Comment le décret-loi relatif à la confiscation des biens a été annulé
Nous avons tous appris l'annulation par le Tribunal administratif du décret-loi n° 2011-13 du 14 Mars 2011, portant confiscation d’avoirs et de biens meubles et immeubles de l'ancien président Ben Ali - je n'emploie pas le terme "déchu" non par affinité avec la personne que je ne connais pas mais par répulsion du populisme - et aux membres de sa famille désignés dans une liste annexée au décret-loi susmentionné. Et en apprenant cette décision rendue en première instance par la juridiction administrative, nous pouvons être saisis par la question suivante: Le Tribunal administratif est-il compétent pour annuler un décret-loi (مرسوم)?
Le décret-loi ne fait partie ni du bloc réglementaire (décrets et arrêtés) ni des actes administratifs (circulaires et directives) pour être annulé par le Tribunal administratif. Le décret-loi a une valeur supra-réglementaire. Dans la hiérarchie des normes, il fait partir du bloc de légalité. Le décret-loi relève de la procédure législative déléguée. Donc le Tribunal administratif ne devrait pas l'annuler. Sauf que le diable est dans les détails!
Et là, tout s'y est joué ! Sacrés Sassi Ben Halima et Me Mohamed Hédi Lakhoua ! Ils ont pu déceler la faille. Dans l'euphorie révolutionnaire , la confiscation s'est faite par un décret-loi et ce dernier stipule qu'après son entrée en vigueur, il doit être adopté par le pouvoir législatif. Toutefois ni la Chambre des députés (مجلس النواب) qui vivait ces derniers jours à l'époque (dissoute en vertu du décret-loi du 23 mars 2011 soit neuf jours après le décret-loi de confiscation), ni l'ANC qui lui avait succédé n'ont adopté ledit décret-loi par conséquent il n'a pas acquis sa valeur législative. Les procéduriers chevronnés ont décelé le vice de forme.
C'est donc pour vice de forme que le décret-loi relatif à la confiscation a été annulé. S'il avait été adopté par l'ANC, ce décret-loi aurait acquis son caractère législatif - il aurait donc fait partie du bloc de légalité - et ainsi le Tribunal administratif n'aurait pas pu l'annuler car il n'est pas compétent pour annuler les coposantes du bloc de légalité (lois et décrets-lois).
Maintenant, que les populistes ne nous parlent pas de complot contre le peule mais qu'ils nous répondent par le droit. Où étaient les constituants (membres de l'ANC) dont le sport favori était d'insulter Ben Ali et son régime? C'était à qui mieux mieux, celui qui insultait le plus Ben Ali était le plus viril et le plus patriote. Dans ce jeu , ils excellaient mais pour passer au vote et faire adopter le décret-loi de confiscation afin qu'il acquiert sa valeur législative, aucun d'entre eux n'a eu cette idée. Quant aux requérants qui viennent d'obtenir gain de cause par le Tribunal administratif, ils ont fait leur travail. En tout cas, affaire à suivre.
Chedly Mamoghli