News - 01.07.2015

Hakim Ben Hamouda : Un plan d’urgence pour sauver le secteur touristique

Un plan d’urgence pour sauver le secteur touristique

«J’ai suivi avec colère et consternation l’attentat terroriste du vendredi 26 juin contre l’hôtel Imperial Marhaba à Sousse. La colère car il a tué des hôtes que nous devrions, dans la tradition de l’hospitalité arabo-musulmane, défendre contre tous les dangers et leur permettre de passer un bon séjour chez nous».

Mais aussi des hôtes qui ont bravé les appels à la prudence de leur pays pour venir visiter notre pays et profiter de la quiétude et du calme que nos stations balnéaires leur offrent. Mais aussi la consternation car cette attaque ne visait pas seulement cet hôtel mais tout le secteur touristique avec comme objectif de mettre sur les genoux l’économie du pays.

J’ai appelé quelques amis professionnels du secteur le lendemain matin. Je me suis aussi rendu à l’Imperial Hotel que je fréquentais depuis plusieurs années pour exprimer mon amitié et mon soutien aux amis responsables de l’établissement. Partout c’est la même scène de désolation. Des plages vides, des touristes qui rassemblent leurs affaires et se préparent à quitter l’hôtel, direction l’un des aéroports les plus proches, des tour-opérateurs qui annulent leurs réservations. On m’a même dit que certains touristes ont exigé d’être protégés par des forces de police pour faire le trajet hôtel-aéroport. Et en plus de cela, même les touristes tunisiens qui avaient fait des réservations pour ce week-end ou au mois de juillet ont annulé leurs réservations. C’est dire l’ampleur de la panique, de la peur et de la frayeur qui règnent sur notre pays et sur le secteur depuis cet effroyable attentat. Il s’agit d’un véritable tsunami pour un secteur qui avait subi depuis quelques années les effets de l’instabilité politique post-révolution. 

On ne mesure pas encore les effets de cet attentat sur le secteur touristique et sur notre économie. Mais, il est clair que les effets immédiats seront sans précédent.

Car, faut-il le rappeler, cet attentat arrive au plus mauvais moment pour le secteur dans la mesure où près des ¾ du chiffre d’affaires sont effectués au cours des mois de juillet et d’août. Un manque à gagner énorme qui met le secteur au bord du gouffre et impose aux professionnels du secteur des choix cornéliens qui peuvent aller jusqu’à la fermeture de leurs unités et à des pertes  d’emplois.

Une situation de crise grave qui exige des réponses immédiates afin de sauver le secteur du gouffre. Il faut souligner que le secteur touristique connaît de grandes difficultés depuis quelques années. Celles-ci sont liées à des raisons structurelles dont la nécessité de diversifier notre produit afin de répondre à une demande de plus en plus variée sur les marchés internationaux.

On peut également mentionner l’importance d’une montée en gamme pour attirer une demande haut de gamme et changer l’image de marque de notre produit encore fortement lié au tourisme balnéaire de gamme moyenne. Il faut également souligner la question de l’endettement endémique de nos unités touristiques qui réduisent leurs capacités d’investissement afin de maintenir et d’améliorer leurs établissements.

On peut évoquer d’autres problèmes structurels qui exigent une nouvelle vision stratégique du secteur touristique en collaboration étroite entre le gouvernement, les professionnels du secteur, les banques ainsi que nos partenaires étrangers. Cette vision stratégique devrait redonner au secteur son dynamisme d’antan qui a fait de la Tunisie un pionnier dans l’industrie touristique internationale.

En effet, beaucoup de professionnels du secteur se rappellent que les responsables de ce secteur dans de nombreux pays qui nous ont dépassés depuis, notamment la Turquie, ont été formés sous nos cieux, dans nos écoles et dans nos hôtels. On a besoin aujourd’hui d’une nouvelle vision stratégique qui allie qualité, diversification, compétitivité et viabilité financière pour faire de notre pays de nouveau une destination de référence.

Mais, ces problèmes structurels exigent des stratégies et des politiques de longue haleine. Parallèlement à ces problèmes structurels, le secteur est confronté à des problèmes conjoncturels et immédiats qui peuvent l’emporter et rendre la stratégie de long terme caduque.

En effet, il faut mentionner que le secteur touristique est probablement un des secteurs qui a le plus souffert des soubresauts post-révolution.

Car, faut-il le noter, l’insécurité et l’instabilité politique sont les pires ennemis du secteur touristique. Et le tourisme a été touché par la crise politique et par certains discours politiques qui critiquaient ouvertement le secteur, sans parler de ces prédicateurs d’un autre temps que nous avons accueillis à bras ouverts en leur offrant le temps et le loisir de verser leur haine sur notre modèle social ouvert et qui ont nourri par leurs prêches radicaux les tentations de radicalisme de certains jeunes devenus des bombes à retardement.

Ensuite, le secteur a souffert de cette conjoncture politique difficile avec une baisse de la fréquentation de notre site et des tour-opérateurs qui ont commencé à détourner notre clientèle traditionnelle vers d’autres destinations. Les professionnels, avec l’appui du gouvernement, ont réussi bon an mal an à résister à cette conjoncture morose. Ainsi, les performances des années 2013 et 2014 commençaient à se rapprocher, certes difficilement, des résultats d’avant la révolution.

Mais, l’avènement du terrorisme en Tunisie a été un tournant difficile.

Et, pire encore! Après les attaques contre les forces de l’ordre et les militaires dans les montagnes, les groupes terroristes se sont attaqués aux villes et particulièrement au secteur touristique pour détruire les fondements économiques de l’Etat. L’attaque contre le musée du Bardo d’il y a quelques mois s’inscrivait dans cette logique.

Et, au moment où on commençait à relever la tête grâce au soutien et à la solidarité de nos amis, intervient la nouvelle attaque contre l’hôtel Impérial Marhaba de Sousse. Une attaque, de l’avis de tous, qui va condamner le secteur pour non seulement la saison en cours mais probablement pour bien plus longtemps.

Ce contexte exige de notre part la définition d’un plan d’urgence immédiat pour venir en aide à ce secteur et maintenir l’emploi et l’ouverture des hôtels. Ce plan d’un an devrait se fixer comme un objectif d’aider le secteur à sortir du marasme actuel et survivre à la crise.

Parallèlement aux mesures sécuritaires qui ont été annoncées par le gouvernement, ce plan doit comporter des mesures financières qui peuvent aller jusqu’à un moratoire sur les paiements fiscaux et sociaux et une aide pour faire face aux échéanciers bancaires en contrepartie du maintien des unités ouvertes et de la sauvegarde de l’emploi.

Certes, la situation économique est difficile pour notre pays, mais ce plan est nécessaire et doit être défini en coordination entre le gouvernement, les professionnels du secteur, les banques et certains de nos partenaires qui ont investi dans ce secteur depuis plusieurs années.

Tous ensemble, nous devons aujourd’hui sauver le secteur touristique et lui donner les moyens pour continuer à vivre et à maintenir les unités ouvertes. Car ce sauvetage a une symbolique politique et montrera l’engagement de notre pays à résister au terrorisme qui veut faire de la crise économique un moyen pour installer un chaos politique. Ce sauvetage est également économique car il nous permettra de maintenir des emplois dans un contexte de crise économique profonde.

Ce sauvetage est enfin nécessaire car il nous permettra à moyen terme d’aborder les réformes structurelles qui feront du secteur touristique un des fers de lance de la transition économique et de sa montée en gamme vers des niches de plus grande valeur ajoutée.


H.B.H

 

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