Opportunisme, quand tu nous tiens !
J’ai vu les mêmes Tunisiens qui juraient, avant le 14 janvier 2011, de «donner leur vie et leur sang au régime de Ben Ali», s’empresser, après la révolution, de rejoindre les rangs d’Ennahdha. J’ai vu des athées se métamorphoser en (faux) dévots. J’ai vu d’anciens marchands ambulants prononcer des fatwas sur les plateaux de télévision à coup de citations de Boukhari et Moslem. J’ai vu un résistant de la 25e heure donner des leçons de patriotisme à une opposante de toujours à Ben Ali. J’ai vu des chanteurs populaires se recycler dans les chants religieux. J’ai vu des corrompus avérés se parer des oripeaux de la vertu. J’ai vu aussi d’anciens détenus politiques sous Ben Ali se murer dans un silence coupable face aux agressions commises contre l'opposition.
Depuis deux ans, j’aurai tout vu, tout entendu au point de revenir de tout, de ne plus entretenir la moindre illusion sur les ressorts profonds de la nature humaine.
On ne doit donc pas s’étonner de voir tant de révolutions (une soixantaine sur les quatre vingts qui se sont produites depuis le début du siècle dernier) dévoyées, confisquées, sombrer dans la répression aveugle et la terreur sanguinaire. Partout, c'est le même hiatus entre les (bonnes) intentions proclamées et les actes, les mêmes résultats catastrophiques, les mêmes opportunistes aussi qui tirent les marrons du feu et les mêmes désillusions : à défaut d’avoir instauré le paradis communiste, la révolution bolchévique a donné Staline, Jdanov, Beria, les procès de Moscou et le goulag. Faute d’avoir instauré la société égalitaire et fraternelle, la Chine des «Cent fleurs», du «Grand bond en avant» et de la «révolution culturelle» a exécuté et interné des millions d’opposants dans les centres de rééducation. Comme Hitler, Pol Pot voulait créer un homme nouveau. Comme son inspirateur, il n'y a pas réussi, malgré les deux millions de Cambodgiens sacrifiés sur l'autel de son rêve fou, soit le quart de la population qui n'a dû son salut qu'à l'armée vietnamienne. Plus près de nous, la révolution iranienne a réussi à renverser le régime du chah malgré sa puissante armée et sa redoutable police politique, la Savak, pour instaurer en lieu et place une théocratie rétrograde, imposer le tchador et contraindre des millions d’Iraniens à l’exil.
La révolution tunisienne va-t-elle connaître à son tour le sort de ses devancières?. En tout cas, on n’en est pas loin. Car il y a loin des objectifs de cette révolution : «liberté, dignité, emploi», aux discussions interminables sur l’introduction de la charia dans la Constitution, à l’exploitation politique des mosquées, à la profanation des tombes des saints, à «l’importation» de prédicateurs intégristes, venus en «mainteneurs de la foi», comme si la Tunisie de Sahnoun, Ali Ben Ziad, Tahar Ben Achour et de la Zitouna en avait besoin.
Mais ce qu’il faut craindre par-dessus tout, c'est l’installation de la peur, le retour de l’omerta. Deux ans après la chute du régime, ce sont les vieux réflexes qui réapparaissent. On se réfugie dans des exutoires comme le sport ou les feuilletons turcs. On verse dans l'aquoibonisme. On renoue avec les flagorneries d'antan. Tel président de fédération dédie la victoire de l'équipe nationale...au chef du gouvernement, comme au bon vieux temps. Certains comportements comme le port de la burqa qui auraient choqué il y a un an, se banalisent au point de ne plus provoquer de réaction.
