Rome – De notre envoyé spécial – Dès qu’ils sont retirés jeudi matin en tête-à-tête dans la bibliothèque privée de sa sainteté, au Vatican, le président de la République Moncef Marzouki et le pape François avaient plus d’un sujet de grande actualité à évoquer ensemble. Au tout premier rang, la paix et la sécurité dans la région, mais encore toutes ces menaces terroristes exercées par les égorgeurs de Daech qui n’ont épargné ni musulmans, ni chrétiens, ni adeptes d’autres religions. Si le Vatican n’a rien divulgué officiellement quant à la teneur de ces 20 minutes d’entretiens, des sources bien informées ont indiqué à Leaders que les risques que fait peser cet extrémisme barbare sur la coexistence islamo-chrétienne dans les pays arabes constituent une véritable source de préoccupation pour les deux parties.
Confirmant cette préoccupation, le président Marzouki a indiqué dans une déclaration à la presse, avoir procédé avec le souverain pontife à un large tour d’horizon, soulignant la convergence des analyses. Il a adressé à cette occasion au chef de l’église catholique une invitation à se rendre en visite officielle en Tunisie. « Je suis heureux de voir sa sainteté accepter cette invitation dont la date sera arrêtée d’un commun accord, a-t-il déclaré, et j’y vois une forte symbolique montrant la Tunisie sous son visage réel de pays de tolérance, de coexistence et de dialogue entre l’Islam et le christianisme, en particulier.
Marzouki a indiqué qu’il avait également évoqué avec le Pape la nouvelle constitution tunisienne, soulignant sa dimension exceptionnelle dans la région, de reconnaissance du droit à la liberté de conscience. Ces mêmes questions ont été approfondies par la suite lors de l’entretien avec le cardinal secrétaire d'État du Vatican, Mgr Pietro Parolin, qui est chargé des affaires politiques et diplomatique du Saint-Siège, en présence du ministre des Affaires étrangères, Mongi Hamdi.
Un grand cérémonial
La visite d’un chef d’Etat au Saint-Siège est entourée d’un grand cérémonial. Arrivé à la tête de la délégation tunisienne à 10h15 ce jeudi matin Place Saint-Pierre, il a fait son entrée, comme se plaisent à le détailler à Leaders les spécialistes du Vatican, par la cour Saint-Damase, le président Marzouki était accueilli par le préfet de la maison pontificale, Mgr Gänswein (ancien secrétaire du pape Benoît XVI), qui devait le conduire, entouré par des gentilshommes et des gardes suisses du Vatican jusqu’à l’étage, traversant une série de larges couloirs. Ils seront introduits à la Salle du Trenetto où se tenait le Pape devant la bibliothèque privée. A l’issue de l’entretien en tête-à-tête, le souverain pontife a reçu les membres de la délégation tunisienne et remis à chacun la médaille de son pontificat puis procédé avec le président Marzouki aux échanges de cadeaux symboliques, acte rituel dans pareilles visites.
Détail qui n’a pas échappé aux spécialistes, l’ambassadeur de Tunisie auprès du Vatican était absent lors de cette visite. Depuis le Pape Pie XI, qui a érigé en 1929, le Vatican en Etat indépendant, le plus petit du monde avec 44 ha, la tradition veut, pour ne pas confondre avec l’Italie, que les états désignent un ambassadeur parmi leurs chefs de poste dans les autres pays voisins pour les représenter auprès du Saint-Siège. C’est ainsi que la Tunisie a toujours désigné à cette charge son ambassadeur à Berne, la capitale suisse. La nouvelle titulaire du poste, Semia Zouari Gorgi, n’y étant pas encore entrée en fonction, personne n’avait fait le déplacement de Berne à cette occasion.