Caïd Essebsi à Leaders: Ce que j’attends d’Obama et du G7
«J’accorde une haute importance à la visite que j’entreprends ce mois-ci aux Etats-Unis et aux entretiens que j’aurai à cette occasion avec le président américain, Barack Obama, confie à Leaders le président Béji Caïd Essebsi. Ce que j’en attends le plus, c’est que le président Obama concrétise ce qu’il m’avait dit : les Etats-Unis sont aux côtés de la Tunisie et l’assurent de leur plein soutien. J’espère que cette visite sera couronnée de tout le succès escompté à travers des gestes significatifs».
Tour à tour, il a répondu à nos questions sur la visite qu’il effectuera à Washington les 21 et 22 mai, avec en point d’orgue sa rencontre le jeudi 21 mai avec son homologue Barack Obama, sa participation au sommet du G7 qui se tiendra le 6 juin au château en Allemagne et la contribution de la Tunisie à l’aboutissement du dialogue interlibyen.
«Trois grands axes, déclare le président Caïd Essebsi, viendront renforcer nos relations bilatérales avec les Etats-Unis : un accord stratégique, le statut de pays allié majeur non membre de l’Otan, avec tous les avantages qu’il offre et un plus grand nombre de bourses d’études de longue durée. J’avais déploré que la Tunisie compte plus de 3 000 jeunes enrôlés par Daech et moins de 300 étudiants aux Etats-Unis. Je voudrais inverser la tendance pour permettre au plus grand nombre possible de jeunes Tunisiens de fréquenter des universités américaines et réduire à néant ceux qui succombent à l’obscurantisme.»
Visiblement ravi d’être l’invité d’honneur du sommet du G7, quelques semaines seulement après ses visites à Paris et Washington, le chef de l’Etat entend s’inscrire dans la suite de son adresse en mai 2011 au G8 réuni à Deauville. S’il n’a point besoin de rappeler les promesses tenues alors par les pays participants en faveur de la Tunisie, restées sans suite, il sera sans doute très attendu et très écouté sur la question brûlante du terrorisme. «Je dirai aux dirigeants du G7 que ce danger qui nous guette tous, nous devons le combattre ensemble. La sécurité de la Tunisie, c’est désormais la sécurité de la Méditerranée, de l’Europe, du monde entier».
S’il évoque la situation en Libye, c’est pour rappeler les fondamentaux de la position tunisienne qui consistent à rejeter toute intervention extérieure et favoriser un dialogue interlibyen facilité par les Nations unies. Sera-t-il question d’évoquer à cette occasion tout le poids économique et financier supporté par la Tunisie depuis le déclenchement de la révolution libyenne, estimé à plus de 5.7 milliards de dinars, sans compter la charge directe et indirecte que représente la présence en Tunisie de plus d’un million de Libyens?
A Washington, comme en Allemagne, le président Caïd Essebsi sera auréolé du succès de sa visite d’Etat, les 7 et 8 avril dernier en France. Paris lui avait réservé un accueil haut en couleur, multipliant à son égard les marques d’honneur et de considération (Lire notre édition Leaders Hors-Série, en kiosques, sous le titre de : «Ce que la Tunisie veut ... Ce que la France peut»). Dédiée à un cadrage stratégique des relations et de la coopération bilatérale, sans aborder dans le détail les programmes d’action, cette visite ouvre largement aux gouvernements des deux pays des perspectives prometteuses.
Sur l’avancement du dialogue entre les différentes factions libyennes, le chef de l’Etat reste discret. Il vient de recevoir Bernardino León, le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU et chef de la Mission d’appui des Nations unies en Libye. Auparavant, les chefs des deux gouvernements libyens en opposition avaient été reçus successivement à leur demande, à Carthage, souhaitant «bénéficier de sa sagesse», comme ils l’ont déclaré à la presse. Ce mot codé de «sagesse» traduit, en fait, une demande de médiation directe du président Caïd Essebsi «pour la considération personnelle dont il jouit auprès de tous et ce que représente la Tunisie pour le peuple libyen», déchiffre pour Leaders une source informée. Sur ce terrain guère facile à pratiquer, le locataire de Carthage avance à pas mesurés, sans précipitation. Il est vrai que de par son long parcours, il connaît bien nos voisins et sait les écouter et leur parler, mais parvenir à sceller leur consensus ne sera pas aisé.
Taoufik Habaieb