Le climat au dernier G7 en Allemagne: il s’agit de réparer une injustice majeure**
«Si le climat était une banque, les pays riches l’auraient déjà sauvé»
Hugo Chávez à la réunion sur le climat à Copenhague en 2009.
Le G7 des pays les plus fortunés (Etats Unis, Canada, Japon, Allemagne, Royaume Uni, France, Italie) s’est réuni, comme chacun sait dans notre pays, dans un château bavarois à Elmau en Allemagne, le weekend dernier, en présence de M. Président de la République tunisienne ainsi que des chefs d’Etat du Nigéria, du Sénégal et du Libéria.
Tout ce beau monde était attendu sur la question du climat: «la décarbonisation» des économies dans les pays riches et l’avenir des énergies fossiles. «Car le G7 doit montrer comment parvenir aux 100 milliards promis pour aider les pays pauvres à s’adapter au réchauffement» estime l’ex-ministre français de l’écologie Pascal Canfin (L’Humanité 8 juin 2015, p. 18). Il y a là matière à réflexion pour ceux qui s’agitent et s’égosillent «Winou el petrol» de ce côté-ci de la Méditerranée.
Adieu aux énergies fossiles?
Dans leur communiqué final de 17 pages intitulé «Anticiper, agir ensemble»- après des négociations difficiles aux dires de Mme Merkel car il a fallu vaincre les fortes réticences du Japon et du Canada - les pays du G7 ont jugé "nécessaire" une "diminution importante des émissions mondiales de gaz à effet de serre" et "une décarbonation de l'économie" au cours du 21e siècle. Avalisant - au strict minimum, il faut fortement le souligner- les recommandations du GIEC, ce panel onusien de spécialistes du climat, les chefs d’Etat se sont prononcés en faveur d'un objectif mondial de réduction de 40% à 70% d'ici 2050, par rapport à 2010, "dans le cadre d'une réponse mondiale". Ce qui entrouvrirait la porte à la fin de l'ère fossile… si les multinationales du pétrole et du charbon et les climato- sceptiques y consentent ! Ces derniers avancent souvent masqués et se trouvent notamment à l’Académie des Sciences de Paris d’après le Monde (22 mai 2015, p. 9). On les trouve aussi aux Etats Unis où, au cours des trois dernières années, des donateurs anonymes ont versé 125 millions de dollars à des groupes, des fondations et des instituts pour qu’ils sèment la désinformation – au moyen de livres, d’éditoriaux, de conférences…- au sujet des résultats de la science du climat obtenus par le GIEC et pour torpiller la loi proposée par le Président Obama pour lutter contre le réchauffement. (The Guardian, Londres, 9 juin 2015)
Pour M. François Hollande, les engagements du G7 sont «ambitieux et réalistes». Rappelons que la Conférence de Paris (COP 21) sur le climat, en décembre prochain, réunira la communauté internationale (195 pays) et doit établir la feuille de route en vue de la limitation du réchauffement climatique à 2°C. Mais pour que la COP21 réussisse, il est important que les 100 milliards de dollars promis à l’horizon 2020 par les pays du Nord à ceux du Sud pour les aider à lutter contre les effets du réchauffement et à s’adapter aux nouvelles conditions climatiques soient confirmés. «Si le G7 n’avait pas envoyé un signal fort au reste du monde, le sort de Paris était scellé» écrit Le Monde (10 juin 2015, p.5).
On doit cependant relever que les chefs d’Etat du G7 n’ont pas suivi leur hôte allemand qui proposait de définir immédiatement des plafonds d’émissions de gaz à effet de serre obligatoires. En revanche, prédisent Hollande et Merkel, les décisions de la COP21 seront «contraignantes».
Crises écologiques….et crises sociales
Naomi Klein, journaliste canadienne et militante altermondialiste : «Le changement climatique pourrait devenir la plus grande impulsion qui poussera les mouvements sociaux à se rassembler, tel un puissant fleuve alimenté par d’innombrables ruisseaux unissant leurs forces pour enfin atteindre la mer».
