News - 03.09.2024

Ridha Bergaoui: Le pistachier, un arbre fruitier qui a du succès et de l’avenir

Ridha Bergaoui: Le pistachier, un arbre fruitier qui a du succès et de l’avenir

Originaire du Moyen-Orient, le pistachier (Pistaciavera L.) fut introduit dans le bassin méditerranéen par les Romains. Il est cultivé en Tunisie depuis longue date. Sa culture est restée toutefois très secondaire et marginale. Il connaît ces dernières années un grand intérêt et des efforts sont déployés pour développer cette spéculation.

La pistache, un concentré de saveurs

La pistache est un fruit sec raffiné et savoureux, très recherché aussi bien pour la consommation directe que pour la pâtisserie-confiserie-cuisine ou pour des usages cosmétiques et médicinales de son huile.

Cette merveilleuse graine couleur vert clair éclatant (qui a donné son nom à la couleur vert pistache) est un fruit très délicieux et agréable en bouche. Elle est également très nutritive. Elle renferme environ 55% de matière grasse riche en acides gras insaturés, environ 20% de protéines (autant que la viande) riches en acides aminés essentiels et 15% de glucides. Elle est riche en minéraux (comme le magnésium, le potassium, le cuivre, le fer et le phosphore), en vitamines (B, E) et en antioxydants qui aident à prévenir les maladies cardiovasculaires. La pistache peut être utilisée de différentes façons. On trouve tout d’abord la pistache de bouche, pour les apéritifs, où la graine est consommée nature, grillée ou salée. En raison de sa forte valeur nutritive, la pistache est un parfait complément pour les sportifs et les végétariens. On a également de la pistache décortiquée destinées à la pâtisserie artisanale ou industrielle. Son utilisation dans la confiserie est très fréquente (dragées, crèmes glacées, glaces et sorbets…). Certains chefs cuisiniers utilisent les pistaches en cuisine pour la confection de sauces, certains plats spéciaux ou pour la décoration des plats. Chez nous, on utilise les pistaches souvent pour la confection des gâteaux traditionnels raffinés comme les baklaoua, kaak, boules de pistache, mlabes, samsa, homes, gharayba et autres. Elles sont employées seules ou accompagnées d’autres fruits secs comme les pignons de pin.

Le pistachier, un arbre rustique et peu exigeant

Le pistachier est un arbre rustique, sa résistance à la sécheresse est exceptionnelle. Il peut se contenter d’une pluviométrie très réduite (autour de 200 mm).C’est probablement l’arbre le moins exigeant en eau parmi la plupart des arbres à noyaux ou à pépins. Son système racinaire, avec une racine principale pivotante très développée, est très puissant et peut aller jusqu’à 8 m de profondeur à la recherche de l’eau. Ces racines sont capables de traverser les diverses croûtes imperméables du sol. Le pistachier supporte les sécheresses prolongées mais répond bien à des irrigations de complément aussi bien en phase de développement qu’en période de production. Il déteste néanmoins un excès d’eau qui peut provoquer le pourrissement de ses racines. Sa résistance à la sécheresse en fait un excellent arbre des régions à faibles pluviométrie. Il aime le soleil et de fortes chaleurs sont nécessaires pour la maturation des fruits. Le pistachier a également besoin de froid en hiver pour redémarrer au printemps et donner des fleurs et des fruits.Le pistachier n’est pas très exigeant et pousse dans n’importe quel type de sol. Il supporte bien les sols salés et l’irrigation à l’eau salée (jusqu’à 4 g/litre). Sa culture est relativement simple et nécessite très peu d’interventions et d’intrants. Sur le plan environnemental, le pistachier permet de valoriser des régions semi-désertiques et désertiques où très peu d’espèces arboricoles arrivent à pousser. Avec son puissant système racinaire, le pistachier retient le sol et limite l’érosion hydrique et éolienne.