Pour autant, la cause n’est pas perdue. Dans cette grisaille, il y a quand même quelques éclaircies : ces empêcheurs de «wahabiser» en rond que sont les dizaines de milliers d’associations de la société civile, les femmes (parce qu'elles sont les plus menacées) qui sont plus que jamais décidées à ne pas s’en laisser conter, refusant, ainsi, de céder à la fatalité de l'échec. Mais, surtout, n'attendons pas de nos nouveaux gouvernants, un sursaut salvateur. Comme soeur Anne, on risque de ne rien voir venir.
H.B.
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Excellent français,structure et terminologie.j'ai utilisé le dictionnaire pas mal de fois. Mais aussi une vision et un diagnostic d'un patron. cependant,concernant notre révolution les porteurs de la bonne foi, de l'amour à ce pays doivent stimuler les choses vers le bon sens et l'optimisme.il faut nier notre appartenance politique et idéologique et prendre la meme distance de tous les acteurs et intervenants.par ailleurs, il faus diffuser dans ses conditions un discours objectif,rationnel et unificateur des solutions et des propositions constructives. Enfin,essayons de favoriser la raison:Aprés tout c'est notre destin qui est en jeux.
C'est bien de faire le proces des islamistes dont je suis un detraqueur mais encore faut il regarder ce qu'on a en face et les alternatives qui s'offrent, et le spectacle n'est guere rejouissant ... les partis qui se sont empresse'le lendemain du 23 octobre a se qualifier d'opposition (et qui n'ont pas su voir ce qui arriverait ou encore pire le voualient) et se disent democratique et progressiste ont fait le jeu de la bipolirisation au lieu de s'unir autour d'un projet reelement centriste tourne' vers l'avenir et les jeunes (qui a mon avis represente la majorite' des aspiration des tunisiens et est le vrai salut). A la place on se retrouve ds une configuration avec 2 forces majeures toutes deux tournées vers le passé: l'islamisme et ce qu'on essaye de nous vendre comme bourguibisme mais qui en realité n'est que la continuité du RCD. J'oublie bien sure le front populaire, mais encore une fois nous voila regardant vers le passé, on l'aurai su depuis longtemps si le communisme pouvait reussir,,,,
Bravo Si Behi pour cette analyse et meme si ce lecteur ci dessous ou d'autres doutent du volte face de beaucoup de tunisiens "profiteurs" qui exploitent la situation actuelle pour continuer a appliquer l'anarchie et l'injustice, c'est simplement du au fait que les nouveaux "gouvernants" ont laisser faire pour des objectifs électoralistes et espèrent ainsi s'installer définitivement après les prochaines élections dans le but d'installer en Tunisie d'autres valeurs, moeurs,pratiques ancestrales...qui sont a l'opposé de la nature du Tunisien, n'en déplaise à ceux qui critiquent les valeurs du Bourguibisme qui ont fait de ce Pays un Etat respecté de part le Monde.
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Excellent de verite et de realisme.Je reprocherais seulement l'indistinction entre les revolutions du debut du siecle passe et celles de sa fin.En moins d'un siecle,les peuples cultives et evolues ont appris a controler les revolutions pour qu'elles ne degenerent pas ( tous les pays de l'Est europeen et au-dela)et a mettre a la poubelle de l'histoire ,le plus democratiquement du monde ,opportunistes , demagogues et fascistes.Les Arabes n'ont pas encore parcouru la distance qui separe le debut du 20ieme siecle de sa fin malgre 6 decennies d'education et le developpement fabuleux des moyens de communication.Esperons encore que ce n'est pas une tare ethnique mais seulement culturelle.Mais je conviens que l'opportunisme de nous autres Tunisiens est indepassable et inimitabe.Nous sommes palme d'or mondiale
BRAVO pour ce constat réaliste de notre frange de société... Mais OUI on prend les même et on recommence ! La Tunisie a une force insoupçonnable : ce ne sont pas ses hommes politico - opportunistes qui sauveront ce pays mais ses femmes ! La femme tunisienne ne se laissera pas faire malgré des apparence et ne se résignera pas m^me en face de barbes fraîchement encollées.