Hichem Djaït : Le drame, c'est que n'importe qui fait de la politique
Les intellectuels arabes n’avaient ni dessiné, avant les révolutions, des stratégies de renversement des pouvoirs, ni, après les révolutions, pris position et pesé d’un poids certain et d’influence sur l’opinion. C’est le constat que fait le penseur Hichem Djaït lors de la conférence inaugurale de la rencontre organisée à partir du samedi 17 mai à Gammarth par la Fondation Moulay Hicham sur les intellectuels arabes les transformations historiques dans le monde arabe. Djait qui fait nettement la distinction entre l’intellectuel pur et l’intellectuel engagé, déplore l’absence des intellectuels des grandes décisions qui façonnent le présent et l’avenir et s’alarme de voir n’importe qui faire de la politique, l’appétit du pouvoir étant dominant et en l’absence d’intelligences supérieures qui prennent du recul et réfléchissent. Il estime que le monde arabe actuel est complètement englué, n’étant pas mur pour la démocratie. Selon lui, nous sommes engagés dans des structures de violences très fortes, alors que l’intellectuel, n’est pas un homme de violence, mais de conscience qui doit réfléchir, écrire, produire, s’exprimer. Extraits de sa conférence.
Ouvrant les travaux, Moulay Hicham avait surtout posé une série de questions sur le rôle des intellectuels et des intellectuels arabes en particuliers, leur contribution dans les transformations afin qu’ils retrouvent la place qui doit être la leur. Des interrogations qui ont été relayées par les deux coordinateurs de la rencontre, Khadija Mohsen-Finan (venue de Paris) et Mohamed Kerrou (venu de Yale, aux Etats-Unis). Les intellectuels ont-il été complètement pris de court par les révolutions ? Le changement des régimes a-t-il dissipé leur malaise ? Comment pourront-il se réconcilier avec le politique et rester à l’avant garde de la société tout en gardant leur indépendance ? Hicham Djaït en apportera de premières réponses.
Interdits d’accès aux grands médias et confinés parfois à quelques rares journaux et revues paraissant à l’étranger, notamment Londres, ils n’avaient pas dessiné, dans les années 2000 une stratégie pour renverser les régimes honnis. Ils n’étaient que des courants. La grande question est de savoir comment séparer l’intellectuel pur, qui réfléchit, écrit, produit de l’intellectuel engagé dans le militantisme réel ? Comment un intellectuel peut-il se changer en un homme d’action, tout en restant un intellectuel qui produise ? La dialectique entre l’intellectuel pur et l’intellectuel devenu homme d’action se pose avec insistance.
Après la révolution, certains se sont déchaînés dans les médias et beaucoup parmi eux, peu connus, ont pu alors émerger. Ils se sont manifestés aussi par des écrits, des interventions publiques. Mais, ils n’ont pas pesé de leur poids sur les décisions. Le Quarter, initiateur du Dialogue national, en offre un bel exemple. Il n’est formé que de représentants de grandes organisations. Les intellectuels n’ont en effet ni pris position, ni exprimé une vision pour l’actuel ou le futur. Juste des discussions rapides, ici et là. Rien d’un poids certain et d’influence sur l’opinion.
Il y a trop d’appétit pour le pouvoir