Le remaniement ministériel, maintenant : Est-ce bien raisonnable ?
Le remaniement ministériel est devenu comme l’arlésienne tout le monde en parle mais personne ne la connaît. Pour rappel, ce remaniement a été annoncé dès le mois de juillet à la veille du ?c?ongrès du parti Ennahdha par son président Rached Ghannouchi dans un double but au moins marquer sa suprématie au sein de la Troïka et faire savoir qui commande vraiment dans le pays d’une part et d’autre part donner l’illusion d’impulser à la nation une nouvelle espérance qui tranche avec le sentiment d’inquiétude qui était train de gagner l’opinion publique , conséquence d’un échec patent de l’équipe gouvernementale. Dans l’absolu, un changement au sein d’un gouvernement, n’importe lequel, devrait, pour produire le choc espéré devrait être concocté dans le secret et annoncé sans que grand monde n’y soit informé.
En prenant le chemin inverse l’équipe au pouvoir semblait faire montre de novation et de transparence. Semblait seulement, car la suite allait montrer que cette annonce du remaniement était une solution d’attente ou bien un pis aller auquel il fait recours pour faire diversion et gagner du temps. En effet six mois après on en est encore à discuter de la méthodologie qui devait présider à sa mise en œuvre. Au départ, on s’attendait à ce que Ghannouchi lui-même propose rapidement les noms des ministres, mais sa prépondérance au sein d’Ennahdha ne lui donnait pas le même pouvoir sur les autres composantes de la majorité. Les instances de celle-ci étaient plus à même de procéder à ce travail. Mais à l’évidence, on ne parvenait pas à un accord sur la question. Entretemps, en effet des événements devaient ôter à ce remaniement toute priorité. De plus, le président de la République est entré en ligne et a pointé du doigt franchement et sans détours l’échec du gouvernement et a appelé à la mise en place d’ un gouvernement resserré formé de compétences avérées en dehors des quotas partisans.
Cette intrusion que les attributions du chef de l’Etat ne prévoyaient pas dans les textes sans qu’elle ne l’exclût du fait de sa prééminence comme conscience de la Nation a jeté un froid au sein de la Troïka et retardé en conséquence la concrétisation du changement gouvernemental annoncé. Mais pour ne pas se dédire, on finit par y revenir. Ennahdha convient de confier la tâche au chef du gouvernement, seule personnalité apte à évaluer l’action de ses collaborateurs. La Troïka finit par approuver la méthode sans donner pour autant un chèque en blanc à celui qui est, ne l’oublions pas, le secrétaire général d’Ennahdha.
A ce jour donc rien n’a été fait et les médias en mal d’informations restent sur leur faim et se contentent de faire des supputations et des suppositions alimentées souvent de fausses nouvelles. On nous dit actuellement que le remaniement sera annoncé au plus tard le 14 janvier, en marge du deuxième anniversaire de la victoire de la révolution. Mais à cette date que va valoir un remaniement quel qu’en soient les vedettes et les nouveautés. Rien ou presque. Ce sont plutôt l’agenda des échéances futures et les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir qui importent le plus.
Particulièrement la finalisation de la Constitution, la mise en place des instances des élections, de l’information et de la justice ainsi que la fixation des dates des élections et l’adoption du mode électoral. Tout le reste est de peu d’intérêt. Si les élections doivent avoir lieu en 2013, c’est à dire obligatoirement dans un délai compris entre neuf et 12 mois, le remaniement ne sera plus nécessaire. Il sera un luxe inutile surtout que l’on annonce outre le changement d’hommes et de femmes la réduction du nombre des départements par des fusions ou des réaménagements. On retombera alors sur la question complexe du partage des attributions qui mettra plusieurs mois avant d’être réglée.
Il est d’ailleurs d’envisager une stabilité de l’équipe par la mise en place de départements parfaitement visible sans devoir recourir plus souvent qu’il n’en faut à des restructurations toujours coûteuses ne serait-ce au niveau des déménagements et de la paperasserie. Sans que cela soit du domaine de la constitution comme il est le cas dans certains pays, il pourrait faire l’objet d’une loi dans laquelle on choisit une fois pour toutes les dénominations et les attributions des ministères. Cette loi pourrait être modifié le cas échéant si la nécessité se fasse sentir de créer ou de supprimer un ou plusieurs départements.
Je suis d’avis actuellement de se suffire d’un léger changement qui concernerait les ministres dont la présence constituerait autant de boulets pour l’action de l’équipe. Il suffira, d’autre part, de réduire l’équipe en faisant comprimer le nombre de secrétaires d’état et des conseillers ayant rang et avantages de ministres ou de secrétaires d’Etat, car comment justifier devant l’opinion publique que le conseiller de presse du Chef du gouvernement ou le chef de cabinet du président de l’Assemblée constituante aient la rémunération de secrétaire d’Etat. Des ministres qui n’auront, même pas un an de durée ne pourront être d’aucune efficacité. Ils n’auront pas le temps de comprendre la marche et encore moins les arcanes de leur département.
Parler en plus de saisir cette opportunité pour ouvrir le gouvernement à d’autres formations et partis politiques, c’est comme faire un coup d’épée dans l’eau. L’opinion publique suspectera une manipulation politicienne pour brouiller les cartes qui aura des effets négatifs sur la majorité actuelle, particulièrement lors des échéances électorales futures. Les partis ou personnalités politiques qui se fourvoieront dans cette action paieront cher leur volte face. La Troïka aussi. Le pays en entier, également. Cela ne donnera aucune visibilité à la carte politique. Le pays a besoin d’une majorité qui gouverne et d’une opposition qui s’oppose. Mêler l’une avec l’autre n’est point salutaire pour le pays.
C’est vrai qu’un remaniement en profondeur aurait eu de meilleurs effets mais le retard mis à sa mise en place, ainsi que les atermoiements qui ont accompagnés le processus de sa concrétisation lui ont enlevé toute actualité et l’ont rendu sans intérêt et parfaitement inutile. La politique est une question d’opportunité et de psychologie de l’évènement. Si l’une ou l’autre des conditions n’est pas remplie, l’intérêt de quelle action que ce soit perd tout intérêt.
L’alternative pour ne pas perdre la face devant l’opinion publique c’est soit de dépolitiser ce remaniement en nommant un gouvernement formé exclusivement de technocrates ou tout du moins de mettre les ministères de souveraineté en dehors des prétentions partisanes. Mais la Troïka voudrait-elle d’un remaniement de cette nature. L’autre possibilité c’est de procéder à la nomination d’un gouvernement d’Union nationale auquel feront partie toutes je dis bien toutes les composantes de la classe politique c'est-à-dire les partis représentés à l’Assemblée constituante comme les autres y compris donc Nidaa Tounes, El-Jabha Chaabia etc. Mais est-ce bien réaliste de demander la lune alors que les nuages s’amoncellent dans le ciel. Alors que certains partis refusent même de s’assoir avec d’autres autour d’un plateau de télévision, comment pourrait-on les amener à se mettre ensemble et à accepter de faire partie d’une même équipe supposée avoir un minimum de cohésion .
Ne vous dirais-je pas dès l’abord que ce remaniement est comme l’arlésienne tout le monde en parle mais personne ne le veut vraiment.
Raouf Ben Rejeb
Journaliste, ancien diplomate, ex- fonctionnaire inernational
- Ecrire un commentaire
- Commenter
Changement ministériel ou pas, rien ne change, le pays est foutue,il n'y a plus rien à faire.