News - 23.07.2009

Loi de Finances complémentaire : ce que vous devez savoir

Dans la sérénité, loin de toute pression et au bon moment à mi-parcours de l’exercice budgétaire, la Loi de finances complémentaire  vient d’être promulguée. Comment faudrait-il la lire au juste? Les hypothèses posées fin 2008 ont elle été confirmées ? Et quelles sont les corrections apportées et les nouvelles mesures de solidarité et de soutien mises en œuvre. Eclairage, avec en introduction pour les non-initiés, un bref rappel du triple rôle du budget de l’Etat et des fonctions d’une loi de finances complémentaire.

A travers le budget, l’Etat remplit un triple rôle: assurer le fonctionnement des services publics, réduire les inégalités de richesse et réguler la croissance économique. En exerçant cette dernière fonction de régulation, l’Etat stabilise et/ou régule la conjoncture économique en relançant l’activité dans les périodes de récession et en menant des politiques restrictives en période d’inflation. Il s’agit du principe de régulation conjoncturelle qui s’appuie sur le rôle des stabilisateurs automatiques c’est-à-dire des agrégats tels que les recettes fiscales et les dépenses publiques qui ont une action contra-cyclique automatique et permettent de stabiliser les fluctuations cycliques de l’activité économique.

L’action sur ces agrégats se fait à travers la loi des finances, dont le budget, qui constitue un document d’autorisation lors du vote et qui peut faire l’objet de modifications (à travers la loi des finances complémentaire) afin de réguler une distorsion économique conjoncturelle comme celle que connait le monde actuellement.

La loi des finances complémentaire a plusieurs fonctions :

  • Une fonction d’information pour le parlement puisqu’elle donne un point de l’évolution de la situation économique et financière depuis le vote de la loi des finances initiale et son impact sur les agents économiques et sur le budget de l’Etat.
  • Une fonction d’instrument de transparence étant donné qu’elle constitue un gage de clarté d’une gestion des finances publiques qui tient compte des réalités économiques et financières.
  • Un signe de bonne gestion étant donné que cette loi intervient pour réduire ou augmenter le déficit budgétaire constaté en cours de l’exécution de budget. Dans ce cas le gouvernement décide par exemple d’augmenter certains postes et d’en réduire d’autres, de reporter certaines projets et programmes.
  • Une fonction économique, la loi des finances complémentaire peut intervenir pour mettre en place un programme d’action qui vise à corriger un déséquilibre conjoncturel.

C’est dans cette optique que le gouvernement a soumis pour vote (intervenu le 30 juin 2009) le projet de loi de finances complémentaire pour l'année 2009. Un projet qui vise la révision et l’actualisation des estimations de la loi des finances initiale en vue de corriger les effets des externalités  générées par la crise économique et financière internationale et mettre en place par la même occasion les bases de la relance.

La loi des finances complémentaire : des hypothèses, … confirmées

Les ajustements opérés au niveau des différentes rubriques de dépenses et de recettes ont tenu compte de certaines hypothèses posées vers la fin de l’année 2008 et qui ont été constatées durant les premiers mois de l’année en cours, et confirmées dernièrement par le Fonds Monétaire International dans son rapport sur les perspectives de l’économie mondiale mis à jour le 08 juillet 2009. Ces hypothèses sont :

