Opinions - 03.05.2014

Plaidoyer pour ‘Kèn' à l'ère du tourisme alternatif

«Si Amel veut, Amel peut », une formule lapidaire qui résume le désarroi et la persévérance de Slahedine Smaoui, architecte visionnaire et maître artisan du «Village Kèn» qui espère une intervention de la « providentielle » ministre du Tourisme, Amel Karboul, le chantre du tourisme alternatif, pour sauver « Kèn ». 

https://www.facebook.com/pages/Village-KEN-%D9%82%D8%B1%D9%8A%D8%A9-%D9%83%D8%A7%D%86-%D9%81%D8%B6%D8%A7%D8%A1-%D8%AB%D9%82%D8%A7%D9%81%D9%8A/149324608491043?fref=photo

«Il faudra absolument que Mme Amal Karboul vienne voir sur place ce témoignage de notre identité culturelle, ce trésor de notre patrimoine pluriel aujourd’hui en déperdition», déclare à «Leaders» le promoteur de «la seule réalisation intelligente de ces cinquante dernières années en matière de tourisme culturel, d'architecture et de construction bioclimatiques», de l’avis même de l’ancien Directeur-Général de l’Office national du tourisme tunisien (ONTT), Wahid Ibrahim.

Tout est... Rien n’est fait

«Le meilleur avocat de Kèn, c’est Kèn lui-même», ajoute le concepteur et bâtisseur, en juin 1983, de ce «Village» situé à 20km au sud de Hammamet, en direction de Sousse et construit en pierre et en terre (donc une architecture bioclimatique), sur trois hectares, dont 5000 m² couverts.

A la fois un musée, une galerie d’art, un centre culturel, un jardin botanique, un motel de plaisance (avec piscine, restaurant gastronomique, bistrot…), un espace de recherches dans les domaines de l’architecture, du design et des métiers d’art et de l’artisanat (boiserie, peinture sur bois, poterie, tissage, tapisserie, teinture végétale, couture, cuivre, argent), «Village Kèn» est aujourd’hui menacé de liquidation.

Le prestigieux village est placé depuis mars 2008 en redressement judiciaire en tant qu'entreprise en difficulté. Depuis, cet ingénieur en Génie civil, diplômé de l’Ecole Centrale de Nantes, a survécu difficilement pour payer son personnel et ses charges fixes.

Épaulé par son épouse Noura, première orthophoniste de Tunisie, il a en même temps multiplié ses démarches auprès Pouvoirs Publics (les précédents ministères du Tourisme, de la Culture, du Commerce et de l'Artisanat) afin de les sensibiliser sur la nécessité de leur intervention pour sauver Kèn. Mais «aucune réaction», avait-il déploré ces dernières années.

«Seul le ministère de la Culture avait réagi et répondu partiellement à notre appel au secours, en reconnaissant l'Espace Kèn comme Centre Culturel Important et en l’inscrivant dans ses circuits et programmes culturels dans un cadre de partenariat. C'est déjà un grand acquis, mais qui ne permet pas encore le sauvetage de Kèn », avait toutefois admis Slaheddine.

Mais il faut dire que l’homme et l’œuvre ne sont jamais passés inaperçus au niveau national ou international. Plusieurs journalistes tunisiens ont parlé du «Village Kèn», son promoteur a obtenu plusieurs consécrations, dont le premier prix du Salon de la création artisanale (1985), le prix national de la culture spécialité Métiers d’arts (1988), la nomination au Prix Agha Khan d’architecture islamique (1992) et le Grand Prix du Président de la République pour la Protection de la nature et de l’environnement (2001).

L’architecte déplore cependant que Ken, qui a intéressé beaucoup l'université étrangère, n’ait pas intéressé les opérateurs de tourisme. « Il y a eu des Italiens, des Suédois, des Français, des Belges qui sont venus voir de près l'expérience Ken. Il y a eu même des stages pour étudiants étrangers, mais jamais pour étudiants tunisiens», dit-il.

Ministres passibles de «non assistance à projet en danger»

Après la révolution et devant ce silence des Pouvoirs Publics, en désespoir de cause, Slaheddine  avait observé une grève de la faim en mai 2012, suscitant un élan de solidarité parmi de nombreux sympathisants qui avaient formé un « Comité de soutien à l’Espace Kèn » pour «défendre une Vraie Expression Culturelle et Artistique Libre».

Une « Association de Promotion du Tourisme Alternatif en Tunisie », s’est également constituée sur facebook pour « sauver Kèn ».

https://www.facebook.com/AssociationTourismeAlternatifTunisie

«Le Village Ken (…) est en danger pour une vulgaire question de sous. Slah Smaoui, l'ingénieur visionnaire et sa femme Noura, une artiste dans l'âme ont consacré toute leur vie et déployé toute leur énergie pour concevoir un espace d'avant-garde, sensé sortir notre tourisme et notre culture de la médiocrité ambiante et un réceptacle idéal pour une culture et un tourisme alternatifs avant la lettre», écrivait le 18 septembre 2012, M. Walid Ibrahim sur la page facebook de l’Association».

