News - 28.04.2013

Il faut sauver Chiheb

Quand il avait débarqué à Montréal il y a quatre ans, muni, à 26 ans, de son diplôme d’ingénieur obtenu à  l’INSAT, Chiheb Esseghaier  n’avait d’autre ambition que de pousser ses recherches en biochimie et décrocher un Ph.D. Son rêve commence à se réaliser en rejoignant l’Université de Sherbrooke, avant d’être admis à l’Institut national de recherche scientifique (INRS).  Mais… pour se briser rapidement. Il vient d’être arrêté, suspecté de préparer, avec un autre ressortissant arabe, le déraillement d’un train de passagers Toronto-New York, à l’instigation  d’éléments d’Al-Qaïda. Il encourt  la prison à vie. Quel gâchis !

La détresse de pareils jeunes Tunisiens est tragique. Embrigadés et soumis à d’assidus lavages de cerveau, ils sont livrés en pâture sur des fronts embrasés. Ils croient servir une noble cause, alors qu’ils servent de chair à canon, réalisant, sans  s’en douter, les diaboliques stratagèmes de leurs commanditaires. En Tunisie, comme nous l’avons vu à Bir Ali Ben Khelifa, Rouhia, et sur la dorsale, mais aussi à l’étranger, à  In Amenas, en Algérie, au Mali, en Syrie, au Yémen, en Irak et ailleurs, endoctrinés, ils sont jetés à la mort. Par dizaines, centaines, milliers, parfois avec femmes et enfants, à l’épouvantable douleur des leurs. Peu instruits, chômeurs, dans un total désespoir, ou bardés de diplômes supérieurs, occupant des emplois convoités et socialement bien installés, ils succombent aux  mirages du jihad, se promettant le butin «Al Ghanima» et autres marguerites du «Jihad Ennikah», en prélude à l’éternel paradis.

Certains, bien chanceux, retrouvent la raison et échappent à leurs imposteurs. Ecouter leurs récits est édifiant quant à l’ampleur des manipulations et de l’horreur des bains de sang. D’autres, malheureusement, s’y enfoncent, privés de tout contact avec les leurs, laissés dans une immense souffrance. Traversant tout le pays et affectant toute une génération, ce drame endeuille la Tunisie post-révolution, la privant d’une bonne partie de sa sève, brisant ses espoirs dans cette jeunesse.

Comment arrêter  cette hémorragie ? Quels traitements d’ensemble, non seulement sécuritaires et consulaires, mais aussi socioéducatifs entreprendre d’urgence ? Comment protéger notre jeunesse des imams recruteurs et l’immuniser ? Si les politiques n’y arrivent pas, c’est à la société civile de prendre cette cause à bras-le-corps et de s’y investir. Aujourd’hui, c’est le voisin de quartier. Demain, le fils. Ils sont tous de potentiels Chiheb. Le devoir et le bon sens nous commandent ipso facto de les sauver d’eux-mêmes et de leurs mauvais génies enturbannés.

T.H.

Tags : Chiheb Esseghaier