Opinions - 26.07.2011

Trois conditions premières de succès de la transition démocratique

Commémorer l’anniversaire de la naissance de la République est une occasion privilégiée de nous interroger sur l’avenir de notre pays et sur les conditions de succès de la transition démocratique et du rééquilibrage du développement économique.

De toute évidence, trois conditions premières, seront à la base du succès de notre transition démocratique et de l’avenir de notre pays.

1-La première condition est relative à la transformation radicale du fonctionnement de nos Institutions Politiques dont le point de départ sera l’adoption d’une nouvelle Constitution qui pallie les défauts de la défunte constitution qui a fait l’objet de nombreuses néfastes modifications. La nouvelle Constitution se doit de garantir l’effective application des libertés fondamentales,  du respect des droits des citoyens et de la préservation absolue des acquis tunisiens en matière des droits de la femme. Elle doit également rendre effective et efficace le contrôle de l’activité de l’Exécutif – Président de la République et Gouvernement- par le Parlement notamment par le biais des commissions d’enquête et d’évaluation et par une indépendance effective et totale de la Cour des Comptes et de la Cour de discipline budgétaire. Le Parlement doit être habilité et doté des moyens lui permettant de procéder périodiquement à l’évaluation de l’application des lois et des décrets promulgués. La Constitution devra surtout prévoir explicitement les règles de constitution et de fonctionnement des partis politiques afin de prévenir le risque grave de voir un parti devenant majoritaire refuser de respecter le vrai pluralisme et la vrai démocratie ou remettre en cause le statut de la femme.

2- La stabilité et la paix intérieure de notre pays est une deuxième condition fondamentale pour le succès. Après plus de vingt ans de régime quasi dictatorial avec des dérives mafieuses impensables ; le rétablissement de toutes les libertés publiques fondamentales indispensables à un véritable Etat de droit ,mais sans le rétablissement de la confiance en soi et en l’autre, sans un enracinement profond et sans une généralisation systématique d’une authentique culture démocratique fondée sur le respect de l’Autre et enfin sans l’abolition de toute forme d’exclusion, peut conduire à la multiplication des tensions ,des désordres et des débordements à répétition qui nuisent à l’image de la Tunisie et bloque son indispensable relance pour un développement économique et social plus équilibré et plus accéléré. Le rétablissement de la confiance passe par des actions énergiques urgentes de soutiens matériel et moral à la hauteur des sacrifices des martyrs de la révolution  et à la hauteur de ceux qui ont souffert des dérives de l’ancien régime, ainsi que par la généralisation du dialogue serein et calme sur les questions vitales pour l’avenir du pays.

Nous Citoyens tunisiens devront faire l’effort pour trouver en nous-mêmes les règles vertueuses du bon vivre ensemble en jouissant des libertés nouvelles que la révolution nous a apportées et découvrir que nos droits comportent leur équivalent en devoirs. Bien entendu l’accélération des Réforme radicales des Forces de l’Ordre et les garanties effectives apportées au système judiciaire lui-même réformé et doté des moyens adéquats  ainsi que l’application sereine de la loi  mais dans toute sa rigueur à l’encontre de tous ceux dont la participation effective aux malversations et aux crimes est prouvée constituent des facteurs essentiels du rétablissement de la confiance dans notre pays. A ce stade il est impératif de saluer le rôle  salutaire de notre armée aussi bien dans le changement du régime que dans la sauvegarde de la sécurité de notre pays et de ses frontières.

3- La troisième condition de succès de notre transition économique réside dans la relance du développement économique et social de notre pays sur de nouvelles bases. Il est admis par tous qu’un taux de croissance minimum de7 pour cent est indispensable pour créer suffisamment d’emplois et absorber le plus grand nombre de jeunes diplômés qui attendent depuis des années et ceux qui arrivent chaque année sur le marché du travail. Il est indispensable que les entrepreneurs tunisiens reprennent  une confiance totale dans la viabilité des stratégies définies pour la relance et pour la garantie et la protection des investissements de toute forme de prédation. Le taux de nos investissements publics et privés doit se développer pour tendre annuellement vers 35 pour cent de notre PIB.

