible, grouillant de vie quelques instants auparavant, cadavres raidis par le néant de la mort dans lequel ils ont été soudainement précipités !
Que pouvons-nous répondre ? Pouvons-nous sacrifier aux sempiternelles récriminations, nous contentant de répéter à satiété que la Tunisie n’est pas le seul pays à souffrir du terrorisme, phénomène régional, planétaire, etc.… ?
Non? nous n'avons pas le droit de banaliser cette déferlante pour dédouaner nos consciences. Notre pays a pu échapper à la déferlante terroriste et se prémunir alors que régnait la terreur à ses frontières une décennie durant, grâce à son unité, à sa vigilance et à cette spécificité si tunisienne du pays du jasmin. Le pays de la cohabitation fraternelle, de la joie de vivre dans la cohésion, sans exclusive, ni discriminations, sans invectives et sans anathèmes !
La jeunesse, piaffant d’impatience, se fait certes plus pressante, exprimant des attentes de loin supérieures aux moyens du pays. Elle perçoit ses droits, en mode accéléré, du fait de la vitesse du progrès et de ses exigences. La question lancinante est la suivante : Mettons-nous tous les moyens du pays en action, pour réaliser les avancées économiques et sociales indispensables à la satisfaction des revendications d’une jeunesse tiraillée entre ses besoins de vie et les attraits des promesses d’un meilleur sort dans l’au delà ?
Sommes-nous capables de créer une force de conviction positive face à ce qu’une consœur appelait, la « capacité d’attraction de l’extrémisme »pour des esprits perdus ?
Qu’est ce qui s’est passé depuis la révolution et qui a pu, un tant soit peu, changer non seulement le cours de l’histoire du pays mais aussi et surtout répondre aux revendications majeures, symboles de cette révolution c'est-à-dire la dignité par la liberté, la démocratie et l’emploi ?
L’euphorie révolutionnaire a aussi créé, naturellement nous dit-on, le chaos destructeur de travail et de productivité et empêcheur d’avancées et d’acquis pour cette jeunesse assoiffée et impatiente. D’où la part belle accordée à l’embrigadement et à l’utopie avec le label « Jihad » miroité, passeport pour un meilleur sort dans l’au delà.
Est-ce du aux hésitations politiciennes, aux changements répétées de gouvernements, aux impatiences des « révolutionnaires » à cueillir trop tôt le fruit du militantisme et à gouverner sans encore trop savoir le faire?
L’euphorie se fait longue et les résultats sont à la mesure de la transe qui s’est emparée du pays: Ils attestent de l’incapacité des gouvernements à gouverner ; au début par méconnaissance de la lourdeur de la tâche et des mécanismes de bonne gouvernance, ensuite par le harcèlement permanent érigé en méthode de surenchère électoraliste et partisane des « obstructionnistes »de tous bords, chacun s’employant à montrer que le précédent n’a pas fait mieux et que l’actuel ne pourra mieux faire!
Alors quoi entreprendre aujourd’hui pour renverser la tendance et remettre de l’ordre dans les esprits afin de restaurer à la Tunisie ses valeurs fondamentales de pays moderne, ancré dans ses racines arabo musulmanes tout en étant ouvert aux exigences du progrès et totalement engagé en faveur des principes de liberté et de coexistence pacifique avec son environnement régional et mondial.
Comment protéger les générations futures des périls de la marginalisation et de l’extrémisme .Comment surtout raviver la solidarité entre tous les Tunisiens, éradiquer les égoïsmes, atténuer les rancœurs accumulées et réduire les disparités sociales et régionales?
Comment instaurer une justice indépendante et souveraine, en lui assurant les moyens matériels et humains qui lui permettent de s’acquitter au mieux de sa mission de gardienne vigilante des lois, de responsable majeur de leur bonne application et préserver les droits des citoyens contre tous les abus et toutes les interférences politiciennes ?
Enfin comment faire profiter le pays du principal acquis de la révolution, c’est-à-dire cette liberté de la presse qui a transformé de fond en comble le paysage médiatique tout en conférant aux médias une très lourde responsabilité qu’ils doivent savoir assumer.
Le rôle de la presse audiovisuelle est particulièrement essentiel dans l’apprentissage démocratique et exerce aussi un rôle éducatif certain.
Il s’agit de savoir en faire le meilleur usage!
Les grandes nations, fortes de leur unité et de la solidarité de leurs enfants ne sont jamais à l’abri des tentatives de déstabilisation. Elles savent toujours se remettre sur pied et regarder devant pour consolider leur présent et assurer leur devenir.
A condition de tout entreprendre pour dissiper le doute qui envahit notre pays. Un doute que les gouvernants n’arrivent pas encore à dissiper parce que notre pays, du fait des harcèlements incessants dont il est l’objet, souffre aujourd’hui de la désunion de ses forces vives et d’un grand déficit d’autorité et donc d'Etat.
M.K.