News - 19.09.2017

Imed Hammami: Faire des centres de formation des lieux d’accomplissement

Imed Hammami: Faire des centres de formation des lieux d’accomplissement

Nommé Ministre de l'Industrie et des Pme, dans le gouvernement Chahed 2, Imed Hammami revient sur son bilan de ministre de la Formation professionnelle à la demande de Leaders :

  Quelles sont les épreuves les plus difficiles que vous avez dû affronter?

Dès le début de ma prise de fonction, l’une des épreuves les plus difficiles que nous avons eu à affronter a été la gestion du sit-in des jeunes de Kasserine qui était en cours depuis janvier 2016, soit 8 mois avant notre arrivée. C’est avec force dialogue et réunions avec les protestataires que nous avons pu ensemble trouver une solution après près de quatre mois de travail acharné. Il m’importait de dénouer cette situation dès le départ, car il était inacceptable que des jeunes tunisiens eussent à passer un autre hiver dans des conditions déplorables. Leurs revendications ont trouvé peu à peu un écho favorable auprès de nos services et nous avons réussi à dénouer la situation grâce à une gestion au cas par cas. En effet, éreintés par une mobilisation qui s’éternisait, certains jeunes étaient tout à fait prêts à bénéficier d’offres d’emploi dans le secteur privé, certains ont passé avec succès des concours de la fonction publique, d’autres enfin ont été séduits par la proposition d’une démarche accompagnée vers l’aventure entrepreneuriale, en obtenant des financements pour créer de petites entreprises dans leur région.

La seconde grande épreuve de cette année a été la lutte contre la corruption au sein du ministère. Comme nombre d’institutions publiques, nous pâtissons de ce fléau contre lequel le chef du gouvernement a lancé une bataille courageuse. C’est d’ailleurs ce qui a grandement facilité cette mission que nous nous sommes assignée dès le premier jour. Nous avons transmis au ministère public une série de dossiers litigieux où des fonctionnaires étaient en cause. Nous avons été soutenus par l’engagement à nos côtés de hauts fonctionnaires de notre administration qui étaient intimement convaincus de la nécessité d’assainir les pratiques au sein des services de l’Etat pour une meilleure efficacité et un vrai sens de la responsabilité.

Enfin, l’un des moments les plus intenses pour le ministère a été la gestion de la crise de Tataouine. J’ai été chargé par le chef du gouvernement du suivi de la mobilisation sociale et des négociations avec les protestataires. Le challenge principal pour moi a été de garder un canal de communication permanent avec les parties prenantes dans la région en m’assurant de la qualité et la justesse des informations qui arrivaient à Tunis. Dans un contexte de tension extrême et de crise sans précédent dans la relation unissant les jeunes de Tataouine à l’Etat central, il était primordial de gagner la confiance des manifestants et d’assurer une participation collective de toutes les forces vives de la région pour trouver une issue à la fois pérenne et réaliste. Il était important de montrer aux habitants de Tataouine qu’ils étaient des citoyens à part entière et mes réguliers déplacements dans la région tout au long du processus de négociation ont permis aux uns et aux autres de s’apprivoiser mutuellement et d’instaurer un dialogue franc et sans concession. Il a fallu imposer l’autorité de l’Etat tout en respectant la légitimité des revendications sociales et économiques d’une région qui a souffert de décennies de désengagement. Grâce au soutien et à la confiance du chef du gouvernement et à sa volonté de voir la situation se dénouer, nous avons réussi à avancer, malgré le défi sécuritaire et le manque à gagner économique.

Nous avons obtenu l’adoption d’un accord révolutionnaire qui permettra à Tataouine de jouir de son plein potentiel économique tout en assurant aux jeunes de la région des opportunités en matière d’emploi. La signature de l’accord avec l’ensemble des parties prenantes représentées par le père d’Anouar Sekrafi, tué lors de l’unique affrontement avec la police à Tataouine, a été un moment extrêmement intense où la Tunisie a prouvé qu’elle était une véritable démocratie, à l’écoute des revendications de ses citoyens.

Quelles sont les trois principales mesures que vous avez prises et dont vous êtes le plus fier?

