News - 01.12.2008

La crise ne tue pas l'humour

Enseignement utile pour les jeunes leaders : l’humour ne peut s’éteindre quel que que soit l’ampleur et la gravité des sujets débattus. Conduisant les débats du Symposium de la Banque Centrale de Tunisie, au terme de la séance solennelle du discours présidentiel d’ouverture, le Gouverneur Taoufik Baccar a su mettre le sourire sur les visages. Pour discuter de la crise financière et de se enjeux pour la région, des déficits des bourses et des entraves qui se posent encore à l’intégration économique et monétaire maghrébine, le sens de l’humain, la chaleur de la proximité et la finesse des répliques ont été d’un grand apport. Morceaux choisis.

Le sens de l’humain

Christian de Boissieu, éminent économiste et président du Conseil d'analyse économique (CAE), entretient avec la Tunisie des liens profonds tissés depuis plus de 25 ans. Jeune chercheur, il avait entamé sa première mission en… Tunisie et ses premiers contacts à la Banque Centrale et au Ministère du Plan. L’invitation au 50ème anniversaire de la BCT le libère de tous ses engagements préalables et lui fait énormément plaisir. Quoi de plus normal que de consacrer à ce symposium la quintessence de ses analyses sur la crise financière dont il a été, le 12 août 2008, l’un des premiers dans le monde à la signaler et à en saisir toute la gravité.

La chaleur de la proximité

Omar Kabbaj, ancien président de la BAD, se sent toujours chez lui à Tunis. Pour venir au Symposium, il a l’impression de se contenter de traverser la rue entre le siège de son ex-banque et celui de la BCT.

Idem pour Dacoury Tabley, Gouverneur de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Il ne manque pas, d’ailleurs, de le rappeler, au début de son introduction : « j’ai passé, de par mes anciennes fonctions à la BAD, quatre merveilleuses années dans ce pays et j’ai pu apprécier la qualité de son système financier.

Charles Milhaud, aussi, en tant que président du Conseil d’Administration de la Banque Tuniso-Koweitienne, a été très sensible à l’invitation du Gouverneur de la Banque Centrale. Il se sent lui aussi comme un habitué des lieux. Il y avait signé, fin avril dernier, le premier protocole d’accord sur les transferts des migrants,  ce qui a donné naissance au consortium des banques euro-méditerranéennes. Le Président Milhaud croit beaucoup en cette composante financière essentielle pour la construction de l’Union pour la Méditerranée.

L’Humour contre la langue de bois

Le Gouverneur Baccar s’en excuse auprès de l’auditoire et des intervenants : « puis-je me permettre de faire devancer l’intervention de notre cher Abdellatif Jaouhari, Gouverneur de la Banque Centrale du Maroc, obligé de nous quitter tôt pour prendre son avion. Et profitons-en pour lui présenter nos meilleurs vœux : il part à la Mecque, en pèlerinage ! »

Le grand argentier marocain (voir photo) s’avance doucement du pupitre et préfère parler en darija originale, y mettant tout le ton raffiné qu’on lui connaît, l’accent en plus. A la surprise des guindés, il fait un bilan plutôt accablant des années d’hésitations qui plombent encore la construction de l’union monétaire maghrébine. Un franc-parler décapant qui interpelle tout-un chacun. Sa recommandation : n’attendons pas, commençons même à deux ou à trois, en gardant la porte ouverte. Sa décision : il ne me reste plus qu’à aller à la Mecque prier de tous mes vœux pour que ce grand Maghreb se réalise ! » La phrase qui fait mouche.

« Il n’y sera pas seul, dira le Gouverneur Baccar. Nous prierons tous avec lui et pour lui. »

Couscous contre riz

Lorsqu’il s’apprête à prendre la parole, le Gouverneur de la Banque Centrale d’Egypte, Farouk El Okda est aimablement prévenu : « les choses sont claires, si vous voulez rejoindre l’union monétaire maghrébine, vous devez abandonnez le riz et vous mettre au couscous. » Avec tout l’humour égyptien irrésistible, il a la réplique toute prête : « mais c’est déjà fait ! La semaine prochaine, je dois rencontrer notre collègue libyen d’ailleurs ici présent, et il m’a invité à Syrte. Mais, comme vous le savez bien, Syrte, aux confins du Sahara et mitoyenne de l’Egypte, est à la fois au couscous et au riz, à parité. Je vais donc proposer à notre cher collègue et ami et décréter ensemble Syrte une zone couscous, s'étendant jusqu’à Alexandrie. Et dans ces conditions, nous serons éligibles à … l’Union des pays d’Afrique du Nord. »