  • Le repli du taux de croissance mondial qui va s’établir selon le rapport du FMI à 1,5% en 2009 et à 4,7% en 2010 pour les pays émergents et en développement contre 6 % en 2008 et 8,3 % en 2007. Ce même rapport annonce que « la récession mondiale n’est pas terminée et les prévisions font encore état d’une reprise lente, car les systèmes financiers restent affaiblis, le soutien fourni par les pouvoirs publics va diminuer peu à peu et les ménages des pays qui ont subi l’effondrement des prix des actifs vont reconstituer leur épargne ».
  • La régression du volume des importations due à la baisse du volume du commerce mondial. En effet, selon le même rapport le volume du commerce mondial devrait connaître une régression de 12,2 % en 2009  et les importations des pays émergents et en développement accuserait un recul de -9,6 %, ce qui a un impact direct sur les recettes fiscales (en régime intérieur) d’un pays comme la Tunisie.
  • La baisse du cours moyen du baril du pétrole notamment au cours du quatrième trimestre de l’année 2008 qui a fait qu’on a revu les prévisions initiales de 90 dollars à 60 dollars le baril pour toute l’année 2009, et par conséquent revoir nos prévisions pour le restant de l’année 2009 sur un prix de 70 dollars le baril, cette hypothèse a été également confirmée dans le rapport de juillet 2009 qui enregistre un cours moyen du pétrole en 2008 de 97,03 dollars le baril avec hypothèse pour 2009 de 60,50 dollars le baril et pour 2010 à 74,50 dollars le baril (Moyenne simple des cours U.K. Brent, Dubaï et West Texas Intermediate)
  • La baisse de demande mondiale notamment des pays avancés, une baisse qui exerce un effet direct sur le chômage qui peut atteindre un taux de 10% dans ces pays et qui a un effet sur nos entreprises exportatrices qui peuvent constater une baisse du volume de leurs exportations.

Toutes ces hypothèses ont servi de base de révision et d’ajustement de la loi des finances initiale afin de «concrétiser l'ensemble des mesures ordonnées par le Chef de l'Etat aux fins de faire face aux effets pervers de la crise internationale et d'apporter l'appui nécessaire aux entreprises affectées par la crise, et ce, à travers la mobilisation d'enveloppes au profit des secteurs et entreprises selon leur degré d'exposition aux effets néfastes de la crise » comme l’a fait savoir M. Mohamed Rachid KECHICHE, ministre des Finances, en répondant aux interventions à la chambre des conseillers.
Les mesures ordonnées se sont concrétisés d’une part  à travers les réajustements sur les ressources et les dépenses du budget de l’Etat et d’autres parts à travers une batterie de dispositions d’ordre financier et fiscal.

La loi des finances complémentaire : les ressources et les dépenses

Selon les dispositions de la loi des finances complémentaire, le montant des recettes et des dépenses pour l’année 2009 est arrêté à hauteur de 17 393 Millions de dinars (MD) contre 17 206 MD prévus initialement, soit une augmentation de 187 MD qui représente 1,1%.
(En million de dinars)

Désignation

Loi des finances

Variation

Initiale

Complémentaire

Ressources

17 206

17 393

+ 187

       Recettes fiscales

11 263

10 516

- 747

       Recettes non fiscales

1 987

2 475

+ 488

       Ressources d’emprunt

3 956

4 402

+ 446

Dépenses

17 206

17 393

+ 187

        Dépenses de gestion et de développement (*)

11 801

11 428

- 373

       Dépenses de compensation

1 650

1 430

- 220

       Programme d’appui et de soutien

-

730

+ 730

       Service de la dette

3 755

3 805

+ 50


(*) Y compris les prêts extérieurs rétrocédés

Nonobstant les ressources d’emprunt, l’on s’attend durant l’année 2009 à ce qu’on enregistre une baisse nette des ressources propres (c'est-à-dire recettes fiscales et non fiscales) de 259 MD en raison de la baisse des ressources fiscales de 747 MD contre une augmentation des recettes non fiscales de 488 MD.

La baisse des ressources fiscales (en régime intérieur) sont dues à la baisse du rendement de la fiscalité pétrolière, aux effets des mesures fiscales exceptionnelles données aux entreprises affectées directement par la crise. Quant à la baisse de la fiscalité reliée à l’importation, celle-ci est due à la baisse du volume des importations de certains produits.