Mais il ne s’agit pas de n’importe quel investissement. Le bon choix des nouveaux investissements est vital….Il ne faut plus renouveler les erreurs du passé…Bien choisir les investissements en infrastructures pour désenclaver les régions défavorisées est une priorité et une évidence. Le choix des investissements directement productifs notamment dans le domaine agricole , industriel et des services pose plus de problèmes et exige des compétences techniques et de management qui ne sont pas toujours disponibles si on veut sortir de la simple sous-traitance pour aller notamment vers une industrie à forte valeur ajoutée  à laquelle j’avais appelé de tous mes vœux depuis les années soixante dix du vingtième siècle quand on m’a placé à la tète du Ministère de l’industrie. Une vérité première est à rappeler toute croissance n’est pas porteuse de création d’emplois correspondant à nos besoins. Le bon choix des investissements et une allocation judicieuse de nos maigres ressources devient une question vitale. La restructuration de notre secteur bancaire est une autre priorité et la recapitalisation de certaines banques me parait urgente.

Il faut partir d’un diagnostic approfondi et sans complaisance de notre tissu économique dans tous les secteurs, situation financière  réelle des entreprises, taille, technologie utilisée, qualité et compétitivité de la production, encadrement, qualité des dirigeants, composition des conseils d’administration….Il faut mettre ce diagnostic à la disposition de tous les partis politiques qui souhaitent présenter un programme économique crédible et faisable dans le cadre de la crise que vit le monde. Enfin il faut renégocier notre accord de libre échange avec l’Union européenne pour lui assurer un meilleur équilibre et tisser des liens économiques et financiers bilatéraux avec les pays maghrébins et arabes qui soient au niveau de ce que nous souhaitons faire aboutir au niveau multilatéral  qui reste actuellement et pour des années encore malheureusement bloqué.

Préfigurons au niveau bilatéral ce que nous voulons faire au niveau multilatéral; cela des années que j’appelle à cette évidence.
                                                                              

Rachid Sfar,
Ancien premier Ministre

Lire aussi : Comment assurer le succès de la transition démocratique

 

Vous aimez cet article ? partagez-le avec vos amis ! Abonnez-vous
commenter cet article
8 Commentaires
Les Commentaires
patriote - 26-07-2011 12:31

Saluons notre grand commis de l'état et ancien premier ministre de Bourguiba après un si long silence.Trois points de réflexion de la part d'un expert de la politique et l'économie de notre pays, sont à prendre en considération par tout ceux qui réfléchissent sérieusement sur le comment réussir ,oh combien importante et combien difficile,de cette phase de transition démocratique . En tout cas il faut procéder dès maintenant si cela n'est déjà fait,à des audits sur tous les domaines comme le suggère bien Mr Rachid Sfar ; il faut un état des lieux détaillé , pour pouvoir offrir à l'équipe dirigente qui sera élue une base de travail valable et éviter la perte pure de temps,car on a perdu assez de temps jusque là et le citoyen commence à s'impatienter et ne perçoit toujours pas une retombée positive de cette révolution, sur sa vie de tous les jours.

mokaddem - 26-07-2011 13:36

4 EME CONDITION LA LAÏCITÉ !!!

Mohieddine Khelil - 26-07-2011 15:15

les idées de monsieur le premier ministre Rachid Sfar sont des verités scientifiques que je ne critique pas;au contraire ça me delecte et c'est avec plaisir que je relis les anciens discours de Monsieur Sfar qui fut probablement le meilleur ambassadeur de Tunisie à Bruxelles donc c'est une personnalité de premier plan cependant je critique l'ex-Haut contrôleur des finances qu'il a été du temps de ben ali!! comment se fait il qu'un expert comme monsieur Sfar ne s'est pas rendu compte des agissements de ben Ali et consorts!! alors qu'à cette époque j'etais inspecteur des ambassades et j'avais fais plusieurs rapports relatant 1000 mauvais agissements des ambassadeurs helas un inspecteur general m'a ecarté de mes fonctions "pour cette raison" et je n'avais pas eu le soutien des responsables de l'epoque par contre j'ai eu l'entier appui de monsieur Ahmed ATTIA haut commissaire du Gouvernement à la Cour des Comptes ( c'était un grand monsieur Ahmed Attia!) je ne sais plus ce qu'il est devenu mais c'etait un homme honnete probablement le seul;pour revenir aux conditions de la transition democratique j'ajoute deux toutes petites conditions à celles de monsieur le premier ministre: 1/ ecarter les VIEUX 2/ ecarter les RCDistes connus ( environ1500 sur les 1500000 qu'ils etaient et bonne chance:khelil mohieddine:ecrivain debutant

