Les merveilles de l’Ardèche: Retrouvailles avec mes anciens collègues de l’INSERM
Par Abdellaziz Ben-Jebria - Comme chaque année, le comité d’Action et d’Entraide Sociale (CAES) de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) a organisé notre semaine de retrouvailles annuelles (retraités, chercheurs, ingénieurs, techniciens, et administratifs) dans l’un des plus beaux départements de France. Pour l’année 2024, du 11 au 18 Mai, l’Ardèchefut le choix des collègues-organisateurs, siégeant au CAES-INSERM.
Et comme l’an dernier, nous étions une soixantaine de participants dont une cinquantaine de femmes et seulement une douzaine d’hommes. Plus de mystère pour ce déséquilibre qui est constant et qui semble indiquer que les femmes, avec une durée de vie moyenne de 85 ans, sont plus résistantes aux vicissitudes de la vie que les hommes (79 ans). D’ailleurs, Jean Ferrat, qui est enterré en Ardèche,n’avait-il pas raison quand il chantait le poème d’Aragon, "La femme est l’avenir de l’homme" ? Que pourrions-nous faire sans elles ?
Je dois le reconnaitre ; nous étions bien gâtés par un programme culturellement bien chargé mais agréablement bien vécu. Et comment pourrait-il être autrement, puisqu’on parle tout de même d’un magnifique lieu où la ruralité avec sa beauté naturelle prime sur l’urbanité ? Oui l’Ardèche est tout ceci : une partie du Parc national des Cévennes, ses jolis cols, montages etpetites vallées, ses rivières et ses longues coulées, ses gorges et ses grottes, ses fameux châtaigniers et ses énormes variétés d’arbres fruités, et ses nombreux villages de caractères, sans oublier la diversité de ses sols, de ses paysages naturels et de son climat; ils répondent, tous, présents.Mais avant de narrer les circuits qu’on nous a offerts dans ce programme bien chargé, je dois d’abord rendre hommage à nos collègues-féminines pour les remercier de leur dévouement à cette énorme organisation qu’elles préparaient pendant des mois. Et en préambule, on doit reconnaitre que nous étions bien accueillis au Cap-Ardèche, un village-vacances, situé en pleine nature typiquement ardéchoise, sauvagement verdoyante et printanièrement fleurissante, en ce mois de Mai.
Confortablement bien logés et gastronomiquement bien nourris et abreuvés (comme aimaient dire les québécois), avec du vin rouge, blanc et rosé, nous avions aussi à notre disposition une piscine en plein air, malgré la météo qui boudait, et surtout un bar avec une grande salle pour les discussions sociales et les soirées dansantes qui étaient favorables aux hommes-minoritaires pour choisir tant de partenaires féminins. Détrompez-vous, les jeunes ; il y avait beaucoup qui sautillaient bien rapidement au rythme du Rock’n’roll, à cet âge bien avancé.
Allons, soyons sérieux maintenant et rentrons dans le vif du sujet, car nous parlons de l’Ardèche qui est un département peu peuplé (≈330 000 habitants), avec une faible densitéde60 hab./km2 ;et il est l’un des domaines les plus forestiers de France, avec 45% du territoire couvert de forêts. L’Ardèchese caractériseainsi par sa ruralité, mais qui s’offre une magnifique et forte disparité naturelle, aussi bien climatique, pédologiqueque végétale. Et pour cause, il se situe dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, avec une altitude allant de 50 à 1700 m, et un sol alternantlegrès et le calcaire ; et il est gratifié d’un climat tempéré au Nord et d’une ambiance atmosphérique méditerranéenne au Sud ; ce qui diversifie, embellie, et amplifie son paysage subjuguant pour passer une agréable semaine, en dépit d’une météo renâclant et d’un temps relativement maussade.On s’en est finalement bien sortis tout au long de la semaine, pendant nos sorties quotidiennes qui ont commencé,le matin, par la découverte de Vinezac et la visite du château Julien qui enfermait ce village de caractère pour le protéger contre les invasions d’antan. Quant à l’après-midi de ce premier jour, c’est en direction des Cévennesardéchoises qu’on s’était embarqués pour un circuit de 100 km, via le Col de Meynard avec un arrêt au village de caractère, Jaujac.Celui-ci est situé dans la haute cévenne ardéchoise, au pied du massif de Tanargue et le long de la rivière du Lignon, niché entre le plus jeune volcan d’Ardèche et ses longues coulées basaltiques.
