Opinions - 15.11.2014
Ghazi Gherairi décrypte pour Le Monde les élections et la formation du futur gouvernement
«N’oublions pas que nous revenons de loin et que nous ne sommes pas au bout du chemin. Mais il y a en Tunisie une grande sagesse commune, presque inconsciente, qui vient de nouveau de s’exprimer par ces élections » estime Ghazi Gherairi dans une interview que publie Le Monde, sus le titre de « La révolution tunisienne n’est pas un accident de l’Histoire ». Interrogé par Charlotte Bozonnet au sujet de l’existence d’un modèle tunisien, il ne souscrit pas, par humilité, à cette idée, « le processus n’étant pas encore totalement abouti », mais considère que « la révolution tunisienne a ouvert le spectre de l’écartèlement du monde arabe. Il y a d’un côté Daech [organisation de l’Etat islamique], qui représente le Moyen Age en plein XXIe siècle, et de l’autre la haute modernité de la dynamique politique et sociale en Tunisie aujourd’hui. La Tunisie n’est peut-être pas encore arrivée de l’autre côté mais elle a fait un grand pas : il y a déjà une part d’irréversibilité dans ce qui se passe ».
Pour Gherairi, « c’est une nouvelle page de la pratique politique dans les pays arabes qui s’ouvre. Exporter cette expérience doit être le dernier souci des Tunisiens. La seule chose qu’ils peuvent faire, c’est donner envie à leurs voisins en construisant une démocratie bienfaisante à leurs portes. Désormais, la réponse à la question : « La démocratie est-elle possible dans un pays arabe ? » est : «Oui, absolument ! »
Quant aux différents scénarios pour la formation d’un gouvernement de coalition, Gherairi indique que : « Nidaa Tounès est obligé de trouver des alliés pour former le gouvernement, mais les partis de centre gauche sont très affaiblis. Il lui faudra donc, pour rester fidèle à sa famille politique, se tourner vers Afek Tounès [sociallibéral] et le Front populaire [gauche et extrême gauche] – même si ce dernier peut, pour préserver son unité interne, ne pas être enclin à y aller. Nidaa Tounès choisira-t-il alors de se rapprocher de l’UPL ? Ou bien d’Ennahda ? Si l’électorat d’Ennahda y a été préparé – le parti en parle depuis longtemps –, celui de Nidaa Tounès, qui a, en grande partie, voté pour déloger les islamistes du pouvoir, peut ne pas voir pareille alliance d’un bon œil. Pour convaincre son électorat, le parti aura donc besoin d’obtenir le label de gouvernement d’«union nationale ». Nous allons de ce fait vers des semaines de grand équilibrisme politique ».
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