Comment a été pendu le tueur en série de Nabeul
«Lorsque nous avons ouvert la porte de sa cellule et nous nous sommes mis à trois sur lui pour lui mettre les mains derrière le dos et lui passer les menottes, Naceur Damergi, le tueur en série de Nabeul, était pris de surprise. Mais, rapidement, il a réalisé ce qui devait lui arriver, se souvient Am Hassen. En le soulevant, il avait les jambes qui flottaient et s’est mis à répéter sans cesse: Que Dieu me pardonne. Nous l’amenons au bureau du juge. Celui-ci était assis derrière son bureau accompagné de deux autres magistrats et d’un officier municipal d’Etat civil. Un imam et un médecin se tenaient prêts, tout comme le directeur de la prison, le directeur général des services pénitentiaires et une équipe dépêchée de l’hôpital pour recueillir la dépouille».
Le magistrat commence par demander au condamné à mort de décliner son identité puis lui rappelle la sentence prononcée à son encontre, suite à ses 13 assassinats reconnus, avant de lui demander ses dernières volontés. Et là, nous assistons à une scène hilarante. Damergi dira : «Je demande au Bon Dieu de me pardonner». Ce à quoi le magistrat répond, sur un ton pince-sans-rire: «Vous allez à sa rencontre, arrangez-vous directement avec Lui !». Abasourdi par la réplique, le condamné à mort me regarde et me dit : «Voulez-vous que je lui manque de respect?» Puis se reprend. Il demande à boire. D’une seule gorgée, il vide toute une grande carafe d’eau, puis se met à fumer une dernière cigarette.
Exécution!
Avec mes deux autres collègues, je le conduis vers l’échafaudage, lui met un bandeau sur les yeux et une cagoule sur la tête, avant de lui passer la corde autour du cou. Il est 3h15 du matin. Un grand silence enveloppe la cour de la prison. L’émotion est vive. De loin, j’entends les rugissements des lions en cage au zoo du Belvédère. Le signal est donné. J’actionne. La trappe s’ouvre.
«D’habitude, il faut compter 4 à 5 minutes pour que le pendu rende l’âme. Le médecin lui tâte le pouls. Dix minutes passent, le cœur bat encore. Le médecin me regarde comme pour demander s’il va falloir recommencer. A la treizième minute, il passe à trépas. Comme si le Bon Dieu lui a déjà fait subir, minute par minute, chacun de ses treize abominables crimes.
Je monte sur une échelle spéciale pour desserrer et retirer la corde qui lui était mise autour du cou, récupérer le cadavre sur mes épaules et le descendre. Je le mets sur un brancard et l’équipe de l’hôpital l’emmènera alors à la morgue. On me rapportera que lorsqu’il devait être inhumé au carré des étrangers (Jabbanet el Ghorba) au cimetière du Jellaz, il a tellement plu ce jour-là que la tombe creusée pour lui était inondée. Certains y ont vu signe du destin. Le Bon Dieu refusait de l’accueillir déjà sous terre. y ont vu certains.
La voiture de service me ramène chez moi. Je fais mes ablutions et mes prières du matin et m’endort. Vers 8h30, on frappe à la porte, ce qui est inhabituel à cette heure-ci. C’est une voisine qui vient nous annoncer, comme pour nous rassurer, la pendaison du tueur en série de Nabeul. Elle venait de l’apprendre à la radio, car un communiqué était toujours publié après chaque exécution. Elle savait que je travaillais aux services pénitentiaires, mais ignorait tout de ma fonction exacte. Comme tous les miens».
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