News - 11.02.2015
Territoires occupes : Malak Al Khatib, 14 ans, la plus jeune détenue palestinienne
« L’enfant il naît chargé comme une bombe à fragmentation. Toute la crapulerie des générations précédentes il la transbahute dans ses bagages, autant de grenades dégoupillées ». Bertrand Blier, Existe en blanc, p. 60, Robert Laffont, Paris, 1998.
Malak al-Khatib n’a que 14 ans. Cette écolière palestinienne du village de Beitin, près de Ramallah, vient d’écoper de deux mois de prison ferme et devra en outre payer 1500 dollars d’amende. Elle avait été arrêtée le 31 décembre 2014 alors qu’elle rentrait de l’école. Son crime : avoir jeté des pierres sur des voitures de colons sionistes et être en possession d’un couteau, prétend le procureur du tribunal militaire. Sa mère Kawla déclare : « Cela m’a brisé le cœur de la voir comparaître au tribunal militaire d’Ofer menottée et enchaînée. Comme il faisait très froid, je lui avais apporté un manteau mais le juge ne m’a pas autorisée à le lui remettre et les policiers m’ont en outre empêchée de lui parler».
Un symbole et une vague de solidarité
Cette écolière palestinienne est devenue le symbole de la colère des Palestiniens contre l’arrestation d’enfants par les forces d’occupation israéliennes. Elle a soulevé une vague de solidarité et de soutien dans toute la Palestine et à l’étranger. L’Autorité Palestinienne a signalé son cas à l’ONU en dénonçant le fait qu’Israël arrête des enfants « en pleine nuit » et qu’il les soumet à « des tortures psychologiques et physiques ».
En fait, Israël arrête un millier d’enfants palestiniens annuellement. Les ONG estiment que 200 mineurs croupissent dans les geôles d’Israël mais que seules quatre filles sont prisonnières et Malak est la plus jeune d’entre elles. En novembre 2014, 156 enfants palestiniens étaient en prison d’après l’ONG Defence of Children International (DCI) Palestine.
Ali al Khatib, le père de Malak, se demande avec raison pourquoi un Etat aussi puissant qu’Israël s’en prend à sa fillette. Incrédule, il s’étonne: « Les Israéliens l’accusent d’avoir essayé de poignarder un soldat. Vraiment ? Une fillette contre un soldat équipé et lourdement bardés d’armes, un adulte ? »
Lors du procès, cinq officiels israéliens ont témoigné qu’elle était en possession d’un couteau quand elle a été arrêtée et, selon l’acte d’accusation, elle comptait l’utiliser contre les soldats en cas d’arrestation.
Cas unique au monde : Israel emprisonne les enfants palestiniens des 12 ans
Déjà en février 2013, l’UNICEF a critiqué Israël pour ces arrestations d’enfants en dénonçant les traitements qu’il leur inflige pour leur extorquer des confessions, traitements basés sur l’intimidation, les menaces et la violence physique. L’UNICEF affirme : « Les enfants ont été menacés de mort, de violence physique, de mise à l’isolement, d’agressions sexuelles contre eux ou contre des membres de leur famille ». En violation complète de tous les textes internationaux de protection des enfants !
C’est ainsi que Malak a passé trois semaines en détention provisoire à la prison de Hasharon avant de comparaître, le 21 janvier 2015, devant le tribunal inique qui l’a expédiée en prison. Durant toute cette période, interdiction a été faite à ses parents de lui rendre visite. De ce fait, la petite fille a dû emprunter à des détenues des habits.
Les ONG affirment que 500 à 700 enfants palestiniens passent annuellement devant les tribunaux militaires israéliens et que, cas unique dans le monde, la loi militaire israélienne permet de traduire en justice les enfants dès 12 ans. De manière générale, les juges militaires sionistes refusent la libération conditionnelle de ces enfants et basent leur décision sur leur confession. C’est ce qui s’est répété dans le cas de Malak… qui aurait « négocié un arrangement » avec le tribunal militaire, affirme un porte-parole de l’armée d’occupation israélienne !! Pour son père, les confessions de Malak n’ont aucune valeur car, note-t-il avec amertume, « Une fillette de 14 ans entourée de soldats israéliens reconnaîtra n’importe quoi. Elle admettrait avoir volé une bombe atomique, si telle était l’accusation ».
Dans les colonies, à Hébron et ailleurs, les enfants de colons jettent des pierres sur les voitures palestiniennes à la plaque minéralogique distinctive, ravagent les jardins et les poulaillers des Palestiniens sans que la police ne s’en offusque, généralement. Deux poids, deux mesures en somme. Sarit Michaeli de l’ONG israélienne B’Tselem affirme : « Un enfant israélien n’aurait pas passé trois semaines en détention provisoire, pas même un garçon, et a fortiori une fille étant donné la protection offerte par la loi à la jeunesse ».
