Femmes tunisiennes démocrates : Un engagement sans relâche
«Halte aux violations de nos libertés, concrétisons l’égalité» : le thème choisi pour le onzième congrès de l’Association tunisienne des femmes démocrates (Atfd), tenu les 23 et 24 janvier dernier, est en lui-même un constat amer et indigné et tout un programme d’action. Le nouveau bureau élu était alors investi d’une feuille de route très précise. Il est composé de Hafidha Chekir (chargée des affaires juridiques), Khadija Cherif (chargée des affaires extérieures), Ahlem Belhaj (chargée de la santé et des violences), Moufida Missaoui (chargée de l’information et de la communication), Raja Dahmani (secrétaire générale), Héla Ben Salem (trésorière), Najoua Baccar (chargée des droits économiques et sociaux), Naama Nsir (chargée de la culture et de l’éducation) et présidé par Monia Ben Jémia.
L’Atfd est une organisation féminine et féministe, créée en 1989, généraliste dans la mesure où elle a pour objectif l’égalité en droit et en fait entre les hommes et les femmes dans tous les domaines politique, civil, économique, social et culturel. Dès sa création, elle a mis en place un centre d’écoute et d’orientation des femmes victimes de violences (Ceofvv, créé en 1993). Plus de 2 000 femmes y ont été prises en charge et ont bénéficié d’une écoute solidaire, d’un soutien psychologique et d’une orientation juridique. Le centre offre d’autres services, comme l’accompagnement juridique (en cas de plainte en justice) et des aides sociales et/ou médicales, en cas de besoin. Ce sont surtout des violences conjugales et familiales (inceste) et des violences sexuelles (viol et harcèlement sexuel) dont se sont plaintes les femmes qui s’y sont adressées.
Après la révolution, l’Atfd a pu ouvrir d’autres centres dans les régions, dans les sections de Bizerte, Sousse, Kairouan et Sfax. Deux observatoires des droits économiques et sociaux ont ouvert, l’un à Ben Arous, l’autre à Sfax, auxquels les femmes victimes de licenciement abusif, harcèlement sexuel ou chômage ont pu s’adresser. Ces observatoires offrent les mêmes services d’écoute et d’orientation juridique que les Ceofvv. Une enquête sur les conditions de travail des femmes en milieu rural a, à ce titre, été menée en 2014 et le rapport a été publié.
Une université, du nom de l’une des fondatrices du mouvement féministe post- indépendance, Ilhem Marzouki, a également été mise en place après la révolution, en charge de former au féminisme. Jeunes et moins jeunes, militants ou non de l’association, hommes et femmes, ont ainsi pu recevoir des formations en matière de violences contre les femmes et sur la notion de discrimination à l’égard des femmes par l’étude de l’ensemble des textes juridiques, notamment internationaux. Afin d’appuyer les recherches sur la question féminine, un centre de documentation du nom d’une autre fondatrice du mouvement féministe post-indépendance, Safia Farhat, a également vu le jour.
Point d’élitisme, l’action sur le terrain
L’Atfd, contrairement à ce qui est véhiculé, n’est pas une association élitiste, mais une association dont les militantes sont sur le terrain, à l’écoute des femmes les plus vulnérables.
Au premier rang pour soutenir les insurgées du bassin minier en 2008, elle accompagne et participe activement à la révolution. Au lendemain du 14 janvier, elle crée une commission pour la justice transitionnelle, ses militantes se rendent dans les régions et recueillent à vif les témoignages des femmes victimes de violences policières. Son action se dénoue par l’organisation d’un tribunal fictif de justice transitionnelle où l’association recueille les témoignages de plusieurs générations de femmes victimes directes ou indirectes de la dictature. Elle publie deux ouvrages sur la question: Quelle justice transitionnelle pour les femmes? et un rapport sur «le tribunal fictif». L’Atfd participe également à la transition politique, plusieurs de ses militantes font partie de la Haute instance présidée par Yadh Ben Achour et c’est grâce à elles que la parité pour l’élection de l’ANC est votée. Dès l’élection de l’Assemblée nationale constituante, elle crée une assemblée constituante fictive qui travaille sur la constitutionnalisation des droits des femmes. Elle en publie un texte qu’elle distribue à chacun(e) des député (es) : «La constitution aux yeux des femmes», et se mobilise en août 2012 contre la complémentarité.
Très pugnace
Infatigable, tenace, profondément engagée dans le combat pour l’égalité, la liberté et la démocratie, l’Atfd sait que jamais rien n’est acquis aux femmes. Le nouveau bureau a d’importants défis à relever. Améliorer les services que l’Atfd offre aux femmes victimes de violence, surtout économiques et sociales, et plus généralement maintenir en fonction, renforcer ses différentes institutions, notamment en améliorant leur visibilité, mais aussi mettre en œuvre la constitution. Elle appuie les projets de loi en cours de rédaction, comme celui de la loi intégrale de lutte contre les violences à l’égard des femmes et a, à ce titre, publié dès 2012 un plaidoyer pour son adoption. Elle a été entendue sur le projet de loi de lutte contre la traite à l’égard des personnes, notamment des femmes et des fillettes, par la commission «droits et libertés» de l’ARP. Et elle appuie aussi la parité verticale et horizontale adoptée dans le projet de loi actuellement en discussion à l’ARP et relatif aux élections municipales et régionales. Elle fêtera cette année, avec l’ensemble du peuple tunisien, le soixantenaire du Code du statut personnel et demandera, à cette occasion, l’égalité des hommes et des femmes dans le mariage et la famille, y compris l’égalité dans l’héritage.
Lire aussi
Monia Ben Jémia, présidente de l'ATFD : Le combat des femmes...
- Ecrire un commentaire
- Commenter