News - 20.03.2015

Terrorisme et réformes : Caïd Essebsi en psychothérapeute

Terrorisme et réformes : Caïd Essebsi en psychothérapeute

Il a laissé de côté le discours officiel qui lui a été préparé (imprimé et distribué), pour se lancer dans une « improvisation » comme cela plait aux Tunisiens. Un peu comme Bourguiba, Béji Caïd Essebsi a été, en ce jour de célébration du 59ème anniversaire de l’Indépendance, dans la magie de la parole. Point de médicaments, pour exorciser les Tunisiens de leur mal, encore sous le choc de l’attaque terroriste du Bardo, ni d’euphorisants pour leur faire accepter les réformes douloureuses indispensables, la médecine qui s’impose est celle du verbe. BCE, c’est son fort. En 35 minutes, usant de sa rhétorique captivante, il a utilisé les divers registres de la poésie, des versets coraniques, des adages populaires, rappelant des pans de l’histoire nationale, ponctuant le tout de son humour légendaire. Sans pour autant omettre de ponctuer ses messages clefs : unité, sécurité, réformes et réconciliation. Un vrai show... très politique.

S’il commence son discours par l’évocation de la lutte nationale qui a conduit à l’indépendance, c’est pour souligner qu’elle a été "menée par toutes les forces politiques et toutes les catégories sociales". « Au centre de détention de Zaarour, rappellera-t-il, les Destouriens, Néo et Archéo, y côtoyaient les communistes, et les musulmans, les juifs, mais aussi les politiques et les syndicalistes. C’est cette union nationale qui a permis la libération de la Tunisie ».  Le premier mot-clef est prononcé.
 
Et d’enchaîner. « Dès le lendemain de l’indépendance, forte de son union, la Tunisie, rappellera-t-il, a engagé de grandes réformes, l’émancipation de la femme, l’abrogation de la polygamie, la réforme de l’enseignement, en tête. Ce n’était pas facile du tout à faire accepter, mais nous y sommes parvenus ». Deuxième mot-clef : les réformes. Le reste coulera de source et viendra en toute logique.

L’unité pour restaurer la sécurité

« Nous sommes désormais en guerre contre le terrorisme, a affirmé Béji Caïd Essebsi et nous l’emporterons, surtout que les conditions de l’unité nationale sont désormais réunies. Rien qu’en regardant cet auditoire, formé des représentants de toutes les forces vives de la nation, au-delà de toute considération, je me rends compte que nous sommes sur la bonne voie. Nous mènerons donc ensemble ce combat salutaire, sans pour autant renoncer à la liberté d’expression, à toutes les libertés. Mais, nous ne devons pas tolérer la mise en doute ou la démoralisation ». La détermination est ferme, la mise en garde claire.

Double bonus pour le gouvernement Essid

Béji Caïd Essebsi donnera alors deux bonus au gouvernement. Le premier en affirmant que « ce gouvernement sera stable et a devant lui de longue année, capable, et c’est son devoir, de conduire les réformes nécessaires ». 
Le second en se prononçant en tant que « témoin » : « toutes les mesures ont été prises pour maîtriser la situation dès de le déclenchement de l’attaque au Bardo. Tout a été rapidement sous contrôle, la Brigade Anti-terroriste est arrivée sur place en moins de 10 minutes ce qui a pu éviter une grande catastrophe, et l’ensemble du dispositif de gestion de la crise a été immédiatement déployé ».

Sécuriser les frontières

Caïd Essebsi évoquera alors le réconfortant élan de solidarité avec la Tunisie, citant particulièrement l’engagement solennel qui lui a fait Barack Obama, mais aussi de nombreux autres chefs d’état notamment occidentaux et arabes. Comment sera-t-il traduit au concret ? Le président de la République, drapée dans la dignité qui est celle de tous les Tunisiens, n’a rien demandé, a-t-il révélé mais s’attend à des gestes significatifs. C’est ce qui l’autorise à affirmer que les frontières seront sécurisées, faisant ainsi allusion à des dispositifs de caméras de surveillance et des hélicoptères dotés d’équipements de détection nocturnes.

Une grande urgence : les réformes

Et de revenir sur les réformes, en mettant en avant la forte dégradation de la situation économique qu’il l’impute à une série d’accumulation, dédouanant ainsi les gouvernements successifs depuis la révolution. Le plus grave à ses yeux, c’est que « les Tunisiens ne veulent plus travailler ». Caïd Essebsi commence alors à préparer son auditoire, c'est-à-dire le peuple, aux douloureuses réformes. « Le plutôt, sera d’ailleurs le mieux », glissera-t-il. Sans ces réformes, nous ne pourrons jamais nous en sortir. » Il citera particulièrement la recapitalisation des banques publiques, le rééquilibrage financier des caisses sociales et d’assurance maladie, le renflouement des entreprises publiques et la réforme de l’enseignement.

La grande promesse de la réconciliation nationale

La cerise qu’il offre, c’est la réconciliation nationale. Béji Caïd Essebsi la positionnera pour le moment au niveau économique, en appelant à ôter l’interdiction de voyage qui plombe encore nombre d’hommes d’affaires et à inciter ceux qui disposent d’avoirs financiers à l’étranger à les rapatrier en Tunisie. « Nous devons trouver les dispositions règlementaires appropriées, dans le cadre d’une loi qui sera votée par l’Assemblée, afin que tout se déroule en grande transparence », soulignera-t-il. Cette amorce « économique », sera en prélude à une réconciliation nationale « politique », couvrant l’avant-révolution et les années de la Troïka, qu’il se garde de ne pas évoquer pour le moment, même si ses proches l’ont laissée attendre et promettre durant les dernières semaines.
 
Les messages clefs sont-là : union nationale, guerre contre le terrorisme, réformes et réconciliation nationale. Un discours rassurant, apaisant, même s’il n’évoque pas la difficile relation à trancher avec l’UGTT et sa surenchère de revendications. Rompu au pouvoir, et fin analyste, Béji Caïd Essebsi sait que la Tunisie n’a besoin ni de chirurgie, ni de prothèses, mais de psychothérapie collective. Il s’y met habilement.
 
 
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2 Commentaires
Les Commentaires
Salma - 21-03-2015 17:49

BCE est l'homme qu'il faut pour cette phase conjoncturelle exceptionnellement difficile dans laquelle se débat la Tunisie! C'est un homme intelligent et politiquement très expérimenté! La majorité des Tunisiens a confiance en lui.Je lui souhaite beaucoup de succès et longue vie !

Nguira Ahmed - 22-03-2015 14:33

LES NAHDAOUIS SONT A LA RECHERCHE D'UNE NOUVELLE VIRGINITÉ . ILS SONT ENTRAIN DE RÉUSSIR LEUR HYMENOPLASTIE A TRAVERS LES MÉDIAS ET LEUR PROFIL BAS DANS LES MANIFESTATIONS . LA RÉCONCILIATION PRÊCHÉE PAR BCE FINIRA PAR LES RÉHABILITER DÉFINITIVEMENT. VOUS LES REVERREZ RESURGIR LORS DES MUNICIPALES ET LES RÉGIONALES . VOUS ENTENDREZ ALORS LEUR VÉRITABLE SON DE CLOCHE

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