Opinions - 05.06.2014

Apaiser, accélérer…

Maintenant que la loi électorale est promulguée et que la séparation entre les élections ne fait plus problème et en attendant qu'un accord (probable) soit trouvé sur l'ordre de priorité de ces élections, il ne restera plus que la date des élections. La Tunisie se lancera alors dans la dernière ligne droite pour l’ultime phase de sa transition démocratique. La fébrilité gagnera les états-majors des partis politiques, chacun devant décider, pour les législatives, des investitures et finaliser ses listes. Des tractations et arbitrages qui occuperont la classe politique tout au long de l’été, au moins. Des listes indépendantes ne manqueront pas d’émerger et des alliances pourraient se nouer.

Pour les législatives, le sort en est jeté: deux noyaux durs, à savoir  Ennahdha et Nidaa Tounès, en pole position sans doute, quelques partis avec un large écart par rapport au peloton de tête et une multitude de petits partis et listes indépendantes. Sauf surprise de dernière minute, il faut s’attendre à une assemblée qui reflète le rééquilibrage du paysage politique et exige, inéluctablement, une large concordance pour réunir la majorité requise des voix.

Quant à la présidentielle, elle est encore loin de livrer ses premiers secrets. L’interdiction du financement extérieur et certaines formes poussées de propagande, ainsi que la limitation des dépenses électorales, constituent un élément important. Mais, c’est l’exigence du parrainage des candidatures par au moins 10 constituants exclusifs ou 10 000 électeurs, à raison de 500 par circonscription, avec signature légalisée, qui sera déterminante. Elle dissuadera les candidatures fantaisistes et limitera le nombre des postulants à Carthage. Un premier décompte des constituants et la répartition potentielle de leur parrainage laissent  prévoir une dizaine de candidats tout au plus. Tout se jouera, au premier tour, dans un mouchoir et rien n’interdira d’accéder au second tour avec même moins de 10% des voix, du moins, pour le challenger. Qui contre qui ? Les sondeurs se perdent en conjectures, poussant les projections, multipliant les simulations, sans pour autant prévenir de grandes surprises.

Cette légitime bataille électorale est attendue par tous comme une délivrance pour la stabilisation du pays. Mais la relance économique a ses propres exigences. D’abord un climat de sécurité, ensuite un apaisement des tensions politiques et sociales. Un double impératif qui relève non seulement de la responsabilité du gouvernement, mais aussi et surtout de celle des partis politiques et de la société civile, les organisations sociales en tête. Tout parasitage ou dérapage seront périlleux, risquant  de remettre en cause l’ensemble du processus. C’est dire la lourde responsabilité qui incombera à chacun et à tous.

Quant au gouvernement, confirmé, non sans quelques critiques, à l’issue de ses premiers cent jours, il a aujourd’hui l’obligation d’accélérer son rythme de traitement des dossiers et de décision. Pour l’immédiat comme pour le lendemain. Bien que provisoire à échéance très rapprochée, il jouit de la légitimité de l’urgence pour initier les grandes réformes structurelles. L’épisode de récession subi depuis 2011 ne tardera pas à être clôturé et il va falloir relancer la croissance, réduire, puis résorber le déficit commercial et diminuer celui du compte courant. Des décisions douloureuses certes, mais inévitables, sont nécessaires à prendre. La réforme fiscale, la révision de la compensation, notamment pour l’énergie et la restructuration du système bancaire, viennent en tête, mais aussi le sauvetage des caisses sociales et d’assurance maladie, l’endettement des entreprises publiques et autres gouffres budgétaires. Le consensus politique et social sur ces choix est déterminant. Apaiser les tensions et accélérer les décisions, avec le plus large consensus possible : c’est l’unique option pour réussir les élections et remettre la Tunisie en marche.

Taoufik Habaïb

Tags : Ennahdha   Tunisie