  • Le contrat de la dignité a été l’une des mesures principales que nous avons prises et dont nous sommes le plus fiers. En effet, c’est la première fois que l’Etat met en place des contrats de travail qui profitent à l’emploi au sein du secteur privé, tout en assurant une couverture sociale et un salaire décent aux diplômés de l’enseignement supérieur. C’était une formule qui tirait les leçons de tous les programmes passés et qui rompait avec les programmes d’emploi précaires au sein de la fonction publique, qui finissaient souvent en mobilisations sociales et en demande d’intégration en tant que fonctionnaires. Nous avons été extrêmement satisfaits du nombre important de jeunes qui ont manifesté leur intérêt. En effet, sur les 25 000 contrats disponibles, plus de 120 000 jeunes ont souhaité bénéficier de l’opportunité. La seconde édition qui aura lieu en 2018 s’annonce donc positivement. Au-delà de la pertinence du programme en soi, nous participons également à remettre en cause le paradigme classique de la recherche absolue d’un emploi au sein des institutions publiques par les jeunes issus de l’enseignement supérieur.
  • Le gouvernement d’union nationale a vu la création du secrétariat d’Etat à la Formation professionnelle et à l’Entrepreneuriat. Il était important de doter ce nouveau département dépendant du ministère d’une feuille de route et d’une stratégie. Nous avons alors travaillé à élaborer une stratégie nationale de l’entrepreneuriat que nous avons présentée au chef du gouvernement dès décembre 2016. Les objectifs principaux de cette stratégie s’articulent autour de la promotion d’une culture entrepreneuriale sur l’ensemble du territoire national, de la promotion de la création de micro, petites et moyennes entreprises et de l’harmonisation et la montée en efficacité de l’intervention de l’Etat dans ce domaine. Cette stratégie, aujourd’hui déclinée en plan d’action, bénéficie d’une mise en œuvre inclusive soutenue par des partenaires nationaux et internationaux. Elle s’appuie également sur une campagne de communication ambitieuse qui nous a beaucoup rapprochés de notre population cible et qui a fait du ministère technique que nous sommes, un ministère proche des citoyens.
  • La mise en œuvre de la réforme de la formation professionnelle sur laquelle nos équipes travaillent d’arrache-pied depuis mon arrivée au sein du ministère est l’un des chantiers les plus ambitieux que nous menons au sein du ministère. Avec près de 16 projets, une cinquantaine de cadres, une dizaine de partenaires internationaux et une approche tripartite (gouvernement, patronat et syndicat), nous modernisons ce secteur-clé pour notre compétitivité économique. L’avenir de la gestion des ressources humaines en Tunisie passera par une formation professionnelle innovante, moderne et adaptée aux exigences de l’économie au niveau national d’une part et international d’autre part.

Qu’est-ce que vous regrettez de n’avoir pas accompli à ce jour et comptez-vous le rattraper bientôt?

Au cours de cette première année, j’ai eu le plaisir de découvrir le monde de la formation professionnelle initiale, avec ses centres de formation, ses modules, ses formateurs et surtout ses apprenants. Nous gérons directement 136 centres de formation et cogérons avec d’autres organismes une cinquantaine de centres sectoriels. C’est là où se forment les futures compétences professionnelles de la Tunisie. En dépit de la persistance d’une image relativement défavorable de la formation professionnelle dans notre pays, il y a des jeunes femmes et des jeunes hommes absolument remarquables qui ont choisi la voie de la formation professionnelle. J’ai eu l’occasion de m’en rendre compte personnellement lors du festival annuel de la formation professionnelle organisé par notre organisme, l’Atfp. Cet événement de plusieurs jours est une occasion pour les apprenants de tout le pays de se retrouver et de participer aux dernières sessions de sélection de la compétition sportive et artistique nationale.

J’y ai vu des musiciens, des acteurs, des poètes, des créateurs, des artistes et des sportifs prometteurs qui vivent pleinement leur jeunesse tout en sachant conjuguer avec intelligence leur passion et leurs études.

J’ai regretté, cette année, de ne pas avoir pu donner à cet événement national l’ampleur qu’il mérite en m’engageant plus dans sa préparation et en assurant une couverture nationale qui permettrait une vraie rénovation de l’image de la formation professionnelle. Je me suis engagé à donner une nouvelle dimension à ce festival, avec une ouverture plus prononcée, un investissement financier plus important et surtout en garantissant une continuité dans les centres de formation tout au long de l’année. En effet, il est aujourd’hui primordial pour moi de faire des centres de formation des lieux de vie, de création, de créativité, d’engagement citoyen et d’accomplissement personnel et professionnel.

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