News - 13.01.2014

Radhi Meddeb: J'en appelle au devoir

An IV de la révolution et une gestion chaotique des affaires publiques qui a tout balayé sur son passage, y compris les acquis, les forces et les faiblesses.
 
An IV et pas le moindre début de réponse aux causes du soulèvement populaire et aux exigences des jeunes, des régions et des franges marginalisées.
 
À force de tout critiquer de l'héritage recueilli et en l'absence d'un inventaire objectif, d'une vision prospective, d'un projet autre qu'identitaire, d'une connaissance des rouages de l'administration et d'une reconnaissance de l'exigence de l'État, les projets politiques se sont limités à des slogans populistes, à des postures électoralistes et à un partage partisan du butin.
 
Les résultats sont là: augmentation du chômage, approfondissement de la pauvreté, baisse du pouvoir d'achat, marginalisation de la classe moyenne et élargissement de   la fracture sociale, blocage de l'appareil productif, effondrement des secteurs du tourisme et des phosphates, explosion des importations, épanouissement de la contrebande, multiple dégradation du risque souverain, dévaluation rampante du dinar, mais aussi et plus grave encore montée de l'insubordination et remise en cause des fonctions régaliennes de l'État, propagation de l'insécurité et du terrorisme.
 
On aurait pu mettre tout cela sur le compte de l'apprentissage de l'exercice de la démocratie s'il n'y avait pas eu tous les errements politiques, les ambiguïtés face à la montée du salafisme et du djihadisme, les provocations et les diversions, les accords intéressés et hypocrites mais aussi les assassinats politiques, les turpitudes et la mauvaise gouvernance.
 
À tout cela, il faut dire SUFFIT!
 
Le pays est épuisé. Le peuple souffre. Les finances sont au plus mal. Le prix à payer sera lourd et la convalescence bien longue.
 
Soyons responsables et disons la vérité au Peuple: les mesures de redressement seront douloureuses et nous ne ferons l'économie ni de l'effort ni de la sueur. Sachons le faire seuls et sans contrainte extérieure et évitons de nous y trouver contraints, avec en prime, la perte de notre souveraineté.
 
Un nouveau gouvernement est en cours de constitution. Il porte tous les espoirs de la Tunisie.
 
Il est du devoir de chacun de lui prêter main forte, de le soutenir et de l'accompagner.
 
Nous n'avons pas d'autre choix, car dans sa réussite résident les prémices de la réussite de la Tunisie.
 
Que la classe politique, toute entière mette au placard ses divisions et ses ambitions personnelles ou partisanes. Que les partis politiques fassent preuve de responsabilité en acceptant d'abord de donner à ce gouvernement toutes les prérogatives dont il a besoin pour gouverner.
 
Que les partenaires sociaux acceptent d'appuyer le gouvernement Jomaa avec responsabilité et discernement.
 
Que la Société Civile continue à jouer son rôle de gardien du temple, mais en favorisant celui de force de propositions. Que les réseaux sociaux arrêtent leur manège de démolir tous ceux qui s'engagent et acceptent des responsabilités au service de la Nation.
 
La Tunisie, toute entière, doit se mobiliser, dans une action de salut national pour que chacun apporte, dans la solidarité et dans l'effort, sa contribution à la reconstruction du pays, de son économie et de ses institutions, dans le respect de ses valeurs et dans le souci de sa cohésion sociale.
 
Pour ma part et si j'ai décliné les propositions qui m'ont été faites, c’est parce que ma conviction est que, dans la phase à venir, je serai plus utile à l'extérieur de l'exécutif qu'en son sein.
 
Aujourd´hui, mon devoir envers mon Pays est de m'engager à aider par mes moyens Mehdi Jomaa et son équipe dans leur mission et à leur apporter toute ma connaissance de la Tunisie profonde, de ses problèmes, mais aussi mes réflexions et mes travaux sur les inflexions au modèle de développement que la situation exige.
 
Je mettrai à la disposition de la Tunisie, plus que jamais mes réseaux et mes relations internationales et je m'y attelle déjà. Mon soutien n'en sera pas moins vigilant.
 
Ma position extérieure à l'exécutif m'autorisera à alerter le gouvernement et l'opinion sur ce qui pourrait ne pas correspondre à ce qui me semblera devoir être fait.
 
Je m'engage aussi à ce que ma critique éventuelle reste, le plus longtemps possible, constructive et positive.
 
À l'heure où la Tunisie adopte sa nouvelle Constitution et où la voie vers des institutions pérennes se clarifie, j'en appelle à tous, pour qu'ensemble, nous écrivions une nouvelle page de la Tunisie moderne, pour qu'ensemble, nous répondions présents à ce rendez vous avec l'Histoire. Nous avons le devoir de ne pas le rater.
 
L’heure est à la reconstruction. Il n'y a point d'alternative!
 
J’en appelle au sens des responsabilités de chacun pour qu’ensemble nous inaugurions une ère de raison, de solidarité et surtout de conscience que l’intérêt du Pays est au-dessus de toutes les aspirations personnelles.
 
Nous sommes les héritiers de Didon, Okba Ibn Nafaa, Farhat Hached et Bourguiba. Soyons-en dignes! Nous en avons l'obligation et le devoir. Et que la Tunisie reste le pays précurseur dans sa marche vers la démocratie, la modernité, la solidarité et l'adoption sans réserve des droits humains et des valeurs universelles, qu'elle renoue avec son ouverture et qu'elle retrouve sans délai, son rayonnement maghrébin, méditerranéen, arabe et africain.
 
Mon ambition est que ce gouvernement réussisse à conduire la dernière phase du processus de transition, qu'il le fasse au service de l'intérêt général et que la République soit plus que jamais fière et debout.
 
Radhi Meddeb
Tunis, le14 janvier 2014
 
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