Au niveau des dépenses, la révision s’est opérée globalement à la hausse de 187 MD par rapport à la loi des finances initiale et ceci afin d’adopter un programme d'appui à l'économie nationale et aux entreprises en difficulté pour un montant de 730 MD et l'accroissement du service de la dette de 50 MD contre une baisse de 373 MD pour les dépenses de gestion et de développement et 220 millions de dinars pour les dépenses de compensation.

L’ensemble de ces ajustements ont fait que le déficit du budget, compte non tenu de la privatisation et des dons, serait de l’ordre de 3,8% contre 3% prévus par la loi de finances initiale, ce qui dénote les efforts déployés au sein de notre appareil gouvernemental pour gérer au mieux les deniers publics, lesquels efforts ont permis à l'économie nationale de disposer d'une marge de manœuvre à de pareils temps de crise.

La loi des finances complémentaire : les mesures

Les ajustements opérés sont destinés à accélérer le rythme de réalisation des projets, propulser le développement régional, stimuler la création d’emplois, à accroître les exportations et à renforcer les fonds propres des entreprises publiques et privées. Ces mesures anti crise viennent accroître le rythme de l'investissement public dans l'infrastructure de base et dans la formation.

La loi des finances complémentaire comporte également des mesures qui visent à soutenir les entreprises en difficulté, à préserver les postes d'emploi et à adopter des mesures fiscales exceptionnelles en leur faveur. Un programme a été arrêté en vue de renforcer et d'impulser le développement régional, l'emploi, l'exportation et les ressources propres des entreprises économiques et privées, dont :

  • Celle qui a pour but d’améliorer les liquidités des entreprises qui enregistrent une baisse équivalente ou supérieure à 15% de leurs chiffres d'affaires en raison de la crise économique en leur permettant de déposer les déclarations relatives aux acomptes provisionnels sans les payer et en leurs facilitant les procédures de la ristourne des trop-perçus de TVA.
  • On trouve aussi celle qui vise à accélérer le rythme d’exécution des projets d’ouvrages publics en cours qui ont une vocation économique et à booster le développement régional à travers l’inscription de nouveaux projets tels que des projets de construction de barrages, des projets de voiries et réseaux divers, le projet d’électrification de la banlieue sud de la capitale, …
  • Celle qui ambitionne de soutenir l’emploi à travers le renforcement les différents mécanismes en place tels que les stages d’initiation à la vie professionnelle, la prise en charge des contributions sociales dans le cadre des mesures conjoncturelles de soutien aux entreprises économiques en difficultés, l’aide à la création d’entreprises dans les secteurs de l’artisanat et des petits métiers et l’exécution d’un programme exceptionnel de recrutement des titulaires des diplômes du supérieur.
  • La consécration d’une enveloppe pour le soutien des exportations et le renforcement des capacités des entreprises économiques à intégrer les marchés extérieurs, et à garantir les exportations à travers plusieurs mécanismes dont l’appui aux capacités d’intervention de la société de garantie des exportations.- La consécration d’une enveloppe pour le soutien des investissements dans le secteur de l’énergie et de l’électricité compte tenu de l’importance des programmes adoptés dans ce secteur par les entreprises tels que l’entreprise tunisienne des activités pétrolières ou la société tunisienne de l’électricité et du gaz.

Si la loi des finances initiale est un acte prévisionnel, l’utilité de la loi des finances complémentaire est de corriger en cours d’année les prévisions initiales pour les adapter aux nécessités de la conjoncture. La loi des finances complémentaire 2009 inclut l’essentiel qui est de soutenir les entreprises touchées par la crise et  de corriger les prévisions afin de préparer la relance. Cette loi a le mérite d'être destinée à mettre en œuvre des mesures de solidarité et de soutien aux activités. Elle a, également, le mérite d'arriver à point nommé (mi  2009) après avoir constaté et vérifier les hypothèses, ce qui dénote une clairvoyance au niveau gouvernemental. Ceci dit, une loi de finances complémentaire votée dans la précipitation peut cacher des incohérences qu’il y a lieu de corriger à nouveau.