News - 10.03.2013
Emna Mnif: la coexistence est possible
Entre rivalités acharnées, formation gouvernementale... la coexistence est possible. Malgré la détermination inébranlable de démocrates convaincus et dévoués dans la recherche, presque désespérée, de produire le «choc positif», le pays s’enfonce dans la léthargie, en présence du spectacle affligeant d’une Assemblée Nationale Constituante en décomposition et de l’épilogue du feuilleton fleuve des rivalités acharnées politico politiciennes. Epilogue annoncé et sans éclat d’une saga confuse, aux péripéties chaotiques, sur fond de manœuvres bien menées et de réactions improvisées…
Y’a-t-il un commentaire à faire sur la nouvelle formation gouvernementale ?
Le sens profond de cet "évènement" politique s'est dissipé dans l'incapacité du personnel politique démocratique à se transcender pour permettre le rassemblement des forces démocratiques, politiques et civiles, dans un bloc uni dans la gestion de la crise politique et sociale que traverse le pays et l'œuvre de Salut National pour la période de transition qui reste. Nul commentaire n'a d'utilité lorsqu'on s'est privé de la latitude à inverser le rapport de force en sa faveur.
Allons nous subir ?
Interrogeons nous, d'abord, sur les conditions de parachèvement de cette phase de transition. Il est incontestable que les rivalités politiques, de plus en plus acharnées, vont aller en s'exacerbant, alimentées de débats byzantins et de morosité généralisée. Pour autant, il nous revient de façonner notre Devenir, contre vents et marées.
Au commencement, le Pays se fragmente dans des affrontements idéologiques que le refuge identitaire et le besoin d'appartenance soumises à manipulations politiques, la désespérance et l'indigence de larges couches populaires, les immenses disparités socio-économiques et l'ampleur du chantier de reconstruction enferment dans un cloisonnement à géométrie variable.
A l'arrivée, la clé réside, selon toute vraisemblance, dans l'exploration des territoires, matériels et immatériels, pour débusquer les remèdes, faire triompher le dénominateur commun dans l'intersection de tous ces territoires étanches et rendre possible le Vivre Ensemble.
Partir de l'indissociable Commun en s'abreuvant aux sources du Patrimoine, présent et passé, dans ses dimensions les plus vastes, afin de créer la convergence d'intérêts, les richesses potentielles et les horizons possibles. Tel a été le sens de la démarche de Kolna Tounes à Testour tout au long des trois derniers mois.
Annoncer le chaos et dans le même instant éclairer la trajectoire
KolnaFen@Testour, évènement multidirectionnel, a exploré des axes de travail et de réflexion dans des domaines qui semblent parfois éloignés mais, pourtant, combien proches pour permettre le Vivre Ensemble.
Redonner un sens et des débouchés à des métiers, aujourd'hui plus que jamais porteurs de perspectives…
L'atelier de fabrication de tuiles devient réalité.
Re colorer la ville en peignant le décor - trottoirs, boutiques et mosquées - peinture blanche et bleue - auquel, Njah Mahdaoui venu pour le partage au moment de la finale, a donné le dernier coup de "stylo" et qu'il a souligné en rouge et noir, dans l'enthousiasme frénétique de petits artistes en herbe, pendant que le Fer des enseignes, comme des crémaillères à la devanture des boutiques, attirait le regard du flâneur et du client.
Saisir la parole inavouée, dans toute sa cruauté, sa spontanéité, sa vérité… Février 2013, un film anodin, voulu anodin, où des tunisiens racontent… une tranche de vie… une anthropologie de l'Ici et du Maintenant… Film achevé un jour de sacrifice, un 6 février. Vingt six minutes où les paroles hybridées des Testouriens prédisaient, plutôt ressemblaient à s'y méprendre, à quatre détonations à 8 heures du matin. Détonations qui ont tu une parole trop encombrante, 26 minutes qui redonnent la parole, 26 minutes qui annoncent le chaos et dans le même instant éclairent la trajectoire d'une lueur.
Se pencher sur les petits corps bien sages livrés au stéthoscope de métal froid et autres investigations médicales. Les médecins étaient là d'une école à l'autre contre grippes, angines, myopies… jusqu'au mal être et la solitude.
Réfléchir sur les diverses possibilités pour réaliser nos vies et nos villes. Un colloque… en même temps, au loin, les prieurs terminant de réciter le coran à la mosquée du milieu. Dimensions intellectuelles et spirituelles ne se confondent-elles pas dans l'Etre?
Mais aussi, dimension verticale avec les échassiers allant toujours plus haut, conduisant les "Vénus" joliment vêtues, dans la longueur de l'artère principale, précédés par les coups de "Bendir et Tabla", qui rythmaient l'afflux de sang dans les artères.
Pour déboucher sur la place carrée, en face de la Grande Mosquée, où pain de l'amitié et fromages au miel arrivaient jusqu'au rappeur la veille, à Zine Hadded le lendemain, psalmodiant la mélodie et donnant une âme et une cohérence à tous… directions, axes et carrefours.
L'âme et ses fenêtres s'exaltaient. Le regard des Testouriens sur leur ville envahie et embellie par des étrangers de passage, leurs yeux accrochés à leurs voisins qu'ils ne connaissaient finalement pas, dont ils ne soupçonnaient peut être même pas le sourire. Les jeunes salafistes, après avoir offert la "main de Fatma" pendentif à des "Rihanas" en argent, s'en sont… restés regarder, écouter, sourire en coin, certes "à la périphérie" mais surement pas "en dehors"…
Et les "yeux en verre" des appareils photos ont crépité pour l'éternité emprisonnant une expression éphémère et un mélange alternatif.
Rien n'est hasard ni fatalité, Tout est volonté.
Se donner les moyens de la coexistence et non de la cohabitation
Accomplir l'édification d'une Nation et d'un Etat implique de se donner les moyens de la coexistence et non de la cohabitation.
Nous avons à choisir. Soit la coexistence, dans la générosité et le partage, au prix d'une approche patiente et élaborée, auprès de chacun et de tous, et d'un effort de créativité et de solidarité. Soit la cohabitation dans la stratosphère de la Politique, traversée d'affrontements impitoyables (ou pitoyables!), livrée à des rivalités stériles, par manque d'Idées, de Visions et aussi de Stratégies et de Tactiques, dans lesquelles le Peuple est la Finalité et non pas l'outil indispensable pour accéder au Pouvoir.
Nous pouvons choisir la Coexistence. Nous pouvons choisir de produire du Sens et de donner du Sens. Nous devons partager la volonté et la patience de le faire. Car c'est possible…
Emna Menif
Militante politique
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