Autres particularités du pistachier

Le pistachier entre tard en production, au moins à 5 ans et même beaucoup plus tard (jusqu’à 15 ans pour certaines variétés et en cas de manque de précipitations). Il a une bonne longévité (arbre facilement centenaire).La maturité est atteinte aux alentours de 25 ans, ces arbres peuvent produire jusqu'à 1 à 1,5 tonne de pistaches.
C’est une espèce dioïque, avec des arbres mâles et d’autres femelles. La pollinisation se fait plutôt par le vent (pollinisation anémophile) que par les insectes pollinisateurs. La production dépend en grande partie de la qualité de la pollinisation. Pour cette raison, il faut planter des arbres femelles et des arbres mâles (à raison d’environ 1 mâle pour 8 femelles) éparpillés dans le champ ou toute une rangée exposée aux vents dominants. Il est possible également de recourir à la pollinisation artificielle complémentaire si nécessaire. Il est important de choisir des variétés mâles et femelles à floraisons synchrones.
Le pistachier connaît une alternance, comme l’olivier, avec une bonne récolte un an sur deux. Cette particularité est due à la chute des bourgeons floraux en année de forte production.
Les fruits se présentent sous forme d’une grappe de 15 à 30 pistaches. Il est recommandé de choisir des variétés déhiscentes dont les fruits s’ouvrent à maturité et sont faciles à décortiquer. La graine se remplit à l’intérieur et à maturité oblige les deux parties de la coque à s’ouvrir.
Certains insectes sont associés à la culture du pistachier et particulièrement les vers des pistaches et le scolyte. Il faut les combattre par des techniques culturales adéquates et des traitements phytosanitaires adaptés.
La récolte démarre à la fin de l’été (aout-septembre). Elle est généralement étalée dans le temps et peut être mécanisée, surtout pour les exploitations intensives. Il est recommandé de bien sécher les fruits au soleil, sur des claies ou des nattes, immédiatement après récolte. La conservation des pistaches se fait dans des sacs ou des caisses, à l’abri de l’humidité et des rongeurs.
Pour de nouvelles plantations, il est possible soit de se procurer des plants greffés, soit de réaliser le semis de graines (de pistachier cultivé ou sauvage) et plus tard le greffage sur place. Une bonne préparation du sol et une bonne fumure de fond sont nécessaires. La densité de plantation est autour de 100 pieds/ha en pluvial et 200 à 300 pieds en irrigué.

Le pistachier en Tunisie

En Tunisie, la superficie occupée par le pistachier serait probablement autour de 33 000 ha. Elle a été estimée en 2014 à 30 000 ha dont la moitié se trouve dans des fermes domaniales (ministère de l’Agriculture). Avec la demande croissante et des prix rémunérateurs, de nouvelles plantations ont vu le jour. Le pistachier serait ainsi, au niveau national, la troisième spéculation après l’olivier et l’amandier. Gafsa occupe la première place avec 22 000 ha (dont 4 500 ha irrigués) et une production estimée pour l’année en cours, selon des responsables du Crda, à 2 000 tonnes (contre 2 800 tonnes l’année dernière). Le gouvernorat de Kasserine vient en seconde position. La production nationale serait selon les années d’environ 5 000 à 6 000 tonnes/an.La variété la plus cultivée en Tunisie est la variété Mateur. Cette excellente variété locale est très bien adaptée et connue même à l’étranger. Elle se distingue à tous points de vue sur toutes les autres variétés aussi bien locales qu’introduites. (La porte greffe peut-être du vrai pistachier (Pistaciavera) ou le pistachier sauvage (Pistaciaatlantica) appelé batoum).

La Tunisie exporte des pistaches, toutefois elle en importe beaucoup plus. La production mondiale annuelle de pistaches varie de 400 à 500 000 tonnes. La Syrie, l’Iran, la Turquie et les Etats-Unis représentent les principaux pays producteurs. La France est un gros consommateur de pistaches et en importe chaque année environ 10 000 tonnes.

Des possibilités d’amélioration

Malgré l’amélioration de la production de pistaches ces dernières années, la productivité reste toutefois assez faible. En prenant les chiffres récents de la culture du pistachier dans la région de Gafsa, considérée comme le principal pôle de production de pistaches en Tunisie, la production pour 2023 a été estimée à 3 000 tonnes pour une superficie de 20 000 ha et 1,5 million de pistachiers. La densité moyenne serait de 75 arbres/ha et la productivité de 150 kg/ha. En considérant que les plantations, à Gafsa, sont jeunes avec une production moyenne seulement de 5kg/arbre et moyennant la même densité de 75 arbres/ha, la production de pistaches devrait être de 375 kg/ha, ce qui correspond à des rendements moyens dans des pays similaires aux nôtres comme l’Espagne (370 kg/ha) ou la Turquie (396 kg/ha). Pour une superficie de 20 000 ha, on devrait obtenir près de7 500 tonnes alors qu’on ne réalise que 3 000 tonnes seulement. La marge d’amélioration est ainsi importante et il est possible de doubler ou de tripler la production actuelle.

L’amélioration de la production de pistaches passe par une maîtrise technique de la conduite, et particulièrement la pollinisation des pistachiers femelles qui dépend du nombre de pieds femelles/pied mâle, le choix et la compatibilité des variétés mâle et femelle, le déroulement de la pollinisation…

Une attention particulière doit être accordée à la qualité de la production de pistaches en agissant à la fois sur le choix variétal, la conduite technique de la culture et les méthodes de traitement et de conservation en post-production. Parmi les critères qualité de la pistache, on peut citer le poids, la déhiscence, la couleur, la saveur et la composition nutritive.

