Opinions - 03.05.2014

Le Gouvernement Mehdi Jomâa m'inquiète

J’ai plus d’une fois hésité à écrire cet article empreint d’une note pessimiste, mais je crois que chacun devrait dire ce qu’il pense, profitant de cette ère de liberté qui demeure, à présent, le principal acquis de cette «révolution» sans âme.

Tout le monde, ou presque, la défend, mais sur le terrain les choses avancent très lentement sur le plan politique et surtout économique. Cette «révolution» n’avait-elle pas pour origine surtout des soubassements économiques?

A voir ce qui se passe à l’ANC et au niveau des partis, l’urgence des problèmes économiques et donc sociaux, n’est pas encore effectivement prise en compte par manque de maturité politique et d’égocentrisme manifeste que traduisent certains regroupements contre nature!

Répétons que ce Gouvernement se démène et fait ce qu’il peut mais il me semble hésitant et craintif. Il semble vouloir obtenir un consensus politique pour l’application de mesures qu’il estime douloureuses mais dont, je crains, qu’il n’aurait pas encore défini les contours.

Je ne pense pas que cette fois, le «dialogue national» permettrait, en cette phase préélectorale, d’arriver à un accord qui sauverait l’économie du pays. Tout au plus, devrions nous nous attendre à des demi-mesures contradictoires qui mettraient mal à l’aise ce gouvernement.

Que perdrait ce Gouvernement à définir un plan économique, un «business plan» pour reprendre une expression à la mode et à en informer les parties concernées de sa teneur, à savoir, le Conseil des analyses économiques rattaché au Chef du Gouvernement ( dont un membre vient de démissionner : cf le Maghreb du 1er Mai 2014 ), l’UTICA, l’UGTT et les principaux partis politiques, puis à engager, sans tarder son exécution quitte à le modifier en cours de route au vu de la réalité?

Ce qui m’a révolté c’est que le Chef du Gouvernement ait déclaré que la Tunisie n’est pas allée demander de l’aide, mais discuter d’égale à égale avec ses principaux partenaires pour établir une nouvelle coopération.
Soyons sérieux et respectons le bon sens du citoyen qui suit l’actualité économique et financière de son pays. La Tunisie est l’égale de la France ou des USA?

Lorsque le Gouverneur de la BCT affirme que pour le règlement des salaires et des pensions du mois d’avril, le Gouvernement a été amené à faire des acrobaties pour collecter les ressources nécessaires et que ce problème va perdurer pour les mois à venir, le citoyen est en droit de déduire que le pays traverse une réelle difficulté de trésorerie.

Donc, tout le monde s’attend à ce que les pays dits «amis» et qui veulent, et dans leur intérêt d’ailleurs, faire réussir le «printemps tunisien», mettent leurs mains à la poche. Nous avons besoin d’une aide et nous le crions haut et fort. L’aide consentie à des conditions avantageuses et utilisée à bon escient, se rembourse  bien évidemment et il n’y a aucun mal à la demander.

A cet égard, j'ai pris plaisir à lire la déclaration de Jean Daniel, un ancien ami de la Tunisie, faite au quotidien «La Presse» le 27 avril 2014 où il reconnait que les «aides à la Tunisie sont insuffisantes» et surtout celle d'Hervé Morin qui plaide pour «une orientation massive des aides au développement vers la Tunisie. Il ne faut pas, selon lui, que les difficultés économiques et sociales de la Tunisie fassent s’effondrer l’embryon démocratique» ( cf Le Point du 27 avril 2014 ).Je plaide comme lui pour un mini plan Marshal pour mon pays.

Notre Gouvernement,  et contrairement au Gouvernement de BCE qui a pu arracher au G8 des promesses sérieuses de financement, n’a certainement pas présenté de «business plan» précis et n’a pu convaincre ses interlocuteurs, surtout que la partie tunisienne, par orgueil et inexpérience, a donné l’impression qu’elle se suffisait à elle-même.

 Il est temps que M. Jomaa réactive le Conseil des analyses économiques sur de nouvelles bases et avec une nouvelle composition et en faisant appel à un nouveau ministre de l’économie. M. Dimassi, par exemple, et s’il l’accepte, pourrait faire l’affaire.

La France qui traverse une période difficile a sauté sur l’occasion pour reporter les problèmes de la Tunisie à septembre, en imaginant un conclave des « amis » de la Tunisie, comme si notre pays pouvait encore attendre!
Sincèrement, je crois que les propositions de Monsieur Dimessi faites hier soir, 30 avril, sur «Express FM» tiennent la route.

Faire repartir l’économie à partir de ce qu’on a, sans investissement nouveaux majeurs, mais en mettant plus d’agressivité et ce dans l’intérêt de tous les citoyens. Il a cité en exemple la nécessité d’assurer coute que coute la reprise de l’activité de la CPG  et du Groupe Chimique à plein régime, par la persuasion tout en n’excluant pas le recours à la force publique pour la protection de ces unités vitales. Tous les secteurs de production doivent repartir à nouveau et être protégés.

Je me permets d’ajouter, qu’en parallèle, le Gouvernement doit trouver, de toute urgence, la solution aux problèmes qui bloquent certains hommes d’affaires sur qui pèsent des soupçons de corruption. Il n’y aura pas de reprise réelle des investissements locaux et a fortiori des investissements étrangers si ce problème n’est pas résolu ! Une priorité devrait être donnée à l’amélioration de l’environnement grâce à un partenariat public-privé
Ce Gouvernement doit aussi revoir rapidement le nouveau code des investissements et le promulguer le plus vite possible.

Il doit répondre au cri d’alarme du Gouverneur de la BCT pour limiter certaines importations,  lever les entraves à l’exportation et demander à nos ambassades et au CEPEX de trouver de nouveaux débouchés à nos produits en Afrique et ailleurs.

Pourquoi retarder encore le relèvement du SMIG, exclusivement pour les salaires les plus faibles, cela s’entend, et l’accompagner par l’augmentation du prix de la baguette et le litre du carburant et engager ainsi timidement une révision des charges de la Caisse de compensation? Avec la reprise économique, le choc des mesures drastiques nécessaires sera moins dur à supporter. Nous attendons aussi et avec impatience que la loi de Finances pour 2014 comporte un début de révision du régime forfaitaire pour rendre la fiscalité moins injuste et remplir les caisses de l’Etat.

Nous avons apprécié à des degrés divers, la marche à pied vers l’Elysée sous une pluie fine, l’utilisation du métro pour rejoindre la colonie tunisienne à Belleville, le fricassé croqué à pleine dents et les emplettes de chez TATI, mais nous attendons des mesures agressives pour la relance de notre économie. La période de grâce est terminée.

Nous ne pouvons plus attendre!

Mokhtar El Khlifi
 

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