Opinions - 06.03.2014

Il faut sauver l'INSAT

La création de l’Institut National des Sciences Appliquées et de Technologie (INSAT), établissement public à caractère scientifique et technologique doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, répondait à la volonté de la Tunisie de se doter d’un instrument essentiel à son développement économique et social.

Le projet INSAT a été lancé lors d'une visite d'Etat du Président François Mitterrand en Tunisie en 1989. Il a bénéficié de la mobilisation de l'aide française la plus importante en Tunisie sur un seul dossier (près de 60 millions de dinars). Conçu initialement pour accueillir 2.000 étudiants et près de 300 enseignants, l'INSAT compte actuellement 3.400 étudiants et 176 enseignants permanents.

Cet établissement a été créée dans le cadre de la coopération culturelle, scientifique et technique entre la Tunisie et la France, basée sur la loi n°92-102 du 2 Novembre 1992 où est précisée la forme juridique. Le décret n°96-1197 du 26 Juin 1996 fixe les attributions, la composition et les modalités de désignation et de fonctionnement des organes. Le décret n°99-2317 du 18 octobre 1999 fixe le Régime des études, des examens et des stages applicable, ainsi que les diplômes qu’il délivre.

l’INSAT se prévaut de la bonne réputation de ses diplômés surtout dans le milieu industriel. Le score d’orientation à cet établissement est en hausse d’une année à l’autre (140 en 1996; 153 en 2008 et 165 en 2013), grâce à la détermination des enseignants et à la qualité de ses programmes qui offrent un dosage judicieux de connaissances théoriques et pratiques.

Le démarrage des cours a été un grand succès dans l’histoire de cet établissement. Les efforts déployés par l’ensemble des enseignants et leurs engagements moral et professionnel font de cet établissement une structure d’enseignement et de recherche reconnue pour sa formation adéquate et son bon niveau scientifique (approuvé par l’ensemble des Professeurs invités à des conférences à l’INSAT et des industriels ayant participé aux Journées Ingénieur Entreprise). Le nombre des étudiants allant en augmentant avec une rapidité de plus en plus marquée (259 en 1996, 1.821 en 2001, 3063 en 2004 et 4.200 en 2010), il devenait évident qu’une sélection s’imposait parmi ces étudiants.

Un démarrage prometteur

L’INSAT, avec son organisation et son installation actuelles, a commencé ses cours en septembre 1996. Mais les préparatifs pour le démarrage ont commencé en 1992 sous l'impulsion du professeur Mohamed Amara. Les enseignants qui avaient connu cette période ne sont pas près d'oublier le professeur Mekki Ksouri, cet éminent scientifique qui a dirigé l'institut pendant la période 1999-2005. Lors de ses deux mandats, il avait mis en place:

  • Un Conseil d’administration qui avait pour mission de délibérer sur les orientations générales relatives aux formations, aux activités de recherche, à la politique d’information scientifique et technique ainsi que sur la politique de coopération extérieure de l’institut. Cette structure est inopérante depuis 2006.
  • Un Centre d’Innovation et de Développement  (CID) qui contribue à la définition de la politique de formation et de recherche de l’établissement et son intégration dans les milieux socio-économiques par l’intermédiaire des contacts de recherche et de la promotion des activités des laboratoires. Ce centre avait donné un rayonnement exceptionnel à la vie de l’établissement, grâce à la distinction de son directeur. Malheureusement, ce centre est inopérant depuis 2011.
  • Un Département des sciences sociales, des langues et de la formation générale. Une nouvelle composante destinée à initier l’étudiant aux langues, à l’économie et à la gestion et à le sensibiliser aux impacts sociaux de la technologie et à l’éthique professionnelle.
  • L’organisation par l’INSAT d’une trentaine de manifestations scientifiques de grande envergure instaurant au sein de l’établissement des traditions et l’ouverture sur l’environnement socio-économique. Ce nombre est en réel déclin ces dernières années. Aujourd’hui, les activités se limitent aux actions des clubs par les étudiants.