«Le Village Ken fait partie de notre patrimoine touristico-culturel et mérite à cet effet que les ministres du Tourisme et de la Culture lui prêtent secours et main forte… Sinon, ils seraient passibles de ‘non assistance à projet en danger’, concluait l’ancien DG de l’ONTT.
https://www.facebook.com/AssociationTourismeAlternatifTunisie/posts/361917007223221?stream_ref=5

Une Lettre Ouverte écrite d’une main experte, signée «Mr 14janvier» et publiée le 9 mai 2012 sur facebook, avait été adressée au ministre de la Culture (à l’époque, M. Mehdi Mabrouk), lui disait notamment « Nous n’avons pas vaincu la dictature de ben Ali, pour subir celle des banques », avant d’ajouter « que des artistes élevés au rang de bâtisseurs, ne puissent pas manger à leur faim, c’en est une chose, mais que ces mêmes artistes aient recours à une grève de la faim pour se faire entendre, c’est une atteinte à la culture en général et à votre ministère en particulier».

«L’état qui ne va pas au secours de ses bâtisseurs, aurait de la peine à se redresser», concluait l’auteur qui qualifiait «Village Kèn» de «PROJET IDEAL en matière de culture».
https://fr-fr.facebook.com/permalink.php?story_fbid=379307892106958&id=204624196241996

Un « Festival Culturel International de Kèn »

Aujourd’hui, le couple Smaoui, qui se bat pour maintenir Kèn sous perfusion, ne demande qu’à accueillir la plus populaire des ministres, qui bataille sur tous les fronts en Tunisie, au Canada, en Allemagne et ailleurs, pour valoriser notre patrimoine, promouvoir le tourisme alternatif et mieux vendre une industrie touristique diversifiée et «moins focalisée sur le balnéaire» et sortir le secteur de l’impasse «Sea and Sun».

« Amel (espoir, en arabe) est notre espoir !. Pourvu qu’elle vienne se rendre compte sur place que la culture ici est un mode vie et non un ornement, accessoire. La gastronomie dans son immense diversité fait partie intégrante de cette culture. C’est ce patrimoine pluriel que nous cherchons à réhabiliter à valoriser », a confié Slaheddine à « Leaders ».
«Depuis sa création, Kèn n'a bénéficié d'aucun soutien de l'Etat, d'aucune subvention en tant qu'espace culturel. Nous avons pu cependant accueilli de grands artistes et créateurs : des peintres, des musiciens, des poètes… », s'est enorgueillie Noura, en citant, en vrac, Cheikh Imam, Hédi Guella, Sgaïer Ouled Ahmed, Néjib Belkhodja… mais aussi le Groupe des Musiciens du Monde, en 1998 et 99. Treize nationalités) !!…

«Demain, nous aurons notre ‘Festival Culturel International de Kèn’. Pourquoi pas?», a-t-elle assuré, à force de rêver.
 

Tags : Amel Karboul   ben ali   facebook   Leaders   ontt  
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2 Commentaires
Les Commentaires
Giulio-Enrico Pisani - 04-05-2014 09:50

Louable initiative, Habib ! Cependant, force m'est de constater que le malade, déjà censé mourir il y a 7 ans, vit toujours (6 ans de redressement judiciaire !). Qui finance cette agonie, si ce n'est un certain succès ? Quoiqu'il en soit, il est clair que ça ne va pas bien. Alors, si Laurent Fabius veut déjà venr en Tunisie, qu'il amène au moins madame Aurélie Filippetti avec lui. Blague à part, cela nous ramène à ce que je dis et répète depuis quelques temps (notamment au sujet du patrmoine archéologique) : Tourisme, Éducation et Culture doivent, sinon se marier, du moins coopérer intensement. Déjà dans une interview à Archi Mag en 2007 (www.archi-mag.com/actu_23.php) où l'on demandait à Slah Smaoui : « Les touristes, ça les intéresse ? », il répondait « A condition de les faire venir ! Or ça n'intéresse pas les opérateurs de tourisme de faire connaître Ken, les touristes qui viennent le font individuellement parce que Ken est cité dans les guides (pas les groupes). Malgré l'effort du ministère du Tourisme et de l'Artisanat, ça n'a pas intéressé les opérateurs de tourisme. Pourtant, Ken est la première expérience en tourisme culturel. Que faire alors, sinon fermer ! » A bons entendeurs (Amel, Mourad et Fathi) salut !

Hager - 05-05-2014 12:05

En appeler à l'intérêt des tours opérateurs, soit. Qu'en est-il de l'intérêt de nos concitoyens(nes) pour cette expérience méritoire?

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