News - 01.05.2013

Pourquoi le modèle post-révolutionnaire est-il intenable?

Le débat bat son plein ces derniers jours sur la situation économique et la véracité des chiffres; un débat passionné qui oppose les institutions officielles telles que l’INS et d’autres qui vont jusqu’à remettre en cause non seulement la qualité de ces chiffres mais également leur possible manipulation.
Aucun ne s’est cependant interrogé sur le modèle économique qui prévaut dans notre pays depuis la révolution.

De notre point de vue, le débat sur les chiffres, aussi important soit-il, ne devrait pas occulter ou évacuer celui encore plus important sur la nature du modèle économique post-révolutionnaire, ses quelques réussites et ses limites de plus en plus marquées.

Au lendemain du 14 janvier, la priorité était de répondre aux revendications sociales à l’origine de la révolution d’une part et de faire redémarrer la machine économique d’autre part, en évitant, en particulier, l’effondrement du système bancaire et financier. Les autorités ont agi sur plusieurs fronts: l’emploi, le développement régional, la sécurité, l’appui aux petites et moyennes entreprises, les aides aux familles nécessiteuses, ainsi que le soutien financier aux familles tunisiennes de retour de Libye. Concrètement, dès le second trimestre de l’année 2011, il y a eu le lancement du programme Amal d’aide à l’embauche de 200 000 jeunes diplômés chômeurs (144 000 en ont effectivement bénéficié à la fin de 2011), une hausse des salaires (autour de 12% en moyenne annuelle entre 2010 et 2012, dans la fonction publique), des recrutements dans le secteur public (environ 35 000 emplois à la fin 2011) et le secteur privé (20 000 emplois), une relance de l’investissement public orienté essentiellement vers les régions défavorisées, une réduction du taux de réserves obligatoires à 2% et du taux d’intérêt directeur à plusieurs reprises (jusqu’à 3,5%).  Il s’agit d’une véritable politique de relance pour remettre l’économie sur la voie de la croissance et répondre immédiatement aux besoins sociaux de la population. Cette solution est une réponse classique de la politique économique à la récession et a été appliquée dans beaucoup de pays en crise. Le véritable défi de ces politiques de relance est d’assurer l’équilibre entre la consommation et l’investissement.

On a toutefois constaté que c’était plutôt la relance par la consommation qui avait pris le pas; l’investissement ne redémarrait pas malgré les incitations financières, principalement en raison des problèmes persistants d’absence de sécurité et des conflits sociaux, lesquels n’ont pas été résolus de manière efficace.

Quelle a été la conséquence de tout cela?

Force est de constater qu’il y a eu, malgré tout, une reprise de la croissance économique mais à un taux persistant autour de 3% par an. Cependant, cette croissance est restée fragile et faible pour répondre aux besoins de l’économie et notamment en matière de création d’emplois. Mais le plus important est que la primauté de la consommation a eu les effets néfastes que connaissent toutes ces politiques avec notamment un accroissement rapide de la demande, dans un contexte marqué par l’atonie de l’offre. En Tunisie, cette croissance s’est en effet accompagnée d’une aggravation de l’inflation à près de 6% et d’un creusement des déficits budgétaire (environ 6% en 2012) et courant (environ 7% en 2012).

Aujourd’hui, nous sommes clairement confrontés aux limites d’une politique de relance par la consommation. Le modèle économique post-révolutionnaire s’est essoufflé et est incapable de  hisser le pays sur un sentier de croissance plus élevé. Il est temps de se pencher sérieusement sur un autre modèle économique, construit sur une relance par l’investissement pour plus de richesses et de créations d’emplois; ceci, bien évidemment, restant tributaire d’une sécurité et d’une paix sociale à retrouver impérativement!

A.B.K
(Universitaire)