Bibi - 27-07-2011 08:47

J’approuve vos opinions et vos conseils à la lettre dont j‘ai beaucoup apprécié le contenu qui démontre l‘excellente analyse approfondie d’une situation..., j’espère que le futur conseil constitutionnel prendra en considération de toutes ces opinions qui sont très importantes pour la réussite d‘un futur gouvernement; Aussi je souhaite suggérer par le biais de votre article à la future nouvelle constitution l’élaboration d’un article qui interdira, limitera ou conditionnera les dirigeants du gouvernement, les hauts responsables et responsables de partis politiques ainsi qu’à leurs proches aux acquisitions des biens publics et quel qu'il soit d’une façon directe ou indirecte.

abdellatif fardi - 27-07-2011 09:33

tout d'abord nous saluons Mr rachid sfar le grand expert economique et politique; bien sure le succes de la transition democratique necessite en premier pas la transparence et la bonne volonte de toutes les partis et pas les dicisions prisent en coulisses: voyons les choses claires maintenant, les partis politiques chacun veut prendre sa part de cadeau, pas d'encadrement et conscience de l'importance des associations civiles,,,,,,,il y faut changer la mentalite et pas facile de l'y avoir, il faut du temps

lassoued bechir - 28-07-2011 08:15

excellente analyse de la situation bienqu'elle comporte beaucoup de généralités. Ni les rcdistes ni les proches de ben Ali ne peuvent faire peur, dand une Tunisie nouvelle, avec les institutions adéquates, en cours d'élaboration. La séparation des pouvoirs et leurs contrôles respectifs les uns par les autres, peuvent sécuriser notre avenir. Le contre pouvoir est important dans une véritable démocratie, donc ne le négligeons pas. Mais tout celà ne doit aucunement empêcher un pouvoir exécutif fort et efficace, capable d'assurer la sécuité absolue des citoyens. C'est la condition sine qua non de tout progrés économique ou social . Cette condition nous donne confiance en nous mêmes à tel point que l'on sera capable, à linstar de De Gaulle vis à vis des "vychistes" de n'exclure personne, car la Tunisie a besoin de tous ses enfants, y compris "les rcdistes", qui seront obligés par la force des choses, de s'adapter au nouveau moule démocratique.

Khelil Mohieddine - 29-07-2011 16:34

@Mokaddem: oui pour un gouvernement laïc et moderne,NON pour un Gouvernement ATHEE car 99% des tunisiens sont MUSULMANS!! donc il faut respecter cette majorité en signalant dans la nouvelle Constitution que la Tunisie est bien un pays Musulman mais que pour sauvegarder les interets des minorités on choisirait un gouvernement laïc c'est à dire neutre ( pour la periode de son mandat politique);une fois les membres de ce gouvernement partent ils pourraient bien entendu revenir à la Mosquée,d'autre part il serait judicieux de confier des fonctions sociales aux Mosquées pour assister les pauvres à l'instar des autres religions.on ne peut pas exclure les Musulmans de la politique et des oeuvres de charité,il faut etre gentil!!

farid makni - 29-07-2011 19:58

Les conditions d'une véritable transition sont à mon avis: 1/ Convaincre tous les courants politiques que c'est la démocratie qu'il faut établir pour les générations à venir. 2/La révolution est un questionnement pour nous tunisien-es .voulons nous admettre que nous vivons à l ère des sociétés ouvertes;ou voulons nous au nom de la démocratie s'enfermer autour d'une identité quelconque... 3/Acceptons nous d'édifier une société qui fait place au mérite;au progrès social et économique par le travail et la discipline et l'équité fiscale de telle façon qu'on créera une citoyenneté nouvelle sans laquelle une nouvelle constitution n'est qu'un remède pour les aveugles.......Ce qui dit Si Rachid est vrai mais reste une analyse sécuritaire et à mon avis tout à un prix ;il nous faut abattre les clivages politiques avec plus de communication;il faut des sacrifices de part et d'autres ;et surtout il faut se battre contre tous les lobbys y compris des syndicats ,des professeurs du secondaire et des instituteurs et des hommes d'affaires ; abattre les clans et donner beaucoup plus à la liberté d'expression.

X

Fly-out sidebar

This is an optional, fully widgetized sidebar. Show your latest posts, comments, etc. As is the rest of the menu, the sidebar too is fully color customizable.