Opinions - 09.10.2013

Croissance – Emploi : Une relation complexe et ambigüe !

Les 3,8% de croissance annoncés par le gouvernement sont  très insuffisants car les attentes sociales sont particulièrement grandes surtout en termes d’emploi. Ce qu’il faudrait savoir est que le lien entre la croissance économique et la création d’emploi est très complexe; il n’est pas direct, ni constant dans le temps : Il dépend de la nature de la croissance et du niveau de ce qu’on appelle les gains de productivité, c’est-à-dire de la quantité de richesse produite avec une quantité de travail donnée. 

Croissance extensive / Croissance intensive

Pour que la croissance soit créatrice d’emploi, il faudrait qu’elle soit de nature extensive, c’est-à-dire une croissance obtenue principalement par l’augmentation du facteur travail. Pour être clair, en cas d’augmentation des moyens de production l’arbitrage devrait se faire au profit du facteur travail et non du facteur capital; d’où l’importance des facteurs institutionnels (législation du travail, coût de la main-d’œuvre, niveau de productivité et donc de qualification, etc.).

La croissance de la production peut être aussi de nature intensive, c’est-à-dire une croissance obtenue principalement par une utilisation plus efficace, plus efficiente, des forces productives (travail et/ou capital).

Le  cas de la Tunisie

Vu la conjoncture économique et politique, le taux d’utilisation des équipements est faible. Aujourd’hui notre appareil productif est en sous-activité! Par conséquent, la croissance annoncée par le gouvernement ne pourrait être que de nature intensive : les entrepreneurs feraient appel en premier lieu aux heures supplémentaires avant de songer à embaucher!  En somme, la création d’emploi n’est pas pour demain !

Pire encore, notre appareil productif est en partie vétuste et il est urgent de penser à le renouveler et à le moderniser pour rester compétitif et suivre ainsi le progrès et les innovations technologiques; aussi, nos entrepreneurs arbitreront à coup sûr au profit du capital par conséquent la création d’emploi sera faible et ne concernera majoritairement que la main-d’œuvre qualifiée!

Typologie du chômage en Tunisie

Par ailleurs, il convient de préciser que sur les 18% de demandeurs d’emploi que compte la population active, environ 5% sont incompressibles (Il résulte du délai qui sépare le moment où un individu quitte son emploi et le moment où il en trouve un autre. Jeune étudiant cherchant son premier emploi, Mobilité géographique, Volonté de changer de métier, Reprise de travail après un congé parental (pour élever ses enfants, assez présent dans les pays occidentaux); il s’agit de chômage frictionnel indispensable pour l’activité économique, particulièrement les activités nécessitant des emplois à temps partiel. Le reste, c’est-à-dire les 13%, sont en gros de deux natures:
- Le chômage conjoncturel, qui est dû à la crise économique mondiale, aux conséquences de la révolution et surtout au climat d’insécurité qui règne dans le pays dont le gouvernement est le premier responsable. La crainte et l’inquiétude paralysent toutes prises d’initiative et découragent les investisseurs.

- Et le chômage structurel, de loin le plus important dans notre cas. Il est dû aux   mutations sectorielles, au progrès technique ou encore au vieillissement de l’appareil productif, sans oublier les déséquilibres démographiques et surtout l’inadaptation des qualifications de la main-d’œuvre aux besoins des entrepreneurs.

Quelles solutions?

Il est urgent de mettre en place une véritable politique d’accompagnement personnalisée des chômeurs. L’objectif serait d’améliorer l’employabilité des demandeurs d’emploi en leur apprenant à se vendre (élaboration d’un portefeuille d’expériences et de compétences), à construire un projet professionnel, à ne pas se sentir seul – ce qui représente pour un chômeur un soutien moral très précieux- mais aussi à se prendre réellement en charge, etc.

Il faudrait mettre en place des structures compétentes avec un personnel spécialisé capables d’apporter des réponses et d’orienter les chômeurs dans leur recherche d’emploi. On pourrait envisager la création des structures passerelles entre les chômeurs et les entreprises ou encore entre les entreprises et les structures de formation professionnelle. Ou encore, on pourrait développer la formation en alternance et généraliser un tel concept même pour les formations du supérieur (Voir aussi nos travaux en la matière pour approfondir ces points: http://ezzeddinebenhamida.jimdo.com/).

Ezzeddine Ben Hamida

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