Opinions - 07.08.2013

Elyès Jouini, suspension des travaux de l'ANC: s'il y a une volonté, il y a une voie

Mustapha Ben Jaafar appelle Nida Tounes, El Joumhouri, le Front populaire et Ennahdha à la table des négociations et appelle l'UGTT à jouer un rôle déterminant dans les débats. Il invoque la mémoire des grands réformateurs que furent Khereddine, Tahar Haddad et Habib Bourguiba sans oublier de mentionner Farhat Hached et Salah Ben Youssef. Il convoque également les grands anciens : Ahmed Mestiri, Mustapha Filali et Ahmed Ben Salah.

Il propose de suspendre les travaux de l'ANC.

Ces annonces consacrent certes définitivement l'échec du gouvernement et de la Troïka et la voie de la force qu'il ont tenté d'emprunter en agitant le pseudo-argument de la légitimité. Elles consacrent également l'échec de l'ANC.

Peut-être faut-il avant tout y voir une opportunité unique qui se présente aujourd'hui à l'ensemble de la classe politique.

Il y a peut-être là une possibilité de mettre un frein aux dissensions et surtout à la bipolarisation qui guette notre société.

On peut peut être entrevoir une issue dans laquelle

1. Un gouvernement resserré et compétent remplacerait le gouvernement actuel. Un gouvernement qui serait avant tout garant de la sécurité ainsi que de la transparence des prochaines élections. Il gèrerait bien évidemment les affaires courantes. C'est en fonction de ces impératifs que devra se faire le casting plutôt que sur la recherche d'une hypothétique relance économique. Car il faut désormais le reconnaître : toute relance est compromise avant la mise en place d'un gouvernement post-constitution et post-élections. De même qu'il faut admettre qu'un gouvernement d'union nationale composé de ministres représentant les différents partis n'aurait aucun sens dans la situation actuelle car ce serait un attelage ingérable et générateur d'encore plus d'immobilisme.

2. Tous les partis et en premier lieu Ennahdha appelleraient à mettre un terme à la violence. Cela suppose notamment la dissolution des ligues de protection de la révolution et la réaction la plus ferme envers ceux qui appellent à la violence.

3. L'ensemble des négociateurs - en nombre restreint - et assistés par un des experts se pencheraient sur le texte de la constitution pour le finaliser, en lever toutes les ambiguïtés et les incohérences tout en respectant l'esprit et l'héritage des grands réformateurs mentionnés ci-dessus.

4. Les négociateurs auraient également pour mission de finaliser la composition de l'ISIE pour qu'elle puisse se mettre au plus tôt à l'oeuvre en mode commando en construisant notamment sur la base de l'expérience acquise par la précédente ISIE avec un objectif d'efficacité et le souci d'éviter les nombreuses hésitations de  la précédente campagne (modalités d'inscription sur les listes, recrutement des observateurs,...).

5. De même faudra-t-il aborder les points principaux du code électoral : financement des partis, exigences en matière de recevabilité des candidatures, modes de scrutin...

6. Une fois un compromis trouvé et validé par les responsables des partis autour de la table,  l'ANC pourrait être convoquée à nouveau et nul doute qu'elle approuvera alors un texte qui aura reçu l'assentiment des principaux responsables des partis qui y sont représentés.

Afin de prouver au peuple que la réussite du processus de transition est le seul objectif de l'ensemble de la classe politique, ces discussions devront être dès le départ limitées dans le temps même si cela implique, pour les négociateurs, de siéger jour et nuit. Le vote par l'ANC et l'approbation de l'agenda des élections devant impérativement avoir lieu avant le 23 octobre.

Elyès Jouini