Pour la deuxième journée, c’est dans le village Vogüé, classé parmi les plus beaux de France,que nous avons passé la matinée pour le découvrir et le visiter avec, au retour,un arrêt chez un artisan nougatier pour dégustation et évidemment achat (≈ 2000 euros, d’après mon estimation) ; ce qui démontre que les seniors contribuent généreusement au commerce du patrimoine artisanal français, surtout quand il s’agit du nougat sucré, pour leurspetits-enfants, et leurs propres gourmandises ; leurs "sweetteeth", une expression anglaise pour taquiner les seniors.
Mais, l’après-midi a étéconsacréeà l’admiration du fameux Pont d’Arc (50 m de hauteur et 25 m de largeur) creusé par l’érosion de la rivière, et à la promenade dans les plus beaux belvédères, puis à la visite d’une ancienne bergerie transformée en musée de lavande, après la découverte du Canyon des Gorges de l’Ardèche, un des grands sites naturelsles plus remarquables d’Europe. Avec ses paysages préservés, la variété et la richesse de ses patrimoines historiques et préhistoriques, ce site est classé Réserve Naturelle Nationale depuis 1980. Le canyon abrite une centaine d’espèces animales dont l’emblème de la réserve, l’aigle de Bonelli, et plus de 500 espèces végétales.
Le lendemain du séjour fut une journée plus relaxe, à proximité de notre village-vacances, puisqu’il s’agit d’abord le matind’une visite guidée de Largentière, cité médiévale et minière, et d’une bonne déambulation individuelle à travers son marché hebdomadaire régional, du mardi matin. Quant à l’après-midi, c’est du repos au bord de la piscine pour les fatigués, des jacasseries dans le bar-salon pour les nonchalants-paresseux, d’une randonnée à proximité pour les courageux, ou d’une flânerie dans les alentours pour les curieux amateurs de la nature environnante.
La quatrième journée étaitvouée à la découverte du village Baluzac, classé parmi les plus beaux de France (encore un), en bordure de l’Ardèche. Puis, l’après-midi, c’était lalongue visite de la fameuse Grotte Chauvet-2, une reconstitution artificielle d’un espace-répliqué de la grotte originale (Chauvet), découvertele 18 décembre 1994 par Jean-Marie Chauvet, avec ses peintures qui dataient de – 36 000 ans. Elle estinscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis le 22 juin 2014 ; une reconnaissance qui confirme son statut de chef-d’œuvre artistique, et un témoignage unique de l’histoire de l’humanité. Elle recèle en effet les plus anciennes représentations picturales connues à ce jour, avec la beauté et le génie artistique humain ;des dessins et gravures, préservés dans un parfait état de conservation, constituantainsi un exceptionnelart rupestre préhistorique. Mais pourpréserver ces précieuses œuvres de la pollution humaine, et afin de les transmettre intactes aux futures générations, il est impossible d’ouvrir la Grotte originale aux visiteurs. Depuis 2015, ces trésors sont révélés dans l’espace reconstitué de la Grotte Chauvet-2 qui est ouverte au public depuis. Mais, je dois avouer que cette visite artificielle ne m’a pas impressionné, personnellement ; et la récitation par cœur de la visite narrée, rapidement, et sans interruption, par des jeunes guides amateurs, m’a désenthousiasmé ; ilsévitaient même de répondre aux questions. J’ai aussi constaté que c’est une vraie arnaque publicitairement commerciale (ça draine beaucoup d’argent). Mais, ce n’est qu’une opinion personnelle.Notre cinquième et avant dernièrejournée était consacrée à une longue excursion au cœur du Parc Naturel des Monts d’Ardèche : Antraïgues, pays de Jean Ferrat et la vallée de la Volane; le Mont Gerbier de Jonc et les sources de la Loire ;et le lac d’Issarlès (environ 170 km de route). Chemin faisant, on a profité d’un magnifique espace panoramique montagneux que seule l’Ardèche peut fièrement nous dévoiler, exhiber, et nous offrir gratuitement ? Et que puis-je ajouter en plus de l’admiration de la joliesse de ce paysage naturel ? D’abord, un bon gueuleton au Panoramique, un bon restaurant