News - 22.02.2014

Chafik Sarsar: Comment réussir des élections incontestables

Ce qui le chagrine un peu, c’est qu’il devra renoncer pendant six ans à son cartable de professeur universitaire et à ses étudiants et doctorants. Mais ce qui le réconforte, c’est l’opportunité de servir le pays en réussissant des élections libres et transparentes et la mise en place, en tant que nouvelle institution constitutionnelle, d’une Instance supérieure indépendante des élections (ISIE).  Un vrai défi pour Chafik Sarsar. Portrait.

Encore enfant assis en classe dans cette même école primaire de Ramla, chef-lieu des îles Kerkennah, qu’avait fréquentée Farhat Hached, Chafik Sarsar n’envisageait comme carrière que le service public. Un peu sur les pas de son père, directeur de l’école, qui a élevé ses enfants non dans le goût du lucre, mais le partage du savoir et l’engagement citoyen. Ce n’est pas sans regret que Chafik quittera ses îles natales pour suivre son père nommé inspecteur d’enseignement à Sbeïtla, loin de la mer, loin des palmiers, des figuiers et des raisins. Il y décrochera son bac et s’inscrira à la faculté de Droit.

Dès le premier cours, donné par feu Abdelfettah Amor, il sera subjugué par le droit public et le droit constitutionnel. L’érudition et l’éloquence de feu Mohamed Charfi ne feront qu’attiser son engouement pour ces disciplines. Son choix est immédiatement fait : devenir magistrat ou, à l’extrême, enseignant de droit, mais point de barreau. Bien qu’il ait obtenu plus tard son certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA), il ne s’inscrira pas à l’Ordre.

Attiré par la recherche et l’enseignement, Chafik Sarsar commencera alors une laborieuse carrière, ponctuée par un doctorat d’Etat en droit public (2008), jusqu’au grade de maître de conférences agrégé à la faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis où il dirige le département de sciences politiques. Sa curiosité intellectuelle l’incitera à élargir ses recherches à différents aspects relatifs aux institutions politiques, droits de l’homme et libertés publiques, systèmes politiques comparés et … le système électoral. C’est ainsi d’ailleurs qu’il commencera à mordre à l’hameçon.

C’était lors d’un colloque organisé par la faculté de Droit de Jendouba en 2010. La communication qu’y présentait Chafik Sarsar sur la Constitution avait attiré l’attention de son ancien professeur Yadh Ben Achour  qui l’a chaleureusement félicité et s’en souviendra lorsqu’il a été chargé de former la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution. Sarsar sera alors choisi pour faire partie du groupe d’experts et désigné avec Farhat Horchani et Hafidha Chekir, notamment, à constituer la sous-commission électorale. Ensemble, ils travailleront d’arrache-pied pour concocter le projet de décret-loi (N° 35 du 18 avril 2011) qui portera création de l’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE).

Mission accomplie, il se retirera sur la pointe des pieds et estimera, par devoir de réserve, de ne pas se présenter pour faire partie de l’ISIE. Reprenant son enseignement et ses recherches, il suivait de très près la mise en œuvre du texte et ses écueils au vu du déroulement des élections et des travaux de l’Assemblée nationale constituante (ANC). Mais, dès qu’on a commencé à parler de la constitution d’une nouvelle instance, beaucoup ont pensé à lui pour au moins en faire partie. « Beaucoup d’amis m’ont fortement sollicité, indique à Leaders Chafik Sarsar, mais j’ai humblement décliné leur proposition. Jusqu’à la dernière minute. C’est ainsi que j’ai laissé passer le premier round durant l’été dernier et je n’y avais pas présenté ma candidature. Après son invalidation, la fixation d’un deuxième délai, mes amis sont devenus encore plus insistants et j’ai fini par acquiescer».

Repartir de zéro

La première Instance, présidée par Kamel Jendoubi et limitée aux élections du 23 octobre 2011, ayant été dissoute, il s’agit à présent de la constitution d’une nouvelle ISIE qui sera permanente. Tout doit repartir de zéro. L’ardoise laissée est lourde de plus de 8 MD dont 3,5 MD pour l’Armée nationale, 2,1 MD pour les Impôts, 1MD pour l’Etablissement de la télévision tunisienne et 207 000 D pour les caisses sociales.

La plupart du personnel ont reçu une fin de mission, mais 34 parmi eux sont restés en place dans des conditions difficiles. Les locaux centraux et régionaux ont été libérés et seul le siège, rue Ibn-Al Jazzar, à Lafayette, a été maintenu, mais s’avérant exigu.  Première étape nécessaire : lancer l’appel à candidatures pour la désignation d’un directeur exécutif et les concours de recrutement pour le personnel, dans le cadre d’un statut particulier.

C’est à ces problèmes de logistique et d’intendance que devraient faire face immédiatement Chafik Sarsar et son équipe pour pouvoir s’attaquer aux autres préparatifs nécessaires. En tout premier lieu, il s’agit d’auditer la base de données des électeurs inscrits qui compte près de 4 300 000 noms pour pouvoir lancer les campagnes d’incitation à l’inscription sur le registre d’électeurs. Déjà, un grand chantier qui s’ajoutera à celui de la rédaction des manuels de procédures, de la formation, etc. Et c’est parti, pour six ans au moins…