En fait, ce n’est pas le climat qu’il s’agit de sauver, mais la possibilité de toute vie tant humaine qu’animale d’ici 20 à 30 ans. Même un rapport du géant pétrolier Shell reconnaît que la température moyenne sur Terre pourrait augmenter de 4 °C à moyen terme : ce qui provoquerait la fonte de l’intégralité des banquises, une hausse de plusieurs mètres du niveau des océans- une ville comme Alexandrie serait rayée de la carte- une diminution de la surface des terres arables et un chaos mondial du aux immigrations climatiques et à la famine. Il faut cependant noter que les inégalités sociales nourrissent les crises écologiques : l’immense majorité des victimes des inondations sont les plus pauvres car ce sont leurs habitations qui sont situées en zones inondables. Les crises écologiques amplifient en retour les inégalités sociales. Dans cette logique, le G7 a signé des initiatives pour en finir avec l’extrême pauvreté et la faim comme il s’est engagé à améliorer la réponse globale aux épidémies suite à la crise d’Ebola.
De bien timides avancées!
Ce qui a été décidé au G7 ne satisfait pas pleinement les pays du Sud, les ONG présentes en Allemagne et les militants altermondialistes. Pour Seyni Nafo, négociateur malien et porte-parole du groupe Afrique dans le cadre des discussions onusiennes : «Le G7 n’est pas à la hauteur de ses capacités et de ses responsabilités, il devrait se permettre d’être plus ambitieux».
Les sept pays du G7 sont en effet responsables à eux seuls de plus de la moitié des émissions mondiales de gaz à effet de serre qui encombrent aujourd’hui l’atmosphère provoquant cataclysmes, tornades, perte de biodiversité, sécheresse et inondations. Ces pays ont consommé, au début de l’ère industrielle et consomment encore énormément d’énergie… en neige artificielle pour les stations de ski et en voyages aériens transatlantiques pour les chevaux de course. Pour ne rien dire de l’énergie dépensée pour la défense, les bases militaires et les industries d’armement. La croissance à tout prix et le fameux et autiste «Business as usual» restent l’alpha et l’oméga du G7. De leur côté, les pays de l’OCDE subventionnent les énergies fossiles à hauteur de 100 milliards de dollars.
Seyni Nafo ajoute: «Les délégations africaines et celles des PVD de manière générale, demandent une baisse globale des émissions de 40% à l’horizon 2020. Fixer comme cap 2050, c’est trop lent et c’est surtout trop tard». Il salue cependant l’annonce dans le communiqué final du G7 d’un plan de développement des énergies renouvelables pour le continent africain. Ainsi, la France avec l’Union Européenne a levé des fonds pour financer une très grande centrale solaire au Burkina Faso. Reste la question du financement qui n’a pas été résolue à Elmau aux dires d’Oxfam International : «Quand les décideurs vont-ils envoyer un signal politique fort à destination des PVD et des pays les plus vulnérables ? De toute évidence, pas à l’occasion du sommet d’Elmau». (Le Monde, 10 juin 2015, p. 5).Si en effet l’objectif des 100 milliards de dollars est mentionné, aucune feuille de route n’est fixée. Nul ne connait les modalités de leur collecte alors qu’à peine 9,7 milliards de dollars, sur plusieurs années, ont été récoltés jusqu’ici.
Pour nombre d’ONG, il n’y a rien de neuf au G7 car on ne peut oublier qu’en 2009, à l’Aquila, en Italie, le G8 (la Russie était là) s’était engagé à ne pas dépasser les 2°C et à parvenir à une réduction d’au moins 50% des émissions mondiales d’ici 2050. Mais s’agissant de leurs propres émissions, les pays du G8 s’étaient engagés à les réduire de 80% d’ici 2050.Dans la déclaration de cette année, nulle mention de cet objectif ! Une bien fâcheuse régression par rapport à 2009 ! Quant à la «décarbonation», pour ces ONG, elle n’est citée qu’une seule et unique fois dans la déclaration finale et il lui manque cruellement un calendrier de mise en œuvre.
Pour les PVD et pour les Tunisiens, il est clair qu’il faut nous soucier de la question climatique…malgré nos trop nombreuses difficultés. Efficacité énergétique, mobilisation, concertation citoyenne, développement durable doivent être les maîtres-mots. Quant aux membres du G7, il leur faut réparer une injustice majeure commise vis-à-vis des pays pauvres et des ex-pays colonisés. Il leur faut admettre qu’il est temps de dépasser les intérêts particuliers car nous sommes tous sur le même et frêle vaisseau Terre…. Le proverbe burkinabé affirme : «Qui mange seul, s’étrangle seul».
Mohamed Larbi Bouguerra
** Modeste contribution à la Journée de l’Environnement du mardi 9 juin 2015.
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