Par ailleurs, les agriculteurs sont de petits producteurs, mal organisés et mal structurés qui ont souvent des problèmes de commercialisation. Il est nécessaire de les aider à s’organiser en associations, sociétés, coopératives ou mutuelles… Il faut également constituer une véritable filière comprenant tous les maillons de la chaîne (allant des pépiniéristes/producteurs/transformateurs aux commerçants et consommateurs). Le développement du secteur de la transformation et du conditionnement (traitement des pistaches, casseries, tri et emballage) permettra de soutenir le secteur et aider à sa promotion. Il sera possible de présenter aux consommateurs une large gamme de produits comme des pistaches nature, grillées ou salées ou de proposer de la pâte destinée aux professionnels de la confiserie et les glaciers. Il serait également possible d’extraire de l’huile pour les cosmétiques et les produits pharmaceutiques. Enfin, il faut souligner que la pistache bio a la cote et est très demandée sur le marché international.

Bon à savoir à propos des pistaches

1- Pourquoi les pistaches sont chères ? Le prix des pistaches étant libre, il obéit à la loi de l’offre et la demande. Le prix est d’autant plus élevé que l’offre est faible. Par ailleurs, le pistachier entre en production tard (en moyenne après 20 ans) et produit essentiellement 1 fois tous les 2 ans (phénomène d’alternance). Les frais de récolte manuelle, de séchage et de conditionnement et les pertes entraînent également une augmentation conséquente du prix de revient.

2- Pourquoi les pistaches de bouche sont vendues en coque ? Le décorticage et le rendement assez faible (en moyenne de 50%, soit pour 100g de pistaches non décortiquées, on a environ 50 g d’amandon) augmentent le prix au niveau du consommateur. Par ailleurs, celui-ci éprouve du plaisir à décortiquer les graines déjà entrouvertes. Enfin, il a été démontré que les pistaches entières réduisent de près de moitié la consommation des pistaches et évite ainsi l’excès à déconseiller.

3- Les pistaches font-elles grossir ? Pas de problème, la pistache est le fruit à coque le moins calorifique. Elles sont riches en fibres et donnent rapidement la sensation de rassasiement, ce qui limite la consommation.

4- Risque d’intoxication. Les pistaches mal conservées risquent de connaître le développement de micro-organismes et la production de mycotoxines nuisibles à la santé.

5- Des pistaches colorées. Jusqu’en 1980, les pistaches provenant de l’Iran et commercialisées aux Etats-Unis d’Amérique étaient colorées au rouge afin de masquer des taches sur les coques dues à la cueillette manuelle et aux diverses manipulations subies par les fruits. Les pistaches en coque avaient un aspect sale et moisi, peu attrayant pour le consommateur. Depuis, les EU d’Amérique ont développé leur culture de pistachiers et n’importent plus les pistaches colorées iraniennes.

6- Monder les pistaches. En enlevant la coque, qui se fend en deux lorsque le fruit est mûr, on trouve la pistache enveloppée dans une légère peau rouge rosé. Il faut enlever la peau pour confectionner la pâte de pistaches. Cette opération s’appelle monder la pistache. Les pistaches sont plongées dans de l’eau bouillante pour décoller la peau, on les égoutte et on les pèle dès qu’elles ont bien refroidi. Les pistaches mondées sont séchées puis soit broyées et utilisées, soit pour servir à la préparation de pâte de pistache en y ajoutant de l’eau et du sucre.

Conclusion

Avec son goût doux, délicat et plein d’arômes, la pistache est un fruit très apprécié par les consommateurs et les professionnels des secteurs de la pâtisserie et de la gastronomie et a le vent en poupe. Les marchés, tant intérieur qu’à l’export, sont demandeurs et les prix sont intéressants.Le pistachier est très performant, il s’adapte à de faibles pluviométries mais répond bien à des apports complémentaires d’eau d’irrigation même de mauvaise qualité. Il peut être également un moyen pour diversifier les cultures et garantir des revenus convenables aux agriculteurs. La Tunisie est capable de devenir un grand producteur de pistaches de qualité. D’immenses terres du Centre et du Sud sont encore mal exploitées et peuvent être plantées de pistachiers bien adaptés à ces conditions difficiles.

Il est nécessaire de soutenir le secteur et d’avoir une stratégie adéquate pour son développement raisonné en tirant profit des avantages du pistachier, sa rusticité, sa résistance à la sécheresse et sa tolérance à l’irrigation aux eaux de mauvaise qualité.

En raison du réchauffement climatique, le pistachier est un arbre qui a de l’avenir dans tout le bassin méditerranéen. De nombreux pays de l’autre rive (France, Espagne, Italie…) ont décidé, en raison du manque de pluie, de se reconvertir, d’introduire et de développer la culture du pistachier.

Ridha Bergaoui



 

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