Une icone palestinienne
Sans prendre pour argent comptant les allégations de la soldatesque israélienne contre Malak, on peut penser que le souvenir des 500 enfants de Gaza assassinés par « l’armée la plus morale du monde » et les 1500 orphelins que cette soldatesque a provoqués l’aient hantée. Comme n’importe quel enfant. Habitant près de Ramallah, elle devait avoir à l’esprit les exactions exercées par les habitants de la colonie illégale de Beit El, installés sur les terres volées aux Palestiniens. Elle devait avoir vu à l’œuvre les bandes de colons du « prix à payer » (price tag) agressant les Palestiniens et attaquant leurs maisons et leurs champs. Pouvait-elle ne pas souffrir de la démolition par Israël des maisons palestiniennes, démolitions qui traumatisent les enfants et bouleversent leur vie ? Amira Hass (Haaretz, 1er février 2015) affirme que «.. Depuis le début de 2015, à Jéricho, Hébron, Ramallah et Beït Iksa, 77 structures palestiniennes ont été détruites par l’Administration Civile de l’armée israélienne provoquant le déplacement de 101 Palestiniens dont 51 enfants. En 2014, Israël a démoli 1177 maisons à Jérusalem et en Cisjordanie… Certaines de ces constructions avaient été données par l’Union Européenne » et la journaliste de conclure que les Palestiniens n’ont pas le choix car obtenir un permis de construire relève de la mission impossible notamment à Jérusalem Est, flagrante « discrimination contre les Palestiniens comparativement aux juifs » . Ces punitions collectives ont un immense impact sur le psychisme des enfants, faut-il le souligner ? Malak pouvait-elle ne pas souffrir des humiliations infligées aux adultes devant leurs enfants aux check-points ? Pouvait-elle oublier le meurtre atroce de Mohamed Abou Kheir, brûlé vif par les barbares du « prix à payer » et dont l’image est partout affichée en Palestine ? Jusque et y compris dans la propre chambre de Malak….à côté de celle Cristiano Ronaldo, du Real Madrid !
Pour la radio française RFI, Malak est devenue « une icône » pour les Palestiniens, icône de la résistance palestinienne, l’exemple vivant de l’agressivité et de l’oppression israéliennes vis-à-vis d’une minorité sans défense… mais une icône d’une enfance que l’occupation sioniste illégale a fait voler en éclat.
Ghada Ageel, professeur et politologue à l’Université de l’Alberta (Canada) rappelle que l’ancêtre de l’ONU, « la Société des Nations » (SDN) affirmait déjà en 1924 : « L’Humanité doit donner à l’enfant ce qu’elle a de meilleur » et sa Déclaration insiste sur « le droit » des enfants à un développement normal ». En 1959, la Déclaration des Droits de l’Enfant » de l’ONU reprend les principes mis en place par la SDN et note que les enfants « ont besoin d’une sauvegarde spéciale » et qu’ils doivent jouir d’ « une protection particulière ».
On est bien loin de ces droits en Palestine occupée par Israël et Ghada Ageel de poursuivre : « Cette forme de punition vise à nier aux enfants palestiniens un sens d’appartenance, un concept de possession et une idée de chez soi. C’est comme si l’occupation était faite pour dépouiller les enfants palestiniens de leur dernier sanctuaire de protection physique. Confinés dans la prison à ciel ouvert de Gaza et dans les bantoustans de Cisjordanie, le message est on ne peut plus clair à leur adresse: vous n’êtes pas le bienvenu sur cette terre ». Il s’agit là en fait d’un autre moyen pour faire plier la démographie en faveur de l’Etat juif cher à Netanyahou et ses acolytes à la veille des élections générales israéliennes de mars prochain.
Attaquer sans merci les ressources futures, « le capital humain » de la nation palestinienne, voilà ce que visent les sionistes en jetant en prison des filles de 14 ans et en mettant derrière les barreaux des enfants palestiniens. Aveugles à toute vision d’avenir. Ivres de leur puissance militaire et assurés du silence de l’Occident. Seront-ils capables de soutenir le regard de Malak, ces sionistes haineux ?
« Quand je parle d’avenir
Ce n’est pas éventail d’utopies.
Je ne pense qu’à l’enfant qui me regarde en face ».
Gabriel Celaya (poète espagnol 1911-1991)
Mohamed Larbi Bouguerra
Tags : bertrand-blier
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