Kamel Bennaceur: Un citoyen du monde
Agrégé de mathématiques à 21 ans, diplômé de l’Ecole Polytechnique à 22 ans et de l’Ecole normale supérieure à 23 ans, Kamel Bennaceur, nouveau ministre de l’Industrie, de l’Energie et des Mines, a toujours été précoce. Sauf en politique. Il y étrenne ses nouvelles fonctions gouvernementales quelques jours seulement à l’orée de ses 58 ans (né à Gafsa, le 22 janvier 1956).
Cette fois-ci, il n’a pas résisté à l’appel du pays et a répondu présent lorsque Mehdi Jomaa l’appelle fin décembre dernier à Rio de Janeiro où il est président du Centre de technologie du géant pétrolier et énergétique Schlumberger. Pas besoin de grands arguments pour le convaincre, juste l’assurance de pouvoir accomplir sa mission dans de bonnes conditions et au sein d’une équipe harmonieuse. Mais peut-il, dans la courte période impartie au gouvernement et le contexte spécifique préélectoral, apporter des résultats concrets dans des secteurs aussi délicats que l’industrie,l’énergie et les mines? Lui qui a réussi brillamment, depuis son bac décroché à 17 ans, tous les concours, puis relevé les grands défis de sa carrière professionnelle, sait qu’il n’a pas droit à l’échec. Parcours.
Son père, feu Me Mohamed Bennaceur, avocat de renom, s’était distingué depuis son jeune âge par son engagement militant pour l’indépendance et syndical, à Gafsa d’abord, puis à Tunis. Il a plaidé, après l’indépendance, dans de redoutables procès, assurant la défense des droits de l’homme et des opposants à Bourguiba. Ce moule de valeurs patriotiques et démocratiques forgera le caractère de ses enfants qui feront tous une brillante carrière. Kamel Bennaceur compte en effet parmi ses frères et sœurs un autre polytechnicien, un professeur universitaire physicien, une magistrate de la Cour des comptes, une pharmacienne, une nutritionniste doublée d’une artiste peintre, des ingénieurs et des hommes d’affaires. Son oncle, feu Professeur Mahmoud Bennaceur, fut un des pionniers de la cardiologie tunisienne, et aussi maire de Gafsa où il a une rue à son nom.
Il n’y a point de défi qui ne puisse être relevé
Alors qu’il était en classes préparatoires à Louis Le Grand à Paris, feu Si Mokhtar Laatiri l’encourageait à faire Normale Sup, mais lui avait un penchant pour Polytechnique. Qu’à cela ne tienne: il fera les deux. Difficile à réussir, l’avait prévenu son mentor, mais cela n’avait fait qu’aiguiser sa détermination. Et il y parviendra. Premier poste décroché, celui d’ingénieur chercheur à l’Ecole des mines de Paris et le voilà repéré par Dowell (qui deviendra Schlumberger) qui l’accueille dès 1980 dans son centre de recherche à Saint-Etienne pour développer de nouvelles technologies. Dans cette grande compagnie mondiale qui dégage plus de 45 milliards de dollars de revenus par an, les opportunités de carrière sont multiples pour ceux qui font preuve de mérite. En 33 ans, il gravira les échelons jusqu’à des positions de tout premier niveau, avec des affectations dans nombre de pays aux quatre coins de la planète.
Il ira aux Etats-Unis, en qualité de chef de développement et de recherches (1985), à Cambridge (1989), à Alger en qualité de directeur des opérations en Afrique du Nord (1990), au Venezuela, en charge des opérations pour l’ensemble des pays de l’Amérique latine (1993) et à Dubaï, puis au Caire, présider aux destinées de la direction commerciale et technique pour le Moyen- Orient et l’Afrique du Nord (1997). Retour à Houston aux Etats-Unis, à la tête cette fois-ci de la direction mondiale de la technologie (1999), puis affectation à Londres pour développer de nouvelles activités dans le stockage du CO2 (2001), avant de rejoindre Moscou en qualité de vice-président chargé de développer le marché russe (2005).
La vision globale et sa mise en œuvre immédiate
Et le voilà de nouveau à Paris, détaché auprès de l’Agence internationale de l’énergie (IEA), comme expert sénior chargé des scénarios mondiaux de développement durable de la production et de la consommation d’énergie (2007). Fort de cette expérience, il rejoindra le siège parisien de Schlumberger en tant que chef économiste pour notamment définir les horizons économiques et énergétiques et s’occuper avec les marchés financiers, notamment Wall Street (2009). Une escale intensive avant de partir pour le Brésil.
Lorsqu’on demande à Kamel Bennaceur comment il se définit le plus dans sa carrière, il indique qu’il a surtout été dans l’énergie avec une orientation développement technologique et développement durable. «En fait, dit-il à Leaders, j’ai abordé ces questions d’un point de vue industriel et économique. L’ensemble dans une dimension de développement durable et avec le souci constant de partager une culture du positionnement de l’action vers l’excellence». Son credo est de «développer sans cesse une vision à long terme et une force de sa mise en œuvre dans le court terme».
C’est exactement l’esprit du mandat que lui confie Mehdi Jomaa à la tête de l’industrie, de l’énergie et des mines.Un challenge qui lui fait quitter Rio, cette ville magnifique aux 50 km de plages, et rater la Coupe du monde (2014) et les Jeux olympiques (2016). Rien ne vaut pour lui la Tunisie. Il garde des sentiments profonds
pour Gafsa, mais aime à rappeler qu’il est aussi un citoyen du monde avec un centre de gravité en Tunisie. C’est une valeur partagée avec son épouse (financière) et ses 3 enfants qui l’ont accompagné avec enthousiasme dans cette aventure mondiale.