L'Ambassadeur d'Irak à Tunis : Daech, le front Nosra en plus violent
Universitaire, professeur de sciences politiques, écrivain et analyste politique à ses heures perdues (il a collaboré au journal Al-Chark Awsat), l’ambassadeur d’Irak à Tunis, Jabeur Habib Jabeur, ne mâche pas ses mots pour qualifier ce qui vient de se passer dans son pays avec la progression fulgurante des terroristes sanguinaires de Daech (qu’on appelle à tort Etat islamique d’Irak et du Levant). Pour lui, ce sont les puissances régionales qui ont aidé ce monstre pour combattre le régime syrien.
«Daech, c’est le front Nosra en Syrie en plus violent». Certains pays l’ont soutenu avec les finances d’associations religieuses et même d’une banque. D’autres pays ont fermé l’œil sous prétexte que cela les aiderait à combattre le régime syrien. Ils ont cru que ces groupes extrémistes sont «un fusil à louer» pour faire tomber Bachar Al-Assad. Après quoi on va les remercier et leurs combattants rejoindront leurs universités comme si de rien n’était. Mais ces groupes avaient aussi leurs agendas et ces têtes lavées et idéologiquement remplies ne reviendront pas à leur situation antérieure».
Profitant de l’insatisfaction de certaines parties, de l’affaiblissement de l’armée irakienne, et surtout de la terreur inouïe utilisée, «ce monstre sanguinaire a porté ses efforts sur le nord de l’Irak, prenant la seconde ville, Mossoul, et le premier barrage du pays. Les puissances mondiales et régionales l’ont laissé faire car elles voulaient faire pression sur le chef du gouvernement sortant Maliki afin qu’il ne brigue pas le mandat de trop. «Avec l’élection du président du parlement et du président de la République et la désignation du nouveau chef du gouvernement, on entrevoit enfin une lumière au bout du tunnel», dit avec satisfaction le diplomate qui voit dans les dernières victoires contre Daech dans la province de Salaheddine et la reprise du barrage de Mossoul comme des indications que «le monstre» pourra être vaincu. «Une politique de réforme intégrale en Irak est indispensable pour que Daech appartienne à l’histoire», dit-il avec conviction. «L’Irak, comme l’a qualifié un homme politique tunisien, a été «un musée des religions» à travers les âges. Il y a même des religions en Irak qui ne se trouvent nulle part ailleurs comme les Yazidis et les Sabians.
Si un jurisconsulte -fakih- non éclairé avait appelé dans les temps reculés à les exterminer, cela aurait été déjà fait mais leur existence montre la tolérance à leur endroit. Comment opprimer aujourd’hui les chrétiens dont la présence en Irak est antérieure à celle des musulmans. Nous serons face à une crise morale car alors que nous revendiquons une égalité totale pour les millions de musulmans en Europe et en Amérique, nous contraignons les chrétiens, qui sont la population originelle d’Irak, à l’exil», assène le diplomate.
Les Tunisiens sont la seconde nationalité après les Saoudiens parmi les pourvoyeurs des terroristes de Daech. Cela donne froid dans le dos de voir que nos jeunes deviennent là-bas d’horribles criminels et des terroristes sanguinaires. Mais qu’en est-il des 14 Tunisiens dont les mains ne sont pas tachées de sang et qui devaient bénéficier des mesures de grâce du président irakien. Dès que le gouvernement irakien sera formé, le nouveau ministre de la Justice pourra venir à Tunis, s’il reçoit une invitation de son homologue tunisien, pour signer un accord bilatéral dans le cadre de la Convention de Riyad sur l’échange des prisonniers. Mais suite aux derniers événements, il se pourrait que ce chiffre ait augmenté, alors on avisera, nous dit notre interlocuteur.
Propos recueillis par Raouf Ben Rejeb
et Hajer Ayoubi