local, où on nous a servi un appréciable repas du pays. Puis, c’était le tour d’une curieuse visite du cimetièred’Antraïgues-sur-Volane où le chanteur-poète Jean Ferrat fut inhumé le 16 Mars 2010.Je dois reconnaitre qu’il est beau ce cimetière, comme beaucoup d’autres d’ailleurs, preuve que les morts sont mieux logés que les vivants. Et enfin, l’excursion s’est terminée par une balade au bord du lac d’Issarlès et la découverte de la source de la Loire au pied sud du mont Gerbier de Jonc de la commune Sainte-Eulalie (1408 m d’altitude).Pour la dernière journée de cet agréable séjour, il nous restait à découvrir la cité médiévale de Joyeuse, la visite du musée de la châtaigneraie, et du mas de la famille d’Alphonse Daudet, un écomusée des savoir-faire ardéchois et de la sériciculture.À ce propos, je dois me confesser que je ne savais pas que le fiston d’Alfonse Daudet, Léon,qui avait écrit beaucoup de livres et articles politiques, était un politicien chevronné, influant, et activement dévoué, avec son ami Charles Maurras, à l’Action Française. Je me suis instruit sur l’histoire de la famille, en lisant récemment "C’était les Daudet", un livre de Stéphane Giocanti (2013, chez Flammarion).
Mais, après cette intéressante parenthèse historique, je dois aussi dire que ça m’a fait énormément plaisir de découvrir Joyeuse, village natal et décès de mon ex-patron, le professeur Pierre Varène, qui me répétait souvent le bienfondé de son amour pour l’Ardèche et ses oliviers en réponse à mes propres amours pléonastiques, et répétitifs, des oliviers de ma mère. Il m’a même offert un livre que son propre père, instituteur, avait écrit sur Joyeuse (légendes sur son appellation : 1. Charlemagne perd son épais, trouvé par un soldat là où il ordonne joyeusement de créer le village ; 2.Village de filles de joie) ; à vous de choisir ou de deviner ?
Logé dans un bâtiment du 17e siècle, le magnifique musée nousrappelle que les châtaigniers de l’Ardèche dataient depuis 8 millions d’années, et qu’avec ses 60 variétés, et ses 5000 tonnes/an, le département est le premier producteur de châtaignes qui étaient d’ailleurs l’aliment essentiel de la région ;une importante nourriture, surtout pour une population croissante entre le 16e et le 17e siècle. Maisaprès avoir nourri cette population pendant plus de 1000 ans, les châtaigneraies commençaient à être délaissées, abandonnées et menacées de disparition, passant de 60 000 en 1870 à 6000 en 1960. Ce déclin était dû à trois facteurs : l’exode rural, pendant la période de dépression ; lamaladie causée par la bactérie-champignon ; et le tannin pour la soie.
Dans ce mas de caractère, propriété des Reynaud, aïeux maternels d’Alphonse Daudet, la visite de la magnanerie (élevage et histoire du ver de soie, avec les chenilles) permet de découvrir des documents rares, des portraits, des manuscrits, et des objets personnels de l’auteur, mais aussi la vie rurale ardéchoise au 19e siècle.Il faut cependant rappeler qu’ayant toujours vécu à Paris, Alphonse Daudet n’a passé que 8 ans de sa vie en Ardèche.
Retour par Labeaume, un village de caractère accroché à la falaise où les pierres racontent des histoires, etmême des préhistoires d’hommes, avec une centaine de dolmens. Les points de vue sont nombreux sur le lieu depuis les falaises et ses remarquables jardins suspendus. Ce village envoûtant avec ses rues étroites, sa place, ses artisans d’art, son Bistrot de Pays, ses plages, est àdécouvrir hiver comme été avec gourmandise.
Ainsi se termine notre semaine de séjour et de retrouvailles en Ardèche, où on a profité d’un magnifique espace panoramique montagneux, de belles et intéressantes excursions culturelles et patrimoniales, et où j’aieu le grand plaisir de retrouver quelques-uns de mes anciens collègues parisiens et bordelais que je n’ai pas vus depuis plus de 25 ans, ainsi que d’autres nouvelles connaissances sympathiques avec qui j’ai pu socialiser jovialement.
Abdellaziz Ben-Jebria
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