Opinions - 30.05.2013

Les Saints de glace

La fin delà première décade de mai est  de mauvaise réputation pour toutes les "mains vertes" qui ne jardinent jamais avant le passage de ces journées annonciatrices d'un retour tardif des gelées.  La trilogie de ces Saints que sont Saint-Mamert, Saint-Pancrace et Saint-Servais, ont été remplacés dans le calendrier catholique par Sainte-Estelle, Saint-Achille et Sainte-Rolande.  "Les  Saints de Glace" furent rayés au même titre que les guérisseurs, retrouveurs d'objets perdus ou encore traitant de la météorologie. On attendra pour le printemps ! Chez nous, les mausolées des Saints sont en proie aux pyromanes, les  allumés par  la  voix cathodique des prédicateurs d’El Jazira, tous  perturbés par l’anatomie féminine,  leur  point de vue est très  troublé par les entrecuisses et les décolletés féminins.  Les disciples wahhabites   brulèrent le mausolée de Saida Mannoubia, Alyssa préféra s’immoler: Ennar Wala El Âr ; plutôt cramer que se soumettre !

L’affaire Amina est à ce titre significative,  signifiante du mal être  et,  du devenir des  des tunisiennes bien au-delà les hésitations chaotiques de la transition démocratique. Qu’Amina  soit la cible de l’ire salafiste , c’est dans l’ordre fasciste  que veulent imposer les islamistes   mais,  que des  femmes supposées progressistes se mettent à hurler avec les loups qui veulent les manger, à  la condamner,  la traitant de tous les noms, s’alliant de fait à ceux qui l’ont incarcérée,  qui finiront, en temps opportun  par s’occuper d’elles ,   les progressistes ;  il y a de quoi s’interroger. Revenons aux faits : Amina fille de 19  ans, séduite par le combat des FEMEN,   s’est affichée sur Face Book  seins nus, seins de glace, pour protester contre l’offensive  misogyne   islamiste. L’acte est discutable sur le plan de l’efficacité, les arguments pour et contre se valent. C’est un acte politique de protestation, que certains sont en  droit de juger excessif,  contreproductif. Il n’en demeure pas moins qu’il il s’était bien agi d’acte politique,  protestataire. La traiter de prostituée, de dévergondée, de folle, d’alliée objective des salafistes en ce qu’elle leur donne des arguments, c’est balayer d’un revers de la main un combat vital,  civilisationnel, fondamental  des femmes de disposer de leurs corps et,  de leurs esprits. Amina n’est ni  une exhibitionniste, ni une perverses sexuelle comme d’autres mâles -y compris chez nous- en mal de virilité  qui exposeraient  leurs attributs phalliques  à  des femmes qui n’ont pas demandé à voir. Amina défend la liberté, bien au-delà de son anatomie féminine, à son corps défendant ?  Le  défend-elle  maladroitement?  Admettons. Elle est néanmoins  animée des meilleures intentions, elle ne se bat pas seulement  pour la cause des  femmes, elle combat pour  les hommes  aussi. Aucune société où la femme est soumise, ne vit un homme libre. Renvoyer dos à dos,  salafisme misogyne  et radicalisme féministe  revient à considérer comme équivalents « homicides  politiques, égorgement de policier, bombes au Chaâmbi, viols, polygamie, pédophilie»  et habits légers, c’est aussi confondre  attentats criminels  et, atteinte  aux  bonnes mœurs ;  si tant est qu’on soit d’accord sur la frontière entre bonnes et mauvaises mœurs. La pédophilie "Charièsque" serait-elle plus acceptable que les seins nus d’Amina ? 

La morale musulmane  réprouve l’exhibitionnisme en lieux publics, mêmes  privés, elle interdit  aussi  le suicide. Devrions condamner aussi Bouazizi d’avoir mis en scène son suicide en s’immolant publiquement. Il a  commis un acte interdit en Islam,  il l’a rendu en plus public : double faute.

Ce suicide  fut  un acte  politique, une protestation,  Bouazizi n’en mesurait pas la portée historique, mais c’est  Haram ! Les morts sont toujours  plus pardonnables. Amina savait  parfaitement la portée judiciaire, les risques physiques de lynchage, d’exécution.  Elle l’a fait. Elle y est allée seule,  très seule,  défier Ansar Al Charia  à Kairouan, là où ils voulaient initier la Reconquista islamisatrice des Koffars que nous sommes  en  narguant  la République.

 Les insultes à l’endroit de Amina  fusèrent  sur la toile, de la part de ceux   qui se considèrent « progressistes » avec à la clé plus de femmes que d’hommes qui jetèrent Amina aux gémonies. A quelque chose près : aucun (e)  n’osa la qualifier de lâche, il faut avoir des seins de fer  pour aller à Kairouan défier 40 000  mâles dominants-dominés par la testostérone et, l’annoncer d’avance.  Les autorités l’ont arrêtée, incarcérée,    comme chef d’inculpation : profanation de cimetière,  elle  projetait de se dénuder. C’est ce qui s’appelle un procès d’intention, le comble du déni de justice.  Passons sur les profanations des mausolées des Saints et de celui de Bourguiba.   Enfermer Amina, pourquoi ? La justification de la  garde à vue est d’éviter que des preuves s’estompent,   de mettre l’inculpé ou ses accusateurs à l’abri des représailles, de  protéger la société du danger potentiel de l’accusé. Quel danger représente Amina ?

Est-elle plus dangereuse que celui qui a appelé au meurtre  et qui n’a pas inquiété  même,  après l’assassinat de Naght et Belaid.

Est-elle plus dangereuse que celui qui appela ses ouailles de revenir de Syrie pour le Jihad en Tunisie ? Celui-là même qui s’échappa par une porte « derrière » la mosquée encerclée par la police de Laârayeth, qui l’attendait « devant ».

Est-elle plus dangereuse que celui qui est venu à la télévision faire l’article sur  Al Qaida et le bonheur de vivre en Afghanistan et en Somalie, lors que nos soldats estropiés étaient  à l’hôpital par la faute de ces frères  terroristes.

Est-elle plus dangereuse que celui  qui faisait l’apologie de la polygamie, de l’excision et de la pédophilie ?
Amina, n’est ni, une perverse sexuelle, ni une exhibitionniste ni une icône féministe censée représenter toutes les femmes tunisiennes, elle ne l’a jamais proclamée. Aussi pour ses défenseurs qui usèrent de l’argument de sa fragilité psychologique pour lui chercher des circonstances atténuantes, elle n’est ni, folle ni, sous influence ni,  payée par des forces occultes comploteuses pour semer la zizanie.  J’ai lu sur un site insoupçonnable d’islamisme que le Qatar finance les Femen ! J’ai lu ailleurs dans de vielles littératures antisémites que des juifs   payèrent des nazis pour montrer au monde entier qu’ils sont détestés. Soyons sérieux. Ne lui faites pas injure en la considérant comme folle, ce serait  la condamner injustement  deux fois. 

Elle est une fille tunisienne, élevée  dans  nos paradoxes, nos contradictions, dans   notre incapacité  de passer outre des siècles de domination masculine, des lustres  de tergiversations entre le sacré et,  le profane.  La période est trouble, nous devons garder raison. Que ce cauchemar cesse ! Amin…Amina…Amène toi Tahar El Haddad. Certaines de tes filles sont devenues folles, mais pas Amina.

Mohedine Bejaoui


   
 

Tags : Amina   Chaambi   islamistes