Le niveau et la qualité des ressources matérielles et financières de l’INSAT ont été toujours son point le plus fort. Les équipements pédagogiques (amphithéâtres, salles de conférences, équipements de TP et services de documentation) répondaient tout à fait aux besoins. Les laboratoires permettaient de multiplier le nombre de TP offerts aux étudiants.

Le travail amorcé initialement s’est poursuivi de façon à ce que les objectifs représentent concrètement et fidèlement les compétences visées. L’accent a été porté sur la résolution de problèmes dans la démarche pédagogique et les efforts dédiés à la recherche de la qualité dans ses processus de formation.

L’INSAT a été une véritable université par son organisation et ses programmes et  les sentiments qui animaient tout son personnel. Malheureusement, elle connaît, depuis, une infiltration malsaine d’un ensemble d’intervenants qui ne cessent de perturber le climat et, par conséquent, d’infecter le niveau scientifique des enseignements dispensés aux futurs ingénieurs. Les problèmes ne cessent de s’amplifier, aussi bien au niveau relationnel que de celui du respect de la déontologie du travail.

La recherche scientifique, point fort de l’INSAT

Même si la recherche ne constituait pas l’objet principal de cet établissement dans son projet initial, les structures de recherche sont au cœur de cet établissement et ce choix est devenu incontournable. Elles constituent un facteur transcendant pour le développement de l’innovation et des nouvelles technologies, ainsi que pour l’ouverture sur son environnement socio-économique.

La place de la recherche scientifique occupe une priorité privilégiée dans les missions de l’enseignant. La recherche constituait toujours une activité «supérieure» par rapport aux activités pédagogiques.

Il faut reconnaître le rôle exceptionnel qu’a joué l’INSAT dans le domaine de l’innovation et du transfert des connaissances et de la technologie. Des partenariats avec des entreprises ont été développés sur des sujets de pointe. Au plan de la formation, c’est surtout dans le cadre des projets de Fin d’Etudes, des mastères et des thèses de doctorat que se fait la collaboration.

Où en sommes-nous aujourd’hui?

Malheureusement, la situation s'est dégradée depuis 2011. Les difficultés relationnelles entre les différents départements et la direction ont impacté le niveau de l'enseignement au sein de l'établissement. et entrainé la détérioration alarmante du patrimoine immobilier et l’insuffisance criante des locaux pour la recherche scientifique;

Un grand nombre d’enseignants estiment que la formation continue est un chantier qui été et  reste à ouvrir au niveau de l’INSAT pour accroître encore plus le rayonnement de l’établissement et jouer le rôle de révélateur de nouveaux besoins des acteurs économiques. Il est à noter que cet axe n’a pas reçu jusqu’à maintenant toute l’attention nécessaire.

Des efforts devraient être faits pour consolider la gouvernance et retravailler sur le plan d’études, afin que l’INSAT renoue pleinement avec son rôle de former de futurs ingénieurs répondant aux besoins actuels du marché d’emploi. Il faut que l’INSAT redevienne un lieu de liberté absolue de la conscience de chacun, et que la confrontation des points de vue joue un rôle-moteur dans son évolution.

Le dysfonctionnement des structures de l’INSAT est principalement dû au non-respect du décret fixant les attributions, la composition et les modalités de désignation et de fonctionnement de ses organes.

Le manque d’activités scientifiques au sein de l’établissement et les difficultés croissantes de l’intégration très différente des doctorants selon les formations doctorales et selon les unités et les laboratoires de recherche pose un problème incontestable. La prévention et la gestion des conflits de la masse des doctorants en particulier en ce qui concerne la mobilité des étudiants demeurent un souci constant au sein de l’établissement. Il est temps de résoudre les tensions internes liées au choix des spécificités de la formation doctorale.

Samir Hamza,
Universitaire

 

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