Opinions - 05.06.2013

Quelques vérités à dire à propos du PIB et du taux de croissance

Notre gouvernement n’a pas cessé ces derniers temps de faire valoir ostentatoirement et de façon redondante le bien-fondé de ses choix économiques, et ce travers l’augmentation du PIB en 2012 par rapport à 2011. Il aurait dû se montrer moins pompeux.

1. D’abord parce que l’augmentation du PIB en 2012 par rapport à 2011 n’est qu’un signe d’expansion, rien de plus. Seule l’augmentation à long terme du PIB par habitant peut être interprétée comme un indicateur de croissance économique. Nous sommes pour l’instant loin du compte. Du reste, le PIB par tête n’est qu’une moyenne qui ne rend nullement compte des inégalités des revenus et des richesses dans un pays et son augmentation en Tunisie pendant vingt-cinq ans n’a pas pu empêcher l’accroissement des disparités régionales et sociales.

2. Par secteur et aux prix de 2005, la valeur ajoutée de l’agriculture est en hausse entre 2011 et 2012 (+178,7 MD), mais cette hausse est due essentiellement aux conditions climatiques. Celle des industries manufacturières (+286,5 MD entre 2011 et 2012) est due en majeure partie à la hausse de la valeur ajoutée du raffinage du pétrole (+212,6 MD) et à un degré moindre aux industries manufacturières diverses (+50,3 MD) alors que le reste des industries manufacturières (y compris les deux branches dominantes ITHC et IME) connaît une stagnation ou une régression. Certes, la valeur ajoutée des services marchands a augmenté de 1156 MD entre 2011 et 2012, mais cette hausse est due notamment à la reprise de l’activité de l’hôtellerie et de la restauration (+247,7 MD) et le transport (+319,1 MD) après les résultats catastrophiques de 2011. Quant aux services non marchands, la hausse de la valeur ajoutée est due essentiellement aux recrutements inconsidérés dans l’administration (+ 866,9 MD pour la seule valeur ajoutée de l’administration publique).

3. En quoi l’augmentation de la valeur ajoutée en 2012 est-elle imputable à la politique gouvernementale menée en 2012 ? Pas grand-chose si l’on excluait celle relative aux services de l’administration publique. Au demeurant, les résultats  économiques obtenus en 2012 ne sont pas obligatoirement et en totalité les conséquences directes de la politique économique et financière menée par les gouvernements issus des élections d’Octobre 2011. Une bonne  partie, qu’elle soit positive ou négative, est la conséquence de la politique économique du gouvernement précédent. Faire croire le contraire est une insulte à notre intelligence et à la vérité tout court.

4. Si l’on examine de près l’évolution  des diverses composantes du PIB aux prix de 2005, on constate que les activités non marchandes sont passées de 16% en 2009 du PIB et 16,1% en 2010 à 17,3% en 2011 et à 17,7% en 2012. A elle seule, l’administration publique représente 15,5% du PIB en 2009; 15,7% en 2010; 16,9% en 2011 et 17,3% en 2012. A titre de comparaison, l’agriculture et la pêche n’entrent que pour 8,6% du PIB en 2012, les industries manufacturières pour 16,3%, les industries non manufacturières pour 8,4% (dont la moitié revient au BTP), les services marchands pour  42,1%.

5. En termes de variation d’une année à l’autre, la valeur ajoutée  de l’agriculture et de la pêche a augmenté de 3,9% entre 2012 et 2011 ; celle des industries manufacturières de 3,3% ; celle des industries non manufacturières de -0,6% ; celle des services marchands de 5,3% contre 6,3% pour les activités non marchandes (6,4% pour la seule administration publique) et 4,1% pour l’ensemble du PIB. 

6. Si on avait contenu l’augmentation de la valeur ajoutée de l’administration publique en 2012 (et en 2011 aussi il faut bien le dire) dans les limites de l’augmentation du PIB aux prix courants (8,9% entre 2011 et 2012) ou au rythme d’augmentation de la valeur ajoutée de l’administration des années précédentes (8,4% entre 2007 et 2008, 9,2% entre 2008 et 2009, 8,8% entre 2009 et 2010 contre 12% entre 2010 et 2011 et 12,1% entre 2011 et 2012), on aurait enregistré près de 0,3 point de moins d’augmentation du PIB en 2012. 

C’est dire que l’augmentation du PIB en 2012 par rapport à 2011 ne peut être considérée comme un signe de réussite de la politique économique et financière menée par les deux  gouvernements de la troïka. Elle ne correspond d’ailleurs pas à une augmentation  réelle et significative des richesses produites. Quant à l’accroissement sensible de la VA de l’administration publique, il rehausse artificiellement le taux de « croissance », mais génère des pressions énormes sur les finances publiques, ce qui diminue d’autant notre capacité à  produire des richesses réelles et contribue davantage à l’endettement du pays. Aussi l’interprétation purement politique des données statistiques sur la croissance et le PIB ne constitue, en l’occurrence, qu’une tromperie sinon une manipulation, le chien qui se mord la queue en quelque sorte.

